La gauche et les syndicats se réjouissent d'une victoire "historique", la droite se mord les doigts
Pour les syndicats, c'est une première: le peuple a accepté une de leurs initiatives. Interrogé dans l'émission spéciale de la RTS dédiée à cette journée de votations, Samuel Bendahan, le co-président du groupe parlementaire socialiste aux Chambres fédérales, juge ce résultat "historique".
"Le pacte social dans notre pays fonctionne encore", soutient de son côté Pierre-Yves Maillard, qui a mené les initiants à la victoire. "Les Suisses font confiance au 1er pilier", estime-t-il encore.
Crise du pouvoir d'achat
Selon le socialiste, cette victoire s'explique par une crise du pouvoir d'achat à laquelle le Parlement et le Conseil fédéral n'ont "donné aucune réponse".
"Face à l'absence de réponse à un problème réel, la population a saisi l'occasion qui lui était donnée de changer de cap", déclare le conseiller aux Etats vaudois au micro de la RTS. A ses yeux, l'absence de contre-projet a également donné un coup de pouce à l'initiative: "Si nos opposants estimaient que notre proposition n'était pas la bonne, ils devaient proposer autre chose. Nous aurions évidemment été ouverts à la discussion. Mais il y avait un refus d'entrer en matière sur la réalité de nos retraités et des travailleurs qui approchent de l'âge de la retraite avec une certaine angoisse", affirme-t-il.
>> Le suivi de cette journée de votations : La 13e rente AVS acceptée avec 58,24% des voix. La retraite à 66 ans refusée par tous les cantons
Une absence de contre-projet qui a pesé
Lesdits opposants, dans le camp bourgeois, concèdent que l'absence de contre-projet est l'une des raisons du succès de l'initiative syndicale.
Selon la conseillère nationale genevoise UDC Céline Amaudruz, "la droite ne peut s'en prendre qu'à elle-même et doit assumer ses responsabilités".
"Nous n'avons jamais été capables de donner des réponses par rapport à l'AVS ou aux coûts de la santé", reconnaît la vice-présidente de l'UDC Suisse sur le plateau de la RTS. "A juste dire non à tout sans faire de propositions, c'est ce résultat qui tombe", note-t-elle.
"Il fallait évidemment un contre-projet sur ce sujet, pour peut-être donner cette rente aux personnes vraiment dans le besoin", a-t-elle ajouté.
Le conseiller national PLR Olivier Feller a de son côté concédé, au moment de l'annonce des premiers résultats, que la droite avait "sans doute péché par une assurance excessive" en amont de ce scrutin. "Nous avons sous-estimé l'adversaire", admet le Vaudois.
La question du financement
Les partisans du non relèvent aussi que la question du financement de cette 13e rente n'est pas encore déterminée. Le Parlement devra se pencher dessus.
Il va falloir maintenant trouver des solutions, alors que toujours plus de gens ont droit à la retraite et que moins de jeunes cotisent, déclare Monika Rühl, la directrice d'Economiesuisse. "Cela va être un moment difficile pour trouver des solutions équitables, notamment du point de vue des jeunes", estime-t-elle.
Quant aux solutions, "il n'y a pas de miracle", souligne la patronne de la faîtière de l'économie. "On peut augmenter la déduction sur les salaires ou la TVA. Cela a un effet négatif sur le pouvoir d'achat. Au moins, pour la TVA, c'est paritaire, car tout le monde paie l'augmentation, les jeunes comme les retraités. On peut aussi ou augmenter la contribution de la Confédération, ce à quoi je ne crois pas trop au vu de l'état des finances fédérales", avance-t-elle.
Une possible hausse des cotisations
Samuel Bendahan ne s'inquiète de son côté pas d'un éventuel problème de financement. "Pour l'instant rien n'est nécessaire. Nous avons été droits et sincères. Et nous avons expliqué comment il fallait financer [la 13e rente]. Nous avons dit que, maintenant, ce n'était pas nécessaire et qu'il faudra ensuite peut-être augmenter les cotisations sociales de 0,4%. Tout le monde a dit que c'était une possibilité. Je crois que le débat a été clair", assure-t-il.
La conseillère nationale Valérie Piller Carrard pense de son côté que la population a signalé sa volonté de voir sa situation s'améliorer. La balle se trouve désormais dans le camp du Parlement. Elle indique avoir confiance dans le législatif, au sein duquel on sait, selon elle, "mener des projets de consensus." "Nous devons maintenant mettre en œuvre cette initiative de manière raisonnée", souligne la socialiste fribourgeoise.
Antoine Michel
"On ne va pas échapper à terme à un relèvement de l'âge de la retraite"
L'initiative de la jeunesse PLR sur le rehaussement de l'âge de la retraite n'a en revanche pas convaincu le peuple. Le débat n'est pas clos pour autant. "On a peut-être été futuristes. On va forcément remettre l'ouvrage sur le métier", promet la présidente des Jeunes PLR vaudois Pauline Blanc au micro de la RTS. Selon elle, le financement de l'AVS n'est pas assuré. "On ne va pas échapper à terme à un relèvement de l'âge de la retraite", affirme-t-elle.
Interrogée dans Forum, Pauline Schneider, l'ancienne vice-présidente de la Jeunesse socialiste suisse, estime que la population a gagné sur les deux tableaux, avec l'acceptation de la 13e rente et le rejet de la retraite à 66 ans. Quant à l'avenir de l'AVS, elle estime que ce "pilier se porte bien".
"Je ne me fais pas vraiment de soucis. Jusqu'à maintenant, le Conseil fédéral a toujours réussi à sortir des milliards quand il s'agissait de sauver Credit Suisse ou d'augmenter les budgets de l'armée. J'espère que, si l'AVS devait aller très mal, le Conseil fédéral saurait comment faire pour lui donner un coup de pouce", déclare-t-elle.