Modifié

L'avocat de l'ancien ministre gambien Ousman Sonko plaide l'acquittement

Philippe Currat est l'avocat suisse d'Ousman Sonko. [Keystone - Pablo Gianinazzi/Ti-Press]
L'avocat d'Ousman Sonko plaide l'acquittement / Le Journal horaire / 20 sec. / le 6 mars 2024
Devant le Tribunal pénal fédéral, l'avocat d'Ousman Sonko a plaidé mercredi l'acquittement de son client. Selon lui, il n'y a pas eu d'attaques massives et systématiques contre la population gambienne entre 2000 et 2016. Les faits reprochés seraient des actes isolés pour lesquels l'ex-ministre de l'Intérieur ne porte aucune responsabilité.

Afin d'accréditer son point de vue sur la situation politique générale à l'époque, Me Philippe Currat s'est référé aux décisions rendues par le Tribunal administratif fédéral à l'égard de requérants d'asile gambiens. Cette instance estimait qu'aucun conflit ou guerre civile ne faisait rage dans les pays d'Afrique de l'Ouest et qu'il n'y avait pas de violences généralisées.

Dans sa plaidoirie, le défenseur a cité un arrêt de 2009 dans lequel le Tribunal administratif fédéral décrit la Gambie comme un paradis touristique, sur les côtes duquel s'alignent hôtels de luxe et villages de vacances. En outre, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a procédé durant toute cette période à des analyses de la situation afin de permettre le renvoi des requérants déboutés.

Notion de crime contre l'humanité réfutée

Dès lors qu'il n'y a pas eu d'attaque systématique contre la population civile, les conditions du crime contre l'humanité ne sont pas remplies, a conclu Me Currat. Chaque délit doit être examiné sous l'angle du droit pénal ordinaire. Or, soit les faits sont prescrits soit la participation de son client n'est pas établie.

Le Ministère public de la Confédération (MPC) a recensé 13 victimes sur une période de 16 ans. Pour l'avocat, la mort en 2000 d'un militaire est survenue lors d'une tentative de fuite. Cet homme, un fidèle de l'ancien président Yahya Jammeh, était soupçonné d'avoir participé à une tentative de putsch.

Selon l'accusation, la femme de cet officier aurait été violée à de multiples reprises par Ousman Sonko et séquestrée. Or cette personne a de nombreuses raisons de ne pas dire la vérité, selon l'avocat. L'échec du putsch l'aurait peut-être privée de la perspective de devenir la "first lady" du pays, a suggéré l'homme de loi.

Interpellations jugées légitimes

Concernant les arrestations et les tortures infligées à plusieurs personnes après une autre tentative de putsch en 2006 et une manifestation en 2016, l'avocat estime que les interpellations étaient légitimes. N'importe quel pays mènerait une enquête après une telle tentative de prise de pouvoir.

Dans le cas des manifestants de 2016, l'homme de loi souligne que la réunion n'était pas autorisée. En outre, il serait question davantage d'un soulèvement que d'un cortège pacifique.

Manifestants torturés

Me Currat admet que les tortures infligées aux manifestants par des membres de l'unité paramilitaire des "Junglers" étaient totalement inacceptables. Mais les interrogatoires ont été menés dans les locaux des services de renseignements et son client n'aurait eu aucune autorité sur ceux-ci, pas plus que sur les "Junglers".

L'avocat ajoute que l'ex-ministre n'exerçait pas d'influence non plus sur les conditions de détention de ces personnes. Le secteur de haute sécurité de la prison Mile 2, dans la capitale Banjul, était placé sous l'autorité de l'armée et donc du président Jammeh. Le procès doit se terminer vendredi. 

>> Réécouter également les explications de Forum au début du procès :

Le procès hors-norme du politicien gambien Ousman Sonko a débuté au Tribunal pénal fédéral (vidéo)
Le procès hors-norme du politicien gambien Ousman Sonko a débuté au Tribunal pénal fédéral (vidéo) / Forum / 2 min. / le 8 janvier 2024

ats/ami

Publié Modifié

Indemnités réclamées

Outre l'acquittement, Me Currat a réclamé une indemnité de 519'000 francs pour les sept années de détention "injustifiée" subies par son client. En outre, 290'000 francs devraient lui être versés en raison de conditions de détention prétendument illégales. L'avocat a également chiffré à 10'000 francs l'indemnité pour ce qu'il qualifie de privation de nourriture durant 33 heures en février 2020 lors de séances d'interrogatoire.

Fuite en Suisse

Le MPC accuse Ousman Sonko de crimes contre l'humanité commis entre 2000 et 2016. Il a requis la détention à perpétuité. Après son limogeage du poste de ministre de l'Intérieur en septembre 2016, le prévenu a fui en Suisse où il a demandé l'asile. Il a été arrêté fin janvier 2017 dans un centre de requérants.

>> A lire également : La perpétuité requise contre l'ex-ministre gambien Ousman Sonko