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"Grave erreur" ou "décision raisonnable", la possible relance du nucléaire divise profondément

La centrale nucléaire de Gösgen (SO). [Keystone]
La centrale nucléaire de Gösgen (SO). - [Keystone]
L'annonce du Conseil fédéral qui se dit favorable à une levée de l'interdiction du nucléaire a choqué les Vert-e-s et les Vert'libéraux. Les deux partis écologistes annoncent déjà des référendums. Le PS, le Centre et les associations de protection du climat sont aussi consternés, tandis que l'alliance derrière l'initiative "Stop au blackout" applaudit et que la droite salue une "décision raisonnable".

Le gouvernement doit respecter la volonté de la population qui a voté pour une sortie du nucléaire en 2017, écrivent les Vert-e-s mercredi dans un communiqué. L'idée de subventionner la construction de nouvelles centrales non seulement coûte cher, mais relève du "chantage idéologique", selon le parti, qui annonce déjà un référendum si le contre-projet se concrétise.

Les Vert'libéraux préviennent également qu'ils s'opposeront à la relance du nucléaire "par toutes les voies juridiques possibles". La mise en service de nouvelles centrales prend plusieurs décennies, or "nous ne disposons plus de ce temps si nous souhaitons tenir notre engagement en faveur de la neutralité carbone nette d'ici 2050", écrivent-ils dans un communiqué.

>> Lire aussi : Le Conseil fédéral favorable à une levée de l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires

"Grave erreur"

"La construction de nouvelles centrales nucléaires n'est pas une bonne idée", a abondé le conseiller national Roger Nordmann (PS/VD) sur X, soulignant des coûts faramineux et la présence de déchets dangereux pendant plusieurs dizaines de milliers d'années en cas de relance. "Le PS s'oppose fermement à ce retour en arrière irresponsable qui bloque le développement des énergies renouvelables", peut-on lire dans un communiqué du parti.

Les nouvelles centrales nucléaires ne sont pas rentables, a réagi le président du Centre Gerhard Pfister dans le Tages Anzeiger. Il est selon lui "absolument exclu" de prélever de l'argent sur le budget des énergies renouvelables en cas de financement par des subventions publiques.

Cette décision va faire perdre du temps et de l'argent à la Suisse sans faire émerger un modèle d'approvisionnement indépendant et cohérent avec les objectifs climatiques de l'Accord de Paris, résume Greenpeace. L'association Sortir du Nucléaire parle d'une "grave erreur", reprochant au conseiller fédéral Albert Rösti son "aventurisme".

Accueil favorable à droite

Le conseiller national PLR bernois Christian Wasserfallen parle lui revanche d'une "décision raisonnable" sur le portail X. Au-delà de 2050, la Suisse a besoin d'un approvisionnement en électricité respectueux du climat et sûr toute l'année. C'est le "bon mix" qui fait la différence, estime-t-il.

Interrogé dans l'émission Forum, le conseiller national PLR Damien Cottier, souligne que "les bases sur lesquelles la population a pris sa décision il y a quelques années ont changé de manière fondamentale". Or, le Neuchâtelois estime que c'est "la responsabilité du gouvernement d'assurer qu'on ait suffisamment de production d'énergie indigène ces prochaines années pour assurer le bien-être et la sécurité de la population".

>> Le débat entre Lisa Mazzone, présidente des Vert-e-s suisses, et Damien Cottier, conseiller national (PLR/NE) :

L’atome est-il nécessaire à notre futur? Débat entre Lisa Mazzone et Damien Cottier (vidéo)
L’atome est-il nécessaire à notre futur? Débat entre Lisa Mazzone et Damien Cottier (vidéo) / Forum / 10 min. / le 28 août 2024

Le chef du groupe parlementaire UDC et conseiller national zougois Thomas Aeschi a souligné à la radio alémanique qu'il est important que toutes les formes d'énergie respectueuses du climat soient traitées sur un pied d'égalité. Selon lui, le tournant énergétique n'est pas menacé par la nouvelle décision du Conseil fédéral.

"Premier pas" salué

L'association Club Energie Suisse, derrière l'initiative "Stop au blackout" qui vise à lever l'interdiction de construire des centrales nucléaires et sur laquelle le Conseil fédéral a proposé un contre-projet mercredi, salue cette décision.

Il s'agit "d'un premier pas dans la bonne direction", abonde le comité d'initiative, une alliance de droite. Les initiants regrettent toutefois que le gouvernement ne clarifie pas davantage les responsabilités et les procédures d'autorisation.

>> Participez à la discussion avec "dialogue", une offre de la SSR :

cab avec ats

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Solution pas rentable selon les fournisseurs d'électricité

Les fournisseurs d'électricité BKW et Axpo ont certes relevé mercredi leur "ouverture" à la technologie nucléaire. De nouvelles centrales ne seraient cependant pas rentables, mettent-il en garde.

Dans un communiqué, le bernois BKW relève que des centrales nucléaires de la génération actuelle ne pourraient être construites que directement par l'Etat, ou avec des subventions publiques importantes.

Par ailleurs, les investissements très élevés ne seraient rentables que dans un contexte de prix de l'électricité élevés à long terme. Or ce n'est pas le scénario attendu, "quelles que soient les conditions politiques", relève encore la société.

"Du point de vue de la gestion d'entreprise d'un investisseur comme Axpo, les risques financiers, réglementaires et politiques seraient trop élevés en l'état actuel des choses. Sans oublier l'horizon temporel: vingt ans s'écouleront sans doute jusqu'à ce que de nouvelles centrales soient raccordées au réseau", explique le fournisseur basé à Baden (AG).

Indépendamment du débat sur la levée de l'interdiction de construire de nouvelles centrales, les deux producteurs appellent à accélérer le développement des énergies renouvelables, Axpo mentionnant en particulier "les installations de grande taille et donc visibles", comme les éoliennes.