Initiatives sur les primes: "Une excellente destination, mais le véhicule proposé n'est pas le plus opportun"
Depuis le 1er janvier 2024, la première conseillère fédérale jurassienne a succédé au Fribourgeois Alain Berset à la tête du Département fédéral de l'intérieur, avec son lot de dossiers brûlants. La socialiste a débuté en fanfare avec, le 3 mars dernier, l'initiative pour une 13e rente AVS, à laquelle le Conseil fédéral était opposé. Résultat: une défaite.
Le 9 juin, Elisabeth Baume-Schneider sera confrontée au vote populaire sur deux initiatives majeures souhaitant limiter l'augmentation des coûts de la santé, notamment celle du Centre "Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé (initiative pour un frein aux coûts)".
Corréler l'augmentation des coûts de la santé aux salaires ou à l'économie, c'est faire fi du vieillissement de la population
Depuis l'introduction de l'assurance maladie obligatoire en 1996, les coûts de la santé ont pris l'ascenseur, surtout entre 2012 et 2022 avec une augmentation de 31%. Face à cette hausse, le Centre propose la mise en place d'un frein aux coûts pour faire en sorte que les dépenses de santé évoluent conformément à l'économie et aux salaires.
"C'est une excellente destination, que je prends volontiers avec les initiants. Par contre, le véhicule qui est proposé n'est pas forcément celui qui est le plus opportun", déclare Elisabeth Baume-Schneider.
"Corréler l'augmentation des coûts de la santé aux salaires ou à l'économie, c'est faire fi du vieillissement de la population, des maladies chroniques comme le cancer ou le diabète. C'est faire fi des nouvelles technologies et de l'évolution de la médecine", estime-t-elle sur la RTS.
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Un potentiel d'économies possible
Face à l'initiative populaire du Centre, le Conseil fédéral propose le 9 juin un contre-projet qui demande notamment aux prestataires d'annoncer les hausses des coûts et de les justifier. En cas de dépassement d'une limite, le Conseil fédéral et les cantons devront examiner si des mesures doivent être prises.
"Il y a vraiment de grandes attentes et une grande pression. Les différents partenaires se rendent compte que pour garder la confiance de leur clientèle et du système, il faut se mettre à table pour la transparence et pour avoir une maîtrise des coûts", explique la Jurassienne, précisant qu'il y a un potentiel d'économie et "que ce n'est pas une légende".
Je crois qu'on a des possibilités d'économies, par exemple avec des réseaux de soins
"On sait que les coûts de la santé sont plus importants dans nos dernières années de vie (...) On se doit de ne pas mettre sous pression les personnes âgées et de leur proposer des soins qui sont corrects. Mais je crois aussi qu'on a des possibilités d'économies, par exemple avec des réseaux de soins pour éviter des doublons", détaille-t-elle.
Elle précise que l'objectif est de responsabiliser les partenaires de soins pour analyser "où nous pouvons économiser et où nous pouvons raisonnablement investir".
Pour la cheffe du DFI, le contre-projet du Conseil fédéral, qui vise à identifier ce potentiel d'économie, doit aussi permettre d'investir judicieusement, ce qui permettra de contribuer à la prospérité de notre société. "Si je suis en santé, j'arrive à avoir mon activité, je coûte moins cher à d'autres niveaux. Je pense que c'est important d'avoir cette appréciation."
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"Pour que les cantons soient plus critiques sur leur système de soins"
Même thème, mais autre initiative au programme du 9 juin: celle du Parti socialiste "Maximum 10% du revenu pour les primes d’assurance maladie (initiative d’allègement des primes)" vise à plafonner les primes et à ce qu'elles ne dépassent pas 10% du revenu disponible. Si cette limite est dépassée, la Confédération et les cantons devraient intervenir en réduisant les primes. La Confédération prendrait en charge les deux tiers du montant, les cantons le reste.
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Pour Elisabeth Baume-Schneider, le projet du PS "n'est pas ajusté au défi de la maîtrise des coûts et au défi de l'aide ciblée pour les familles et les personnes qui sont concernées par cette charge vraiment très importante dans le budget".
Les opposants privilégient le contre-projet indirect adopté par le Parlement, qui entrerait en vigueur en cas de non à l'initiative. Celui-ci prévoit que les cantons consacrent à l'avenir au moins 3,5 à 7,5% des coûts de l'assurance de base obligatoire à la réduction des primes.
Le système montre ses limites, car certains cantons ont diminué leur propre participation, alors que les primes ont augmenté
"C'est surtout une incitation pour que les cantons soient plus critiques par rapport à leur propre système de soins, car les coûts sont aussi corrélés en fonction des cantons", expose la Jurassienne.
Cette dernière se montre favorable à l'argument des initiants qui estiment que le système canton par canton, actuellement en vigueur, n'est plus suffisant. "Le système montre ses limites, car certains cantons ont diminué leur propre participation, alors que les primes ont augmenté."
Ne faudrait-il dès lors pas fixer une règle fédérale? "C'est ce que propose le contre-projet, on devra prendre en considération le 40% des revenus les plus bas du canton, parce qu'ils ne sont pas les mêmes selon les régions. Encore une fois, les cantons sont appelés à prendre leurs responsabilités et à se poser des questions sur la maîtrise des coûts", conclut-elle.
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Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Jérémie Favre