En Suisse, environ 95% des mères commencent par allaiter après la naissance de leur enfant. Mais reprendre le travail et continuer l'allaitement constitue un véritable défi pour les femmes, au point que 74% des enfants cessent d'être alimentés de cette façon vers l'âge de 5 ou 6 mois.
Conformément à la loi sur le travail, l’employeur est tenu d’aménager les conditions de travail de manière à ce que les mères qui souhaitent allaiter ou tirer leur lait disposent de suffisamment de temps et d’un lieu adéquat, rappelle le Secrétariat à l'économie (SECO), qui a lancé la semaine passée une vaste campagne de sensibilisation pour les employeurs et les employées.
"On m'a dit qu'on verrait à mon retour"
Car toutes les mères ne sont pas traitées à la même enseigne, et cela dépend essentiellement des employeurs. Formatrice dans l'insertion professionnelle, Laura Aeby en a fait la douloureuse expérience. La jeune femme a repris le travail quatre mois après la naissance de sa fille, avec la volonté de poursuivre l'allaitement.
"J'en avais discuté avant avec mon employeur pour savoir comment nous allions faire. On m'avait répondu qu'on verrait à mon retour. Tout n'était pas très clair", confie Laura Aeby dans le 19h30 de la RTS.
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Mais à son retour, aucune salle d'allaitement à disposition; aucun réfrigérateur pour entreposer son lait; et aucun moment accordé pour lui permettre de tirer son lait.
Au final, Laura Aeby doit prendre du temps sur sa pause de midi pour pouvoir tirer son lait. "Le temps d'installer, de tirer, de chauffer mon plat... je n'avais que quinze minutes pour manger. Je me sentais toujours en train de courir pour réussir à faire ça, cinq minutes par-ci, cinq minutes par-là." Résultat: la jeune maman fait un burn-out.
"Pas facile de le caler au milieu"
Odile Briand, employée à la Haute école pédagogique du canton de Vaud, a vécu une bien meilleure expérience. Son employeur lui a accordé 90 minutes par jour pour allaiter ou tirer son lait dans une pièce spécialement aménagée.
"Je le faisais deux fois par jour et ça me prenait entre 30 et 40 minutes. Maintenant, j'essaie de le faire une fois par jour pour m'organiser avec les séances. Ce n'est pas facile de le caler au milieu", reconnaît-elle.
Odile Briand peut compter sur des collègues complices et Thierry Dias, recteur de la HEP Vaud, qui veille à l'égalité des salariés. "C'est quand même un chouette événement d'avoir un enfant, donc ça nous paraît normal que l'exercice de la profession de ces gens ne soit pas impacté par cela", explique-t-il.
Sujet TV: Charlotte Onfroy-Barrier et Théo Jeannet
Article web: Jérémie Favre
Que dit la loi?
La loi en Suisse est claire: une femme qui veut allaiter son enfant ou tirer son lait a le droit de le faire pendant ses heures de travail.
Durant la première année de vie de l'enfant, l'employeur doit fournir du temps à la maman — entre 30 minutes par jour pour une journée de quatre heures, et 90 minutes pour une journée de travail de plus de sept heures. Ce temps peut être pris au bureau ou à l'extérieur, notamment pour allaiter son enfant à la crèche, ou à domicile.
L'employeur doit aussi mettre à disposition un lieu adéquat: à savoir une salle propre, à l'abri des regards. Le SECO rappelle, par exemple, que les toilettes ne font pas l'affaire.
En 2014, la Suisse a ratifié la Convention sur la maternité de l'Organisation internationale du travail, qui clarifie toutes ces questions. Objectif: éliminer les discriminations à l'égard des femmes pour des motifs liés à la maternité.