La Conférence des évêques suisses prend des mesures pour lutter contre les abus sexuels
La CES, la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) et la Conférence des unions des ordres et des autres communautés de vie consacrée (KOVOS) ont présenté lundi à Zurich un bilan intermédiaire sur la mise en oeuvre de nouvelles mesures de lutte contre les abus et leur dissimulation.
"La coopération des trois organisations ecclésiastiques est inédite en Suisse. L'effort de concertation est important, mais ce n'est qu'ainsi que nous pourrons lutter systématiquement contre les abus", a déclaré l'évêque de Coire Joseph Bonnemain.
Aide aux victimes et signalement
"Au cours des années à venir", l'Eglise catholique romaine va accorder la priorité à différentes mesures. D'abord, l'aide aux victimes, les services de signalement et le traitement des cas seront professionnalisés. L'Eglise estime en effet que ses structures de signalement et d'intervention internes sont "insuffisantes à plusieurs égards".
Pour garantir une aide aux victimes indépendante, les organisations ecclésiales sont en contact avec les services d'aide aux victimes reconnus par l'Etat et avec la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS). Les premières décisions sont attendues en juin.
Des "standards uniformes" doivent garantir "que seules les personnes adéquates, donc aptes à la pastorale en contact direct avec autrui", servent l'Eglise. Les transferts de personnes ayant commis des abus seront proscrits. Des examens psychologiques devront être passés pour entrer en service. Les échanges entre les différents employeurs ecclésiaux seront réglementés. Les premières évaluations standardisées devraient avoir lieu en 2025.
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L'étude historique se poursuit
L'étude historique sur les abus menée par l'Université de Zurich va se poursuivre pendant trois ans. Elle va prendre davantage en considération le point de vue des victimes et d'autres témoins. Les résultats seront présentés au public au cours du premier semestre 2027. L'étude est financée par l'Eglise à hauteur de 1,5 million de francs.
De plus, les responsables des évêchés et des Eglises nationales ont signé une déclaration dans laquelle ils s'engagent à ne plus détruire des documents en lien avec des cas d'abus. C'est contraire à ce que préconise le droit canonique, souligne la CES.
L'Eglise catholique annonce aussi la mise en place d'un "tribunal pénal et disciplinaire canonique national". Il s'agit d'assurer une application correcte et uniforme des lignes directrices et des normes pénales propres à l'Eglise pour sanctionner les coupables d'abus.
Appel à des juristes externes
Les droits de protection, d'information et de procédure des personnes concernées seront garantis. Ce tribunal fera appel à des juristes externes à l'Eglise. Des représentants de la CES ont mené de premiers entretiens sur ce sujet avec le Vatican. Un concept devrait être présenté d'ici à la fin de l'année aux autorités compétentes à Rome.
"Ce train de mesures ne permettra pas de résoudre tous les problèmes", a reconnu le président de la RKZ Roland Loos. D'autres mesures devront être prises. "Nous mettons tout en oeuvre pour que les questions liées à l'exercice du pouvoir, à la morale sexuelle et à la position des femmes soient abordées rapidement", a-t-il ajouté.
L'étude de l'Université de Zurich, présentée en septembre dernier, a permis de documenter 1002 cas d'abus sexuels dans l'Eglise catholique en Suisse depuis le milieu du XXe siècle. Il ne s'agirait que de la pointe de l'iceberg, car la plupart des cas n'ont pas été signalés et des documents ont été détruits.
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ats/kkub/vajo
Un pas dans la bonne direction?
Pour Roland Loos, président de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse, interrogé dans Forum, les mesures annoncées aujourd'hui "sont un pas extrêmement important dans la bonne direction pour pouvoir éviter d'autres abus ou limiter d'autres abus à l'avenir, ainsi que pour pouvoir mieux répondre aux attentes des victimes. Est-ce que c'est suffisant? C'est une question à laquelle personne ne peut répondre. On peut toujours faire plus, on peut toujours faire mieux et on verra à l'avenir quelles autres mesures seront encore nécessaires."
Sylvie Perrinjaquet, présidente de la Commission "Ecoute, conciliation, arbitrage et réparation" (Cecar), estime de son côté qu'"il y a bien une volonté de trouver des solutions pour les victimes mais il va s'agir de voir dans quelle mesure on passera de la théorie à la pratique. Concernant ce qui s'est passé à l'abbaye de Saint-Maurice, je constate que l'Eglise a continué de faire comme elle fait d'habitude."