Pour lutter contre les goulets d’étranglement, le Conseil fédéral a proposé au Parlement le financement de six projets d’extensions autoroutières – cinq en Suisse alémanique, un en Suisse romande – prêts à être réalisés. Quatre de ces six projets concernent l'A1. Cette autoroute, qui s’étend de l’est à l’ouest de la Suisse, est non seulement la plus longue du pays (410 kilomètres), mais aussi la plus touchée par les bouchons avec 16’279 heures d’embouteillage en 2023, selon l’Office fédéral de la statistique.
Les Chambres fédérales ont avalisé ces élargissements en septembre 2023. Au nom de la protection du climat, une vaste alliance menée par l’Association transports et environnement (ATE) ainsi que l’association écologiste actif-trafiC a aussitôt lancé un référendum intitulé "Stop à la folie autoroutière". En l’espace de trois mois, 100’000 signatures, soit le double des paraphes nécessaires, ont été récoltées avec le soutien notamment des Vert-e-s et du Parti socialiste.
Que prévoit exactement le projet?
Dans le cadre du Programme de développement stratégique des routes nationales (PRODES) 2030, le Conseil fédéral lance des projets de construction à hauteur de 11,6 milliards de francs pour préserver le fonctionnement du réseau. Tous les quatre ans, il soumet une étape d’aménagement au Parlement pour consultation.
L’étape d’aménagement 2023, contre laquelle a été lancé le référendum, porte sur six projets d’extensions autoroutières. En Suisse romande, l’axe Le Vengeron (GE)-Coppet (VD)-Nyon (VD) doit être élargi à deux fois trois voies sur une distance de quelque 19 kilomètres.
En Suisse alémanique, les projets concernent le tronçon de Wankdorf-Schönbühl (BE), qui doit passer de six à huit voies, ainsi que celui de Schönbühl-Kirchberg (BE), lequel augmentera de quatre à six voies. La construction du tunnel du Rhin (BS/BL), d'un deuxième tube dans le tunnel de Fäsenstaub (SH) ainsi que d'un troisième tube dans le tunnel du Rosenberg (SG) sont également prévus.
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Quels sont les arguments du camp du oui?
Le Conseil fédéral veut accroître la disponibilité et la sécurité des routes nationales. Il entend supprimer les goulets d’étranglement à des endroits stratégiques et ainsi améliorer la fluidité du trafic. Les projets visent à décongestionner les villes et les communes environnantes. Il s’agit d’éviter, en cas de bouchons sur l’autoroute, un report du trafic sur les routes cantonales et communales, lequel engorge certaines localités et affecte la qualité de vie des habitantes et habitants.
Alors que la population suisse ne cesse d’augmenter, les partisans des voies supplémentaires soulignent la nécessité de moderniser des autoroutes considérées comme vétustes. Il est important d’avoir des infrastructures adaptées, fonctionnelles et fiables pour répondre aux besoins de mobilité croissante. Une mobilité synonyme de liberté, d’emploi et de prospérité, selon le président du Touring Club Suisse (TCS) Peter Goetschi.
Il est question également de garantie d’approvisionnement. Ces routes sont d’une importance systémique pour le transport de marchandises, affirment les milieux économiques.
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Quels sont les arguments du camp du non?
Les projets d’aménagement des routes nationales sont incompatibles avec les objectifs climatiques que s’est fixés la Confédération en ratifiant les Accords de Paris, souligne l’alliance référendaire. Actuellement, le trafic routier est déjà responsable d’un tiers des émissions de CO2 en Suisse. Il est urgent de réfléchir à une mobilité durable et de développer l’offre des transports publics plutôt que d’agrandir le réseau autoroutier, selon l’ATE. L’élargissement prévu est "exagéré et dépassé".
Toute nouvelle route provoque un appel d’air: l’offre crée la demande, relèvent les organisations opposées aux projets. Les adversaires du développement de l’infrastructure automobile s’inquiètent également du bétonnage de la Suisse. Celui-ci ruine le paysage et détruit des terres cultivables et boisées, des surfaces de promotion de la biodiversité ainsi que des aires de détente.
Surtout, le coût des nouvelles infrastructures est jugé "exorbitant". C'est un véritable "gaspillage", dénonce actif-trafiC. Les projets s’élèveront à 5,3 milliards de francs, un chiffre qui n’inclut pas les milliards pour l’entretien futur, argue l’association. D’autre part, s’ils sont certes financés par les taxes sur l’essence et l’impôt sur les véhicules, c’est la population "qui paie les coûts externes des dommages causés par le trafic: accidents, bruit, pollution, santé, atteintes au climat et à l’environnement", poursuit actif-trafiC.
>> Pour en savoir plus sur les arguments des opposants : L'extension des autoroutes est "en concurrence avec le développement des transports publics"
Qui soutient le développement autoroutier?
Le Conseil fédéral et le Parlement soutiennent l’élargissement des autoroutes. Parmi les principales formations politiques, les partis de droite, UDC en tête, recommandent d’accepter les projets soumis.
Sans surprise, les associations de défense de l’automobile, telles que le TCS et Autosuisse, ainsi que les organisations économiques, comme l’Union suisse des arts et métiers (USAM) et Economiesuisse, se prononcent en faveur des extensions prévues. Regroupées sous l’Alliance "Oui pour assurer le futur des routes nationales", elles ont lancé la campagne en vue de la votation sous le slogan "Pour une Suisse qui avance".
Qui s'oppose à l'extension des autoroutes?
Une large alliance entend mettre un frein à l’élargissement des six tronçons autoroutiers prévus. Elle regroupe des associations de protection de l’environnement et du climat, telles que Greenpeace, l'Association transports et environnement, le WWF, Alliance climatique suisse, actif-trafiC et BirdLife, ainsi que les Vert-e-s et le Parti socialiste.
Les Médecins en faveur de l’environnement et la Ligue suisse contre le bruit en font partie également. Même si le monde agricole est divisé, plusieurs organisations paysannes comme Uniterre, l’Association des petits paysans ou encore AgriGenève rejettent également les projets.
* Article publié en version originale sur SWI swissinfo.ch
Zélie Schaller, SWI swissinfo.ch
Adapté pour RTSinfo par Didier Kottelat