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Isabelle Augsburger: "Les droits des locataires sont préservés" dans les révisions du droit du bail

L'invitée de La Matinale – Isabelle Augsburger, président de la Chambre immobilière neuchâteloise
L'invitée de La Matinale – Isabelle Augsburger, président de la Chambre immobilière neuchâteloise / La Matinale / 12 min. / le 29 octobre 2024
La Suisse vote le 24 novembre sur deux révisions du Code des obligations concernant le droit du bail. La présidente de la Chambre immobilière neuchâteloise Isabelle Augsburger défend ces projets mardi dans La Matinale. Ils amènent à ses yeux plus de clarté, sans pour autant prétériter la situation des locataires.

Le premier objet concerne les sous-locations. Toute personne désirant sous-louer un logement ou un espace commercial devra demander et obtenir l'autorisation du bailleur par écrit. Ce dernier doit, en l'état actuel, donner "son consentement", sans plus de précision.

Autre nouveauté, il pourra refuser la sous-location si sa durée prévue dépasse les deux ans. "Il y a quelques abus de la part de quelques locataires. Ces abus sont inacceptables", lance Isabelle Augsburger. Elle affirme que des locataires font payer la sous-location plus chère que le loyer payé au propriétaire, qui n'est pas informé.

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Trois lignes sur une lettre

"Je ne pense pas que c'est du formalisme excessif de demander un accord écrit. Trois lignes sur une lettre, c'est tout à fait acceptable. Cela permet de clarifier les choses pour les locataires et les sous-locataires. Ces derniers n'ont souvent aucun lien avec les propriétaires et ne bénéficient pas des protections octroyées par le droit suisse aux locataires", argumente l'avocate et notaire neuchâteloise.

Au contraire de ce que soutient l'ASLOCA, l'association de défense des locataires, la représentante des milieux immobiliers affirme que cette révision améliore le droit pour celles et ceux qui louent leur logement. "Tout est plus clair. Le locataire sait ce qu'il en est. Il a l'accord de son propriétaire. Cela améliore aussi la situation du sous-locataire, car sa présence est communiquée au propriétaire, qui sait qui occupe son logement. Cela peut aussi éviter des problèmes avec les voisins. Actuellement, il y a des logements avec un tournus de sous-locataires. Ce n'est pas forcément très agréable pour les voisins. Et cela permet de faire plus facilement valoir certains droits s'il y a un souci."

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A ses yeux, cette modification du Code des obligations "n'est pas un durcissement", mais plutôt une application de ce qui se fait déjà dans certains cas, par exemple des coopératives de logements, où la sous-location doit être demandée par écrit.

Exit la notion d'urgence, jugée floue

La seconde révision est relative à la résiliation de bail pour les besoins propres du propriétaire, ses proches parents ou alliés.

La loi actuelle se base sur la notion d'urgence pour mettre fin au contrat de cette manière. D'après les partisans de la réforme, ce terme est néanmoins ambigu. Avec la révision, une résiliation sera permise si le besoin propre est décrit comme "important et actuel" à l'issue "d’une évaluation objective".

Selon les mots d'Isabelle Augsburger, il s'agit de pouvoir "établir une pesée des intérêts juste et équitable".

L'ASLOCA craint des abus. Selon l'association des locataires, des propriétaires pourraient résilier des baux en invoquant des besoins propres afin de relouer plus cher. Pour Isabelle Augsburger, ces craintes sont infondées. Et d'assurer que les juges examineront aussi strictement les motifs de la résiliation qu'aujourd'hui.

La contestation toujours possible

"Les droits des locataires sont préservés", affirme-t-elle également. Et il n'y aura pas plus d'expulsions de locataires si la modification passe la rampe.

La modification législative va plutôt "simplifier le travail des juges", déclare-t-elle. "Le locataire pourra toujours contester la résiliation", fait-elle encore valoir.

En résumé, Isabelle Augsburger estime que les deux révisions ne détériorent pas la situation des locataires, mais permettent des clarifications sur des points précis. Il ne s'agit pas de détricoter morceau par morceau la protection de celles et ceux qui louent un espace résidentiel ou commercial. L'avocate admet que ces deux changements n'auront pas d'effet sur la pénurie de logements. Mais elle fait l'hypothèse qu'instaurer plus de régulation pour les sous-locations permettra d'éviter — dans une mesure limitée — une "surenchère des loyers pour les sous-locataires".

Elle balaie ainsi les prédictions et accusations de l'ASLOCA, qui a lancé les référendums contre ces deux projets acceptés l'an dernier par le Parlement et défendus par le Conseil fédéral, ainsi que par la droite et les milieux immobiliers.

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Propos recueillis par Pietro Bugnon

Texte web: Antoine Michel

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