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Enquête sur une possible fraude lors de la collecte de signatures pour des initiatives populaires

Une association vaudoise aurait falsifié des milliers de signatures pour une initiative populaire
Une association vaudoise aurait falsifié des milliers de signatures pour une initiative populaire / 19h30 / 2 min. / lundi à 19:30
Le Ministère public de la Confédération enquête sur des soupçons de fraude électorale. Des entreprises commerciales sont soupçonnées d'avoir falsifié des signatures récoltées dans le cadre d'initiatives populaires.

"Des procédures sont actuellement en cours contre différentes personnes physiques et contre inconnu", a indiqué lundi le Ministère public de la Confédération (MPC), confirmant une information publiée sur les sites des journaux de Tamedia.

Dans le cadre de ces procédures, le MPC et l'Office fédéral de la police (fedpol) ont procédé à des perquisitions et à des auditions. "Comme les enquêtes ne sont pas terminées, nous ne pouvons en dire plus pour le moment."

Le Ministère public de la Confédération n'a pas précisé de quelles initiatives il s'agissait ni contre qui les procédures sont dirigées.

>> Les explications dans Forum :

Le MPC enquête sur des milliers de signatures falsifiées récoltées lors d’initiatives populaires
Le MPC enquête sur des milliers de signatures falsifiées récoltées lors d’initiatives populaires / Forum / 2 min. / lundi à 18:00

L'initiative "Service citoyen" a levé le lièvre

Selon les journaux de Tamedia, l'entreprise Incop, basée à Lausanne, spécialisée dans la récolte rémunérée de paraphes pour des référendums et des initiatives populaires, serait au coeur de la fraude.

C'est Noémie Roten, co-présidente du comité d'initiative "Service citoyen", qui a découvert la fraude. Début 2023, elle mandate la société Incop pour récolter 10'000 signatures validées.

Trois semaines plus tard, la société de récolte de signatures lui en livre près de 5000, mais après les avoir soumises aux communes pour vérification, elle découvre qu'une grande partie d'entre elles sont invalides, avec un schéma qui se répète: adresses inventées, signataires qui n'existent plus, feuilles entières recopiées... Noémie Roten a remis un rapport de 236 pages au MPC.

"Nous n'avons pas externalisé le processus de vérification par les communes, et nous avions un système de gestion des formulaires assez performant qui nous a permis de voir rapidement que les taux d'invalidité des signatures étaient particulièrement élevés", explique-t-elle mardi dans La Matinale, évoquant "plus de 30%" d'invalidité. "Peu de temps après, on a porté plainte."

Malgré tout, elle ne se dit pas en faveur d'une interdiction pure et simple des récoltes rémunérées. "Pour un petit comité d'initiative comme le nôtre qui ne dépend pas de grosses structures partisanes, c'est très difficile de faire aboutir une initiative sans avoir recours à des récoltes rémunérées. Par contre, elles doivent être beaucoup mieux encadrées!", plaide-t-elle. "Il y a d'autres mesures beaucoup moins drastiques, par exemple coupler la récolte de signature et leur validation, ou exiger des licences, ou plus de transparence."

>> Son interview complète mardi dans La Matinale :

Le MPC enquête sur des fausses signatures d’initiatives populaires: interview de Noémie Rothen [KEYSTONE - Jean-Christophe Bott]KEYSTONE - Jean-Christophe Bott
Le MPC enquête sur des fausses signatures d’initiatives populaires: interview de Noémie Rothen / La Matinale / 6 min. / mardi à 07:18

Une douzaine d'initiatives concernées

L'entreprise Incop avait déjà fait l'objet de critiques pour avoir récolté des signatures avec des arguments fallacieux. Contacté, son directeur nie avoir livré de fausses signatures au comité "Service citoyen".

L'initiative pour un "Service citoyen" ne serait pas la seule concernée. Selon la Chancellerie fédérale, qui a également déposé plainte, de fausses signatures seraient déjà apparues dans le cadre d'une douzaine d'initiatives populaires.

Elle a toutefois tenu à rassurer: il n'y a pas assez d'indices pour dire que le peuple aurait voté sur l'un ou l'autre référendum ou l'une ou l'autre initiative alors que le nombre de signatures n'aurait pas été suffisant.

La presse alémanique émet toutefois certains doutes, à l'image du Tages-Anzeiger, qui relève que certains textes sont parfois déposés avec un nombre de signatures tout juste suffisant et que des votations auraient pu se tenir malgré un manque de paraphes. Il est toutefois encore trop tôt pour le confirmer, mais l'enquête devra répondre à cette question.

>> Les précisions de Rouven Gueissaz dans le 19h30 :

Une association accusée d’avoir falsifié des signatures pour une initiative populaire. Les précisions de Rouven Gueissaz
Une association accusée d’avoir falsifié des signatures pour une initiative populaire. Les précisions de Rouven Gueissaz / 19h30 / 1 min. / lundi à 19:30

Aucun modèle politique

Le canton de Vaud observe une recrudescence du phénomène depuis quelques années. Mais ces fraudes ne sont pas toujours faciles à déceler.

Début 2019 déjà, plusieurs communes se sont annoncées auprès du canton pour de possibles cas de fraude, a indiqué Vincent Duvoisin, directeur des affaires communales et droits politiques à l'Etat de Vaud, aux journaux de Tamedia. Suite à cela, il a été demandé aux communes de signaler systématiquement les irrégularités.

Aucun modèle politique clair ne ressort, selon le canton de Vaud. Parmi la douzaine d'initiatives populaires pour lesquelles le plus grand nombre de signatures fictives ont été recensées se trouvent aussi bien des textes de la droite conservatrice que du camp écologiste ou encore des textes qui ne sont pas clairement situés politiquement.

L'initiative pronucléaire "Stop au blackout", l'initiative de l'UDC "Pas de Suisse à 10 millions!" mais aussi celles contre l'élevage intensif ou pour l'interdiction de l'expérimentation animale sont notamment concernées, selon la liste établie par le Canton de Vaud.

>> Lire aussi : La récolte rémunérée de signatures, un business peu contrôlé et qui rapporte

Une interdiction demandée

Pour la Chancellerie fédérale, il est essentiel que les cas suspects de falsification de signatures soient dénoncés, souligne son porte-parole. Et d'ajouter que toutes les listes de signatures concernées ont été mises à la disposition des autorités de poursuites pénales (lire encadré).

Dans la foulée de ces révélations, la Fondation pour la démocratie directe a appelé le Conseil fédéral et le Parlement à prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à la collecte commerciale de signatures pour les initiatives et les référendums. Les Vert-e-s veulent aussi interdire cette pratique le plus rapidement possible, a indiqué sur X le conseiller national Balthasar Glättli (ZH).

lan avec ats

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Plainte de la Chancellerie fédérale

La Chancellerie fédérale a confirmé qu'elle avait déposé une plainte pénale contre inconnu en 2022 déjà pour soupçon de fraude électorale. Elle a ensuite complété cette plainte avec différents cas suspects en lien avec des collectes de signatures pour différentes initiatives populaires.

La Chancellerie fédérale échange régulièrement avec les cantons, les services d'attestation - en général les communes - et les comités. Dans ce cadre, des soupçons de falsification de signatures lui ont été signalés. Selon la chancellerie, une douzaine d'initiatives populaires sont concernées, à divers degrés.

Les cas suspects sont majoritairement des listes de signatures provenant de communes romandes, précise la chancellerie, qui ajoute toutefois que depuis l'hiver dernier, elle reçoit de plus en plus d'annonces de cas suspicieux de Suisse alémanique.