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La fraude à la récolte de signatures crée des remous à Berne

Plusieurs parlementaires fédéraux sont sidérés après les révélations des soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires
Plusieurs parlementaires fédéraux sont sidérés après les révélations des soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires / 19h30 / 1 min. / le 3 septembre 2024
Après les révélations des soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires, plusieurs parlementaires fédéraux réclament de la transparence. Les Vert-e-s relancent l'idée d'interdire les récoltes de signatures contre rémunération, mais le camp bourgeois pourrait freiner.

Le Ministère public de la Confédération enquête sur des soupçons de fraude électorale, a-t-il confirmé lundi, suite à des articles parus dans les journaux de Tamedia. La révélation fait des vagues au sein de la Berne fédérale.

Le président de la commission des institutions politiques du Conseil des Etats Daniel Fässler (Centre/AI) se dit "consterné" et "indigné", dans une réaction livrée mardi auprès de l'agence de presse Keystone-ATS. Le sénateur précise ne pas connaître encore l'ampleur des incidents et s'en tenir pour l'instant aux recherches de la presse.

Le centriste réclame désormais la transparence. "La Chancellerie fédérale doit dire ce qu'elle savait et depuis quand, et si elle a reçu des informations transparentes de la part des cantons et des communes".

>> Regarder le sujet du 19h30 :

Le scandale des soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires met en lumière le rôle des communes dans le contrôle des signatures
Le scandale des soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires met en lumière le rôle des communes dans le contrôle des signatures / 19h30 / 2 min. / le 3 septembre 2024

Perte de confiance

Comme d'autres parlementaires, Daniel Fässler a découvert l'affaire dans les médias. Et de se montrer surpris de ne pas avoir été informé auparavant, alors qu'il était membre de la commission de gestion des Etats jusqu'à fin 2023.

Ce comportement ne renforce pas la confiance dans les institutions

Christian Wasserfallen, conseiller national (PLR/BE)

Le conseiller national Christian Wasserfallen (PLR/BE), membre de la commission des institutions du Conseil national, est également en colère. La Chancellerie fédérale a eu vent des irrégularités, mais ni elle ni le Conseil fédéral n'ont activement communiqué à ce sujet. "Ce comportement ne renforce pas la confiance dans les institutions".

Interdiction relancée

Ces irrégularités ne peuvent plus surprendre, selon Daniel Fässler. Le potentiel d'abus est important avec le système actuel, car il est difficile de vérifier chaque signature. Dès que de l'argent est en jeu, le risque augmente.

Il faut agir, selon le sénateur, si les faits se confirment. "Une possibilité serait d'interdire les récoltes rémunérées de signatures". Il y a toutefois des questions de délimitation qui se poseront.

Nos institutions sont en danger. Notre démocratie directe est menacée

Greta Gysin, conseillère nationale (Les Vert.e.s/TI)

Portée par la gauche, l'idée d'interdire la collecte commerciale de signatures pour les initiatives et les référendums a déjà échoué au Parlement en 2021. Le camp bourgeois n'en a pas voulu.

Les Verts entendent bien revenir à la charge. La présidente de la commission des institutions politiques du National, l'écologiste tessinoise Greta Gysin, ressortira la proposition d'interdiction cette semaine encore en séance de commission, selon ce qu'elle a publiquement annoncé.

"Cette fois, c’en est trop ", a-t-elle déclaré mardi dans le 12h30 de la RTS. "Nos institutions sont en danger. Notre démocratie directe est menacée", affirme-t-elle.

Renforcer les contrôles

Parmi la députation vaudoise, certains s'activent et plaident pour un renforcement des contrôles. Pour Roger Nordmann (PS/VD), le seul moyen de rétablir la confiance à court terme est de soumettre par écrit à un échantillon de signataires la feuille signée en leur demandant s'ils reconnaissent leur propre signature et si c'était leur intention de signer.

Le problème se situe au niveau du contrôle lors du dépôt du texte

 Pascal Broulis, conseiller aux Etats (PLR/VD)

Si le taux de tromperie est suffisamment élevé pour faire craindre que l'initiative n'aurait pas atteint les 100'000 signatures valables, il faut contrôler toutes les signatures et invalider les textes qui n'ont pas récolté le nombre suffisant de paraphes, écrit le Vaudois sur X.

Son collègue vaudois Pascal Broulis trouve l'affaire "navrante". "Le problème se situe au niveau du contrôle lors du dépôt du texte", poursuit le conseiller aux Etats PLR. On ne peut pas savoir si une personne a signé à la place d'une autre. Comme Roger Nordmann, il soutient l'idée d'effectuer une forme de sondage, en contrôlant par exemple après coup 10% des signatures remises à la Chancellerie fédérale.

Pascal Broulis ne soutient par contre pas l'idée d'une interdiction complète de la rémunération. Mais il déposera une interpellation avec quelques propositions la semaine prochaine, précise-t-il à Keystone-ATS.

Refus en vue?

Christian Wasserfallen lui ne veut toujours rien savoir d'une interdiction des récoltes rémunérées. Les petits comités d'initiants seraient désavantagés, les droits populaires s'en trouveraient limités, selon lui. Il suffit de poursuivre pénalement les personnes coupables de fraude.

Le chef de groupe UDC au Parlement, Thomas Aeschi, s'oppose aussi à une interdiction. Le délai référendaire de 100 jours, par exemple, est très court par rapport aux initiatives, ce qui conduit des comités à recourir à un soutien monnayé. Mais ces entreprises externes doivent travailler sérieusement.

>> Faut-il interdire la collecte de signatures rémunérées? Débat entre Roger Nordmann et Manfred Bühler :

Faut-il interdire la collecte de signatures rémunérées? Débat entre Roger Nordmann et Manfred Bühler (vidéo)
Faut-il interdire la collecte de signatures rémunérées? Débat entre Roger Nordmann et Manfred Bühler (vidéo) / Forum / 8 min. / le 3 septembre 2024

ats/miro/fgn

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Le cantons de Vaud explore deux pistes

Dans le canton de Vaud, de premiers signalements de falsification de signatures concernant des initiatives fédérales on été signalés en 2019 déjà. A l'époque, ces cas ont été transmis à la Chancellerie fédérale, car c'est elle qui gère la récolte de signatures sur le plan helvétique, explique au micro de Forum Jean-Luc Schwaar, directeur général des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud.

"Et la Chancellerie fédérale a porté plainte auprès du Ministère public, car on est dans un soupçon d'infraction pénale", souligne-il.

Selon lui, il y a régulièrement des cas plus ou moins importants d'invalidation de signatures, de l'ordre de 10 à 15%. Mais le phénomène a tendance à prendre toujours plus d'ampleur, déplore-t-il. C'est pourquoi des pistes doivent être explorées pour juguler le problème. Parmi elles, un registre de signatures pourrait être envisagé, même si ça serait difficile, conçoit-il, à mettre en place.

Une autre solution serait de soumettre la récolte rémunérée de signatures à autorisation, poursuit-il. "Seules les organisations qui s'engageraient à travailler selon un certain nombre de critères pourraient le faire, et l'autorisation pourrait leur être retirée en cas de fraude."

>> Jean-Luc Schwaar dans Forum :

Les signatures falsifiées touchent particulièrement le canton de Vaud: interview de Jean-Luc Schwaar (vidéo)
Les signatures falsifiées touchent particulièrement le canton de Vaud: interview de Jean-Luc Schwaar (vidéo) / Forum / 6 min. / le 3 septembre 2024

La présidente du gouvernement vaudois Christelle Luisier, qui ne soutient pas une interdiction de la rémunération des signatures, abonde dans le sens de Jean-Luc Schwaar, comme elle le souligne au micro du 19h30.

Selon elle, c'est le contrôle qui doit être amélioré, soit grâce à un registre de signatures authentiques par commune, soit en soumettant à autorisation les entreprises qui travaillent avec cette rémunération. "Ceci permettrait d'encadrer le débat de manière plus efficace", insiste-t-elle.

>> Christelle Luisier Brodard, présidente du Conseil d'Etat vaudois, dans le 19h30 :

Christelle Luisier Brodard, présidente du Conseil d'Etat vaudois, revient sur les soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires
Christelle Luisier Brodard, présidente du Conseil d'Etat vaudois, revient sur les soupçons de signatures falsifiées pour des initiatives populaires / 19h30 / 2 min. / le 3 septembre 2024