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Giorgio Malinverni: "Les arrêts de la CEDH sont obligatoires et contraignants"

Le Conseil des Etats critique la condamnation de la Suisse pour inaction climatique: interview de Giorgio Malinverni
Le Conseil des Etats critique la condamnation de la Suisse pour inaction climatique: interview de Giorgio Malinverni / Forum / 5 min. / le 5 juin 2024
Mercredi, le Conseil des Etats a adopté une déclaration critique sur la condamnation de la Confédération par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour inaction climatique. La Chambre haute souhaite ne pas donner suite à cet arrêt. Invité de Forum, Giorgio Malinverni, ex-juge suisse de la CEDH, estime pourtant l'institution européenne dans son bon droit.

Selon le texte voté mercredi par le Conseil des Etats, le Conseil fédéral devra expliquer aux autres Etats membres du Conseil de l'Europe (et donc membres de la Convention européenne des droits de l'Homme, ndlr) que la Suisse en fait déjà assez en matière climatique et que tous les engagements internationaux ont été respectés.

>> Relire au sujet de la condamnation de la Suisse par la CEDH : L'arrêt de la CEDH condamne la Suisse, mais fera des vagues bien au-delà

Les élus de la Chambre haute estiment donc qu'il n'est pas nécessaire de prendre en compte l'arrêt de la CEDH. Mais est-ce vraiment possible? Mercredi dans l'émission Forum, Giorgio Malinverni réfute: "Les arrêts de la Cour sont obligatoires et contraignants. Les Etats qui ont ratifié la Convention se sont engagés, au titre de son article 46, à se conformer aux arrêts que la Cour a jugés. C'est donc difficile de ne pas donner suite", analyse-t-il.

L'ex-juge suisse de la CEDH admet toutefois que ce cas précis est un peu différent. "La Suisse a été condamnée, mais la Cour n'a pas donné d'indications précises sur ce que la Suisse doit faire. Elle a simplement dit que jusqu'à présent, elle n'en a pas fait assez", précise-t-il.

La Convention, "un instrument vivant"

Pour certains parlementaires, la CEDH a fait preuve d'activisme politique en condamnant la Suisse pour "inaction climatique". Interrogé à ce sujet, Giorgio Malinverni rappelle qu'une part de la Convention européenne des droits de l'Homme est interprétative mais qu'elle a surtout le droit de s'adapter aux nouvelles réalités.

"Dès le début de son activité, la Cour a toujours dit que la Convention était un instrument vivant qui doit être interprété à la lumière des conditions d'aujourd'hui (...) C'est clair qu'en 1950, quand elle a été adoptée, les problèmes de réchauffement climatique ne se posaient pas. Mais ils se posent maintenant. Donc l'article 8 de la Convention qui protège la vie privée et familiale doit être interprétée à la lumière des conditions actuelles. Et aujourd'hui, le changement climatique a une incidence directe sur la vie privée et familiale des citoyens", analyse-t-il.

Quitter le Conseil de l'Europe? Une "réaction excessive"

A Berne, le ton semble en tout cas s'être durci après cet arrêt de la CEDH. L'UDC va même jusqu'à demander le retrait du Conseil de l'Europe, qui équivaudrait à une dénonciation de la CEDH.

Giorgio Malinverni rappelle que ce n'est pas la première fois que la situation s'envenime. "Dans les années 80, le Conseil des Etats avait proposé de dénoncer la Convention européenne des droits de l'Homme. Une dénonciation qui avait été refusée à deux voix près."

Pour l'ancien juge, en arriver là serait toutefois une réaction totalement "excessive" et disproportionnée. "Jusqu'à présent, aucun Etat, à part la Grèce de l'époque des colonels et la Russie il y a quelques mois, n'ont dénoncé la Convention", conclut-il.

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Propos recueillis par Mehmet Gültas

Adapation web: Tristan Hertig

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