Modifié

L’étrange histoire du compte anonyme présumé d’un jeune UDC neuchâtelois

Alors que plusieurs sections des Jeunes UDC se distancient de l'extrémisme, un cas problématique émerge à Neuchâtel
Alors que plusieurs sections des Jeunes UDC se distancient de l'extrémisme, un cas problématique émerge à Neuchâtel / 19h30 / 2 min. / le 11 avril 2024
Depuis quelques semaines, les Jeunes UDC sont confrontés à des accusations de connivence avec l'extrême droite, à l'intérieur comme à l'extérieur du parti. En Suisse romande aussi, plusieurs sections ont pris position pour se distancier de toute forme d'extrémisme. Ces déclarations publiques sont mises à mal dans un cas au moins, à Neuchâtel, montre une enquête de la RTS.

Publiquement, face aux récentes polémiques, les Jeunes UDC du canton de Neuchâtel se montrent intransigeants. "Notre section s'inscrit dans le respect et la promotion de l’Etat de droit et de la démocratie. Pour ces raisons, nous nous distancions de toutes les extrêmes quelles qu'elles soient", nous déclarait la semaine dernière leur coprésident Loïc Nötzel.

Capture d'écran du compte "Le cow-boy helvétique" 1 [X - RTS]
Une capture d'écran du compte "Le cow-boy helvétique". [X - RTS]

Mais des tweets qui semblent appartenir à l'un des membres de cette même section de la jeunesse de l'UDC ont de quoi choquer. Sous le pseudonyme "Le cow-boy helvétique", la personne derrière ce compte enchaînait sur le réseau social X (anciennement Twitter) les saillies contre les minorités, les appels à la violence et autres provocations, flirtant parfois avec les limites de la légalité.

A titre d’exemple, le 1er avril dernier, le compte affiche une vidéo montrant deux personnes à la peau claire frappant une autre présentée comme "un migrant". Et la personne de commenter: "Ce que j'aimerais pouvoir réaliser chaque jour". Autre exemple le 8 juin 2023: "Trouvez-moi un frontalier j’ai besoin de frapper quelque chose". Ou encore, tout récemment: "Le nombre de pd au mètre carré à Lausanne après la polymanga mon dieu".

Le jeune UDC se dit victime d'usurpation

Le jeune homme aurait deux comptes sur X. Dans le premier, il commente l'actualité sous son vrai nom et fait la promotion de son parti. Son second compte, en revanche, est censé être anonyme. Sauf qu'on y retrouve de nombreuses photos de lui ainsi que des messages qui renvoient à ses activités politiques ou à son compte public.

Nous avons contacté le jeune homme pour le confronter à ces écrits. Dans un premier temps, il dit de ne pas savoir de quoi il est question. Pourtant, dans les minutes qui suivent, le compte est brièvement placé en mode “privé” avant d’être remis en mode public. Ensuite, le politicien multiplie les dénégations. Il assure ne pas être lié à ces publications et affirme être victime d’usurpation. Ce qui lui serait déjà arrivé par le passé, précise-t-il.

Une ambiguïté "stratégique"

Pour Oscar Mazzoleni, spécialiste de la radicalisation et professeur de sciences politiques à l'Université de Lausanne, on aurait ici affaire à un cas typique de double discours: "On sait qu’affirmer ouvertement certaines choses qui peuvent être sanctionnées par la loi, ça pose des problèmes. Les jeunes militants, de l'UDC ou d'autres partis, le savent très bien. Donc ils ne peuvent pas aller au-delà de certaines limites. En même temps, ce qu’ils pensent circule également et cela a comme conséquence une certaine ambiguïté."

Cette ambiguïté est d’ailleurs savamment entretenue, selon lui. "L'ambiguïté est certainement stratégique dans le sens où on utilise des arguments différents selon les moyens de communication, les canaux, sachant qu'on va plus facilement tomber sous le coup de la loi dans des réseaux sociaux publics, note Oscar Mazzoleni. Par contre, dans des circuits plus privés, c’est plus facile de pouvoir dire ce qu'on pense."

Candidat aux élections communales

Aujourd’hui, le jeune Neuchâtelois est en lice pour les prochaines élections communales qui se tiendront dans le canton le 21 avril. Il se présente non pas sous la bannière des Jeunes UDC, mais sur une liste du parti mère. Contactés par nos soins, ni la section cantonale des Jeunes UDC ni l'UDC Suisse n’ont souhaité commenter les déclarations problématiques.

Quant au compte "Le cow-boy helvétique", il a été définitivement supprimé, quelques heures à peine après que nous avons contacté le jeune candidat neuchâtelois.

Michael Maccabez/dk

Publié Modifié

Des affaires qui alimentent le débat au sein de l’UDC

Les exemples de proximité avec l’extrême droite se multiplient depuis quelques jours au sein des Jeunes UDC, comme en témoigne le cas du candidat neuchâtelois. La semaine passée, plusieurs sections cantonales de la jeunesse de l’UDC ont étalé publiquement leur dissension avec la direction nationale du parti, et notamment son nouveau président Nils Fiechter.

>> Lire aussi  : Plusieurs sections cantonales des Jeunes UDC se distancient de l'extrémisme

Au niveau fédéral, les parlementaires UDC estiment pour leur part que les récentes polémiques sont des cas individuels montés en épingle par la presse ou par les opposants politiques. Un élu romand assure que les extrémistes n’ont rien à faire au sein de l’UDC. Toutes les personnes contactées renvoient aux instances locales pour gérer les cas problématiques. Les affaires internes se règlent à l’interne, nous glisse ainsi un autre député.

L’UDC fribourgeois Pierre-André Page est l'un des rares à évoquer publiquement sa préoccupation, tout en précisant s’exprimer à titre individuel: "A mes yeux, c'est néfaste parce que personnellement, quand je suis venu en lice, on m'a comparé à l'UDC zurichoise alors que je suis de l'UDC fribourgeoise et qu'on n’a pas les mêmes visions. (...) On profite tous de l'aura de l'UDC mais on n'a pas envie que ça dérape dans certaines régions."

Pour Oscar Mazzoleni, si certains éléments radicaux ont toujours existé, le phénomène actuel détonne: "C’est quelque chose de nouveau au vu de l’ampleur publique que cela a pris, mais aussi des divisions que cela exprime au sein de l’UDC et des jeunes de l'UDC et de la difficulté du parti de prendre une position ferme sur ce thème. (...) Ca montre que ce type de discours commence à prendre du relief et n'est pas seulement le cas de quelques individus isolés."

>> L'analyse de Michael Maccabez :

Accusation de connivence entre l’UDC et l’extrême-droite : l’analyse de Michael Maccabez
Accusation de connivence entre l’UDC et l’extrême-droite : l’analyse de Michael Maccabez / 19h30 / 1 min. / le 11 avril 2024