L'ancien directeur des CFF très critique envers les projets d’extension du réseau ferroviaire
Dans ce document rédigé avec d'autres experts du rail, Benedikt Weibel, directeur des CFF de 1993 à 2006, et ancien président de l'Union internationale des chemins de fer, demande un moratoire sur les projets d'extension du réseau ferroviaire.
Les coûts des infrastructures ferroviaires sont en effet devenus incontrôlables selon lui.
Investir dans ce qui existe déjà
La Confédération pourrait investir jusqu'à 18 milliards de francs pour "l'étape d'aménagement 2035", soit le renforcement du réseau pour absorber la croissance des déplacements par le rail. Mais, selon l'ancien patron des CFF, ces investissements sont faits sans réel concept et sans se préoccuper de l'offre en elle-même. Pire, chaque nouvelle infrastructure génère ensuite des coûts d'entretien et d'assainissement. A ses yeux, le rail serait une sorte de puits sans fond, que les collectivités publiques ne seront bientôt plus en mesure d’assumer.
Plutôt que d’étendre le réseau, Benedikt Weibel appelle à investir dans ce qui existe déjà. Par exemple en faisant circuler davantage de trains, en optimisant la configuration des voies ou en misant sur la numérisation.
Des investissements à poursuivre pour les CFF
Interpellés par la RTS, les CFF rappellent leur position dans une brève réponse. Ils croient à l’avenir du train et estiment qu'il faut discuter non pas des infrastructures mais des futurs avantages pour les clients.
Ils appellent à poursuivre les investissements en commençant par l'entretien du réseau puis en prenant des mesures pour augmenter la capacité, là où le plus grand nombre de voyageurs en profite.
Enfin, ils souhaitent aussi profiter des opportunités de la numérisation pour optimiser le réseau ferroviaire.
Ils n'apportent en revanche pas de réponse directe aux critiques formulées par leur ancien patron, mais renvoient à l'Office fédéral des transports (OFT), en charge des développements de l'infrastructure ferroviaire, office qui refuse également de réagir aux propos de Benedikt Weibel.
Les parlementaires pas convaincus
L'idée d’un moratoire sur les investissements ne séduit pas les parlementaires. En off, certains soulignent que les retraités feraient mieux de rester en retrait. D'autres, comme le conseiller aux Etats neuchâtelois Baptiste Hurni, jugent que s'il faut investir autant aujourd'hui, c'est pour rattraper un retard pris lorsque Benedikt Weibel dirigeait l'entreprise.
Certains trouvent tout de même du positif dans l'intervention de Benedikt Weibel. Le centriste grison Martin Candinas juge qu’il est important de continuer à investir, mais en priorité pour assainir les infrastructures existantes. Il reconnaît qu'en Suisse chaque région a tendance à se sentir négligée en matière de développement ferroviaire et que cela favorise des investissements massifs. Selon lui, à l'avenir, il faudra d'autant mieux réfléchir pour définir quels sont les projets vraiment indispensables et ceux dont on pourrait se passer.
Marielle Savoy/lan
"Une stupidité incroyable", pour Olivier Français
Proposer un moratoire sur les extensions du réseau ferroviaire est "une stupidité incroyable de la part de quelqu'un qui connaît le système", s'écrie dans Forum Olivier Français, ancien conseiller aux Etats PLR vaudois et grand connaisseur du rail. "Un moratoire bloque tout le système et il faudra 5 à 10 ans pour reconstruire ce que Doris Leuthard a fait, entre autres garantir le financement des infrastructures dans sa globalité", relève-t-il encore.
Olivier Français rejoint toutefois Benedikt Weibel dans sa demande de priorisation. Mais "en 2007, juste après son départ, je constatais déjà que sa politique n'était pas la bonne. Tout ce qu'il dit aujourd'hui, je le disais en 2007. Il a une part de responsabilité dans ce retard", conclut Olivier Français.