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Isabelle Moret sur l'asile: "Les cantons sont à bout et les communes acculées"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Isabelle Moret, conseillère d'Etat vaudoise en charge du DEIEP
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Isabelle Moret, conseillère d'Etat vaudoise en charge du DEIEP / La Matinale / 13 min. / le 23 février 2024
La conseillère d'Etat vaudoise Isabelle Moret a appelé jeudi à la création d'une "task force asile" pour répondre à la crise migratoire qui touche la Suisse et qui met le système sous pression. Vendredi dans La Matinale, elle demande des mesures rapides.

En 2023, 30'223 personnes ont déposé une demande d'asile en Suisse. C'est 23,3% de plus que l'année précédente. Pour l'année 2024, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) table à nouveau sur une même fourchette, a-t-il indiqué mi-février.

Ces derniers mois, les centres d'hébergement pour demandeurs d'asile ont parfois atteint leurs limites. Les cantons avaient émis des critiques parce que la Confédération leur avait attribué des demandeurs d'asile de manière anticipée.

>> Lire aussi: : Les demandes d'asile au plus haut depuis 2015, en premier lieu de personnes d'origine afghane

Une task force pour gérer "une crise sans précédent"

C'est dans ce contexte qu'Isabelle Moret, conseillère d'Etat vaudoise en charge du Département de l'économie, a appelé jeudi dans Le Temps à la création d'une task force de l'asile pour répondre à un système sous pression et au bord de la rupture. Une demande réitérée vendredi dans La Matinale de la RTS pour coordonner rapidement cette "crise de l'asile" entre la Confédération, les cantons et les communes.

"Il faut dire les choses clairement, nous sommes dans une crise migratoire qui est sans précédent. Cela veut dire qu'il faut désormais agir en mode crise (...) On n'est plus à un moment où on se renvoie la balle, où on appelle à la solidarité intercantonale. Nous avons dépassé ce seuil. Il faut prendre des mesures rapidement, dans tous les domaines, en matière d'hébergements, de renvois, d'acceptation par la population. Les cantons sont à bout et les communes sont acculées", explique-t-elle.

"Pas tout sur les épaules du DFJP"

Multiplication des procédures expresses en 24 heures pour les demandes d'asile vouées à l'échec, durcissement envers les multirécidivistes, gel des demandes le week-end: le nouveau ministre de Justice et Police Beat Jans a annoncé mardi à Chiasso de nouvelles mesures pour désengorger le système de l'asile.

Pour Isabelle Moret, ces mesures sont des "bonnes" solutions. La ministre PLR estime néanmoins qu'il n'est pas possible, dans la situation actuelle, de laisser la charge de la crise migratoire "uniquement sur les épaules du Département fédéral de justice et police", d'où sa proposition d'une cellule de crise.

Nous devons pouvoir travailler tous ensemble pour trouver des solutions globales

Isabelle Moret, conseillère d'Etat vaudoise

L'élue vaudoise souhaite notamment qu'une délégation du Conseil fédéral y soit intégrée, comprenant aussi le Département fédéral des affaires étrangères, pour les questions d'accords de réadmission, mais aussi l'armée, qui s'occupe de l'hébergement collectif au niveau fédéral, ou encore le Département des finances qui demande des économies dans ce domaine.

"Nous devons pouvoir travailler tous ensemble pour trouver des solutions globales. Si je prends l'exemple des renvois, dans le canton de Vaud, nous aurions des personnes que nous devrions théoriquement renvoyer, mais ce n'est pas possible, soit parce qu'il nous manque leurs documents de voyage, soit parce qu'il n'est pas possible d'appointer un vol spécial", détaille l'ancienne conseillère nationale.

>> Lire aussi : Le conseiller fédéral Beat Jans annonce des mesures dans le domaine de l'asile

Les craintes de la population

La récente prise d'otages à Essert-sous-Champvent (VD) et l'irruption inquiétante dans une cour d'école à Cortaillod (NE) par deux demandeurs d'asile posent des questions en matière de sécurité de la population. Pour Isabelle Moret, il n'y a, dans l'ensemble, pas à s'inquiéter "puisque les autorités fédérales prennent les mesures nécessaires, que ce soit dans et autour des centres d'accueil fédéraux". Elle relève toutefois que ces événements montrent "la tension qui existe dans les communes".

>> Lire aussi:  : Le système d'asile en question après la prise d'otages près d'Yverdon

"Je sens très bien, lorsqu'il s'agit de discuter avec les communes de l'implémentation d'un centre, qu'il y a des citoyens qui font des pétitions pour s'y opposer. Je sens aussi les peurs ou les angoisses qui peuvent exister. On voit très bien le ras-le-bol exprimé par le canton de Neuchâtel, qui n'est pas entendu depuis plusieurs mois. Je le constate dans les séances à Berne que Neuchâtel tape sur la table, voilà pourquoi je pense qu'il est nécessaire d'avoir cette action beaucoup plus rapide avec des mesures plus rapides qui soient coordonnées entre les différentes instances", assène-t-elle.

Il faut prendre des mesures rapides et fortes, comme lorsqu'il y a eu la crise énergétique ou la pandémie de Covid-19

Isabelle Moret, conseillère d'Etat vaudoise

Isabelle Moret relève encore que tous les centres fédéraux sont dans des situations difficiles. Le canton de Vaud, via le centre fédéral de renvoi de Vallorbe, accueille par exemple des personnes qui auraient dû être placées à Boudry, mais qui n'ont pu être logées sur le Littoral neuchâtelois en raison d'un manque de places.

La conseillère d'Etat, qui se rend vendredi à Berne pour rencontrer le nouveau conseiller fédéral Beat Jans, a encore envoyé un petit tacle au gouvernement national: "Jacqueline de Quattro, conseillère nationale vaudoise, avait demandé, l'été passé, une task force pour prévoir cette situation, car elle avait senti la chose venir, le SEM aussi. Le Conseil fédéral lui avait dit que tout allait bien, qu'il y avait des organes en place. Oui, il y a des organes, mais qui ne se réunissent que quatre fois par année, ça ne va pas. Il faut prendre des mesures rapides et fortes, comme lorsqu'il y a eu la crise énergétique ou la pandémie de Covid-19."

>> Le sujet de Forum sur le différend entre la Confédération et le canton de Neuchâtel :

Le centre fédéral d'accueil (CFA) de Boudry. [KEYSTONE - GABRIEL MONNET]
La réponse du Conseil fédéral au canton de Neuchâtel concernant le centre fédéral d'accueil des requérants à Boudry / Forum / 4 min. / le 22 février 2024

>> Lire aussi : La Confédération rappelle au canton de Neuchâtel les contrats qui le lient concernant le centre de Boudry

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Jérémie Favre

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Booster le taux d'emploi des réfugiés ukrainiens, des amendes prévues

Deux ans après le début de la guerre d'agression russe contre l'Ukraine, l'évolution de l'intégration des Ukrainiens et Ukrainiennes sur le marché du travail en Suisse est jusqu'à présent positive, a indiqué le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), qui constate une augmentation continue. Le taux d'activité se situe désormais à près de 22%.

Le taux d'emploi varie toutefois fortement entre les cantons. A Genève, il est de 9,7% alors qu'à Berne, il atteint 23,4% et en Argovie 29,5%, selon la plateforme asile.ch.

Le canton de Vaud est en bas de classement avec un taux d'occupation de 11%. Interrogée à ce sujet, Isabelle Moret remet en question la pertinence des chiffres de la Confédération: "Cela dépend comment l'administration compte ce pourcentage. C'est quelque chose que nous souhaitons éclaircir. Par exemple, est-ce que les 550 personnes qui sont autonomes financièrement dans notre canton sont comprises dans ces statistiques? Elles travaillent peut-être à distance avec l'Ukraine et ne demandent pas d'aide financière au canton."

Des amendes à la clé

Isabelle Moret déclare cependant avoir "décidé que ce chiffre devait absolument augmenter". Pour ce faire, l'Etat a mis en place des projets pilotes de formation rapide dans certaines branches "où il n'est pas nécessaire de développer des carrières sur dix ans", comme l'hôtellerie, la restauration ou la pose de panneaux photovoltaïques.

"Environ 2000 personnes ne suivent ni cours de français, ni cours d'intégration, ni ne cherchent un emploi. Elles vont être convoquées par l'Etablissement vaudois d'accueil aux migrants. Nous allons leur proposer des cours de français et ensuite de s'inscrire dans les ORP. Cela va être un suivi vraiment proche au cas par cas, avec des amendes s'ils ne répondent pas aux convocations", indique-t-elle à la RTS.