Johanna Gapany: "La LPP est un peu comme une vieille maison qu'on n'a pas rénovée depuis des années"
Johanna Gapany est membre de la commission de la sécurité sociale du Conseil des Etats depuis son élection en 2019. Elle a, à ce titre, œuvré à cette réforme, qu'elle défend désormais devant le peuple, qui doit se prononcer dans deux semaines.
Pour la conseillère aux Etats fribourgeoise, l'un des principaux atouts du projet est de prendre en compte un nombre accru de travailleurs et travailleuses dans la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP, deuxième pilier).
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Dit autrement, plus de personnes à temps partiel ou exerçant une activité accessoire en plus de leur activité principale doivent bénéficier du changement.
En effet, pour cotiser à la LPP, il faut aujourd'hui gagner 22'050 francs par an auprès d'un même employeur. Ce seuil sera abaissé à 19'845 francs si la réforme est acceptée dans les urnes. D'après les estimations, 70'000 personnes supplémentaires devraient cotiser, en majorité des femmes.
Des rentes plus élevées pour de nombreuses femmes
Les partisans de la réforme font également valoir que près de 360'000 personnes auront droit à une rente plus élevée. Johanna Gapany met en avant que "75%" de ces personnes sont des femmes.
"En moyenne, une femme reçoit 16'800 francs de LPP en moins qu'un homme. Pendant des années, la conciliation entre le travail et la famille n'a pas été incroyable. Ce sont souvent les femmes qui prenaient la charge [familiale]. Elles le ressentent au moment de la retraite", argumente la Bulloise.
La gauche fâchée contre la baisse du taux de conversion
La modification de la LPP comporte toutefois un volet qui fait bondir la gauche et les syndicats: la baisse du taux de conversion, qui passe de 6,8% à 6%. Les opposants parlent d'une "arnaque" et estiment que les futurs rentiers pourraient perdre jusqu'à 3200 francs par an.
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Cette diminution de 0,8 point de pourcentage ne concerne "qu'environ 15% des assurés", relativise Johanna Gapany.
Et l'augmentation de l'espérance de vie rend nécessaire de rééquilibrer les montants dépensés pour les rentes. "On épargne ce qu'on va recevoir à la retraite. Aujourd'hui, on vit de plus en plus longtemps. De ce fait, on épargne moins que ce qu'on reçoit. La population qui travaille paie une partie des rentes. On pourrait se dire qu'il s'agit d'une certaine solidarité. Mais la solidarité se trouve en général dans le premier pilier. Dans le deuxième pilier, le problème est que le montant [payé par les travailleurs pour les retraités] est massif. Il était de huit milliards il y a quelques années et est maintenant de six milliards", argumente la sénatrice.
Assurer la stabilité du système
Ce décalage rend nécessaire, selon elle, un rééquilibrage, afin de garantir que "le système tienne" et que les actifs puissent bel et bien toucher une retraite à l'avenir. Johanna Gapany note aussi que "des caisses de pensions sont dans une situation compliquée". "Si la réforme ne passe pas, de petites caisses de pensions vont sans doute devoir être reprises par de plus grandes", avance-t-elle.
Johanna Gapany admet que la réforme de la LPP n'est pas un "idéal", mais est l'aboutissement d'un compromis. A ses yeux, il s'agit tout de même d'une amélioration de la loi actuelle. La Fribourgeoise décrit le système en vigueur comme "archaïque". "Il a été pensé pour une autre réalité", souligne-t-elle. "La LPP est un peu comme une vieille maison qu'on n'a pas rénovée depuis des années", lance également la conseillère aux Etats libérale-radicale.
L'extension du nombre d'actifs concernés par la prévoyance professionnelle permet donc de prendre en compte l'évolution de la société.
"Nous devons saisir cette occasion de faire un pas un avant en pensant à tous ces travailleurs et travailleuses qui gagnent un revenu qui leur suffit pour vivre, mais qui, à la retraite, se retrouvent avec une énorme différence", plaide l'élue PLR.
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Et de conclure: "Ne vivre à la retraite qu'avec l'AVS, c'est extrêmement compliqué dans un pays comme le nôtre. En plus, on annonce des augmentations de TVA. Ces personnes voient le coût de la vie augmenter et leur retraite stagner. Et elles n'ont pas de deuxième pilier et n'auront toujours pas de deuxième pilier [en cas de refus]. Et ça, ça ne fonctionne pas! Notre système n'a pas été pensé comme ça. Il faut absolument avoir au moins l'AVS et le deuxième pilier."
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Texte web: Antoine Michel