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Gilles Marchand: "Le service public doit encadrer le débat de société"

Gilles Marchand.
#Helvetica: Gilles Marchand, directeur de la SSR / #Helvetica / 20 min. / le 10 février 2024
Le directeur général de la SSR Gilles Marchand, qui va quitter son poste d'ici au début de 2025, plaide samedi dans Helvetica en faveur du service public d'information. Alors que le débat se polarise, son rôle est plus que nécessaire, selon lui, pour créer les conditions d'un dialogue constructif entre les différentes voix de la société.

A l'heure des réseaux sociaux, avec son lot de fake news et de propos radicaux, le paysage médiatique se transforme. Aux yeux de Gilles Marchand, 61 ans, il s'agit d'un "enjeu majeur de société".

"La qualité du débat public est assez affaiblie lorsqu'il n'est pas modéré, accompagné et expliqué", déclare celui qui dirige depuis 2017 la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), dont fait partie la RTS.

"Sous l'impulsion du développement numérique, la société se fragmente. Les petits groupes deviennent de plus en plus véhéments et intransigeants. Ils sont d'accord de penser ensemble pour autant que cela satisfasse leurs besoins propres. Mais l'idée du débat est en train de s'estomper un peu", observe celui qui est sociologue de formation.

Sous l'impulsion du développement numérique, la société se fragmente. Les petits groupes deviennent de plus en plus véhéments et intransigeants

Gilles Marchand

Ces transformations mettent en évidence la vocation du service public: "Nous avons une vraie responsabilité. Nous devons mener ce débat, ce dialogue de manière correcte, ouverte et professionnelle, en accompagnant la discussion et en essayant de l'organiser. Pas du tout pour la manipuler, mais pour que le principe de la Suisse – le débat constructif entre nous – soit toujours possible", argumente-t-il. Le service public doit dans ce cadre être "capable de s'adresser à tout le monde", insiste-t-il.

Fiabilité des informations

Pour ce faire, les journalistes ont pour tâche "d'expliquer" et "décoder". "Il faut faire en sorte que ce que l'on dit soit solide, vérifié, crédible et source de confiance."

Les citoyens et citoyennes doivent aussi pouvoir s'exprimer. A ce titre, Gilles Marchand rappelle que la SSR mène "Dialogue", un projet à l'échelle nationale qui permet à tous les habitantes et habitants d'échanger en ligne leurs opinions sur divers thèmes de société, leurs interventions étant traduites.

 Le service public doit être en phase avec la société

Gilles Marchand

En revanche, le rôle des médias publics n'est pas de s'engager pour des causes. "Le service public doit encadrer le débat de société", souligne Gilles Marchand. "Il n'a pas à donner des directives. Il n'a pas à donner la température tout seul. Il doit être en phase avec la société. C'est cela, son mandat", martèle-t-il.

Une mission prise à cœur

Pour Gilles Marchand, le service public, mis sous pression en Suisse par l'initiative qui vise à réduire la redevance radio/TV à 200 francs, prend sa mission au sérieux.

Qu'il soit suisse ou européen, le service public "essaie vraiment d'offrir un reflet tout à fait correct des pensées, des points de vue et des idées qui traversent la société", relève le natif de Lausanne. "C'est un vrai souci qui est chevillé au corps", déclare-t-il.

Et de rappeler que des études indépendantes témoignent de l'équilibre des programmes de la SSR. Il balaie ainsi les critiques qui estiment que les contenus de la RTS, par exemple, penchent trop à gauche.

>> Lire par exemple : La couverture par les grands médias est politiquement équilibrée, selon une étude

Une "saine" autocritique

Ce qui n'empêche pas une certaine remise en question: "L'autocritique est saine et il faut la faire en permanence", assure Gilles Marchand. Il évoque une piste d'amélioration pour le service public: "Je pense que nous devons nous interroger sur la manière dont nous composons nos rédactions. Quelle est la diversité de pensées, de culture, d'histoire et d'expérience de celles et ceux qui font l'information?", s'interroge le patron de la SSR.

Et quand des erreurs sont commises, "il faut les corriger franchement", lance-t-il. "C'est notre force que d'être capables de dire: 'Là, on s'est trompés. Il n'y a pas d'intention. Mais on corrige et on continue la discussion.'"

Propos recueillis par Jennifer Covo

Adaptation web: Antoine Michel

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Un départ "dans l'intérêt" de la SSR

Gilles Marchand a annoncé récemment quitter la direction de la SSR d'ici le début de l'année prochaine. Il réaffirme que son départ est un choix personnel pris "dans l'intérêt du groupe", qui compte près de 7000 employés et employées .

Cette décision a vocation à renouveler au plus vite la direction de la SSR, en vue de futures échéances politiques. Le calendrier de l'entreprise va en effet être chargé dans les années à venir, avec la votation sur la baisse de la redevance à 200 francs, le renouvellement de la concession et la mise en place d'un nouveau plan financier. "Je pense que ce n'est pas dans l'intérêt de ce bateau de changer de capitaine en cours de traversée", image Gilles Marchand. 

>> Lire aussi : Gilles Marchand: "Prendre ce genre de décision, ça veut dire qu'on prépare bien l'avenir"