Cette votation n'est pas un enjeu politique comme un autre pour Julien Perrot: "Aujourd'hui, je m'engage de tout mon coeur pour les oiseaux, les arbres, les papillons, mais aussi pour notre prospérité, notre santé, la qualité de notre cadre de vie, notre autonomie alimentaire, pour notre pays et son avenir, parce qu'à un moment donné, si on ne fait rien, ça va coûter très, très cher."
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L'initiative sur la biodiversité réclame suffisamment de moyens et de surfaces pour la nature. Elle veut aussi ancrer une meilleure protection du paysage et du patrimoine bâti dans la Constitution. "Aujourd'hui, les lois sont totalement insuffisantes par rapport à l'enjeu", juge le biologiste, estimant qu'il y a trop de blocages au Parlement fédéral depuis des décennies.
Julien Perrot en veut au Parlement fédéral qui envisage de sacrifier des mesures urgentes pour la biodiversité pour économiser près de 260 millions de francs. "Il y a un double message qui est criminel vu la gravité des enjeux environnementaux. Aujourd'hui, je suis très fâché contre ça. En fait, il y a vraiment une politique de démantèlement de la protection de la biodiversité, alors que c'est une urgence."
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"La biodiversité est dans un état catastrophique"
"La biodiversité en Suisse est dans un état catastrophique, tous les rapports le disent. Une étude sortie récemment sur nos rivières montre que 65% du vivant a disparu en quelques dizaines d'années. La situation est très, très grave et nous avons simplement besoin de plus de moyens", ajoute le rédacteur en chef de "La Salamandre".
Actuellement, la Confédération dépense quelque 600 millions de francs par an pour la biodiversité. Le texte devrait entraîner des coûts supplémentaires de plus de 400 millions par an pour la Confédération et les cantons.
Le vivant est notre meilleure carte, notre meilleure allié face au dérèglement climatique
"On ne demande pas la Lune (...) Cela peut paraître beaucoup, mais en réalité ce n'est rien et c'est un excellent investissement pour l'avenir. Si on n'agit pas, le Conseil fédéral a aussi calculé que dans une quinzaine d'années, cela pourrait nous coûter entre 10 et 15 milliards par année."
Aujourd'hui, un tiers des espèces animales en Suisse est menacée. Julien Perrot parle d'extinction massive, mais n'est-ce pas exagéré? "C'est une réalité dans le monde entier. On vit d'une part une crise du climat et d'autre part une crise de la biodiversité. Elles sont liées. Il faut comprendre que le vivant est notre meilleure carte, notre meilleur allié face au dérèglement climatique", clame-t-il.
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L'agriculture a un rôle à jouer
Pour Julien Perrot, il n'est pas nécessaire de faire des réserves naturelles partout en Suisse pour protéger la nature. "Mais il faut concilier les activités économiques avec la protection de l'environnement. Nous le faisons déjà beaucoup en forêt ou dans l'agriculture. Mais aujourd'hui, il faut le faire un peu plus et en même temps le financer."
Le vulgarisateur souligne précisément le rôle joué par les agriculteurs dans ce combat, alors que l'Union suisse des paysans s'est positionnée contre l'initiative, qui prévoit pourtant que 40% du budget supplémentaire leur soit alloué.
"Il y a aussi beaucoup d'agriculteurs qui sont pour (...) Ils font un métier difficile et ont beaucoup de soucis en ce moment, comme le dérèglement climatique, des terres moins fertiles... et c'est lié aux problèmes de la biodiversité. L'idée de l'initiative est de leur donner plus de moyens pour accroître leurs mesures."
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"Monsieur Rösti est mal informé"
Le conseiller fédéral Albert Rösti, chef du Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) était invité en début de semaine sur la RTS pour défendre la position du gouvernement, qui prône le non le 22 septembre. Le ministre UDC estimait que la Suisse avait déjà fait beaucoup pour la nature et la biodiversité et que les mesures prises avaient du succès.
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"Monsieur Rösti est extrêmement mal informé ou de mauvaise foi. C'est triste, c'est notre ministre de l'Environnement. Tous les rapports scientifiques sont unanimes sur la question. Depuis qu'il est au DETEC, j'ai observé que les communiqués de presse de l'Office fédéral de l'environnement sont un peu amoindris dans la force du message, parce qu'il y a une pression politique très forte", explique Julien Perrot.
Sans nature, vous n'avez pas d'économie
Le conseiller fédéral UDC assurait aussi que "le Conseil fédéral veut toujours faire une pesée d'intérêt entre, d'une part, l'utilisation du paysage pour les infrastructures — qui est aussi dans mon département — et d'autre part, pour la protection de l'environnement."
A ce propos, Julien Perrot affirme qu'un avis de droit existe. "Un juriste constitutionnaliste a confirmé que l'initiative ne changerait pas du tout la pesée des intérêts."
Et Julien Perrot de conclure: ""La nature est notre source de vie, la base de notre prospérité. Sans nature, vous n'avez pas d'économie, pas de prospérité, pas de touristes. Que viennent-ils chercher en Suisse? Voir nos gratte-ciel? Ils viennent pour la nature."
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Jérémie Favre
La Suisse mauvaise élève en matière de biodiversité
Le déclin de la biodiversité, problème mondial, n'épargne de loin pas la Suisse. La dernière étude comparative sur la question, publiée par l'OCDE, date de 2017. Elle mentionne qu'en Suisse, la part de territoire complètement protégée est faible en comparaison internationale.
Les parcs nationaux, biotopes, réserves pour oiseaux ou forestière ou encore les surfaces agricoles dédiées à la biodiversité ne représentent aujourd'hui qu'au plus 13% du territoire, selon les estimations. La Convention mondiale sur la diversité biologique, que la Suisse a ratifié, prévoyait une surface d'au moins 17% à l'horizon 2020.
Plus d'un tiers des animaux et plantes recensés en Suisse sont considérés comme menacés. Les mammifères et amphibiens, notamment, sont davantage en danger que dans les pays voisins. La biodiversité en Suisse "se trouve dans un mauvais état", et même dans un état "critique" en plaine, selon le dernier rapport de l'Office fédéral de l'environnement.