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Est-ce légal pour une régie de demander des infos sur un candidat à son employeur?

Une recherche de courrier. [Depositphotos - vasabii777]
Est-ce légal pour une régie de demander des informations sur un candidat à son employeur? / On en parle / 10 min. / le 13 mars 2024
Une auditrice de On en parle, responsable administrative dans une entreprise à Fribourg, s'étonne de recevoir régulièrement des questionnaires concernant ses employés de la part de régies immobilières. Pour Carole Wahlen, avocate spécialiste en droit du Bail et présidente d’Asloca Vaud, cette pratique pose problème, notamment au niveau de la protection des données.

"Monsieur X a postulé pour un logement dont nous avons la gérance et, pour pouvoir lui attribuer l’appartement convoité, nous voulons nous assurer que cette personne est toujours bien en fonction. Pourriez-vous svp nous répondre en remplissant le questionnaire annexé. A noter que cet appartement est très demandé et c’est pourquoi une réponse très rapide est impérative (...)"

C'est en substance le mail que Valérie, responsable administrative dans une entreprise à Fribourg, reçoit régulièrement de la part de régies immobilières concernant des employés de sa société candidats à des appartements. Ce courriel s'accompagne de cinq questions: l’emploi est-il permanent? Quel est le salaire brut annuel? Des changements d’emploi sont-ils prévus? Depuis quand est-il employé ? Informations complémentaires?

Très surprise par une telle démarche, cette auditrice de On en parle s'interroge sur sa légalité. Une régie immobilière est-elle en droit de demander des informations sur un candidat à son employeur?

Consentement du candidat toujours demandé

Contactée, une des régies en question, Régie Fribourg SA, indique que les renseignements récoltés, concernant essentiellement la solvabilité du candidat, lui servent exclusivement à examiner sa candidature et s'assurer que les documents récoltés, comme le certificat de salaire, ne sont pas faux. Son directeur adjoint Philippe Tomé dit en effet être confronté à ce genre de problème "à une fréquence toujours plus importante."

Philippe Tomé souligne toutefois que cette démarche n'est effectuée que si le locataire y consent formellement.

Mais quelles peuvent être les conséquences en cas de non-réponse de l’employeur? "Lorsqu’un employeur refuse de répondre à notre sollicitation, ou plus couramment lorsqu’il ne souhaite pas se prononcer à ce sujet, l’analyse du dossier suit simplement et normalement son cours. Il n’y a pas d’effet direct d’une non-réponse d’un employeur", répond Régie Fribourg SA.

Invitée de On en parle, Carole Wahlen, avocate spécialiste en droit du bail et présidente d’Asloca Vaud, déclare n'avoir jamais été confrontée à un tel questionnaire dans le canton de Vaud. "Mais je sais que certaines régies vont assez loin dans leurs exigences s’agissant de l’examen de la solvabilité des locataires", souligne-t-elle.

Problématique en termes de protection des données

Quoi qu'il en soit, pour elle, ce questionnaire "extrêmement intrusif dépasse largement le cadre de ce qui est admissible", notamment en termes de protection des données.

Car la collecte de données effectuée par une gérance auprès de personnes intéressées à la conclusion d’un contrat de bail constitue un traitement de données personnelles au sens de la loi fédérale sur la protection des données (LPD). Contacté, le préposé fédéral à la protection des données insiste d'ailleurs sur le fait que "toute transmission d’information concernant l’emploi ou la situation financière nécessite l’accord préalable de la personne concernée."

Liberté du consentement et proportionnalité remises en doute

Mais Carole Wahlen remet en doute ce consentement qu'elle ne juge pas totalement "libre et éclairé". "Si le locataire dit qu'il ne veut pas qu’on contacte son employeur, ses chances d'obtenir le logement vont grandement diminuer", regrette-t-elle.

Et c'est sans compter "le caractère proportionnel qui est également exigé par la loi sur le traitement des données", et qui, selon elle, n'est pas respecté dans le cas présent. "Car le candidat aura normalement déjà fourni un certain nombre de documents, comme un certificat de salaire et un extrait des poursuites, qui sont suffisants pour s'assurer de sa solvabilité."

Et gare à celui qui mentirait ou qui produirait de faux documents. "Il est passible de poursuites pénales", ajoute-t-elle. "Donc je ne vois pas l’utilité d'aller encore gratter auprès de son employeur pour savoir s’il n'a pas menti." 

Heureusement, la plupart des propriétaires sont corrects et font les choses bien, conclut-elle. Et en cas de doute, "on peut toujours s'adresser au préposé sur la protection des données qui peut intervenir." Tout en ayant en tête que l'appartement pourrait par conséquent être attribué à quelqu'un d'autre.

Sujet radio: Quentin Bohlen

Adaptation web: Fabien Grenon

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