La météo humide de cette année affecte durement les moissons
Juste avant leur coup d'envoi, les moissons 2024 s'annonçaient compliquées, à cause d'un printemps et d'un début d'été très humides et frais. Aujourd'hui, les craintes des agriculteurs sont confirmées: ces moissons 2024 n'ont pas été bonnes.
C'est une année compliquée, dès les semis de l'automne dernier avec beaucoup de pluie et peu de périodes où on a pu faire les soins aux cultures dans des conditions vraiment optimales
Les rendements exacts ne seront pas connus avant octobre, mais la tendance à la baisse est d'ores et déjà visible partout en Suisse, comme le déplore au micro de La Matinale Pierre-Yves Perrin, directeur de la Fédération suisse des producteurs de céréales (FSPC).
"C'est une année compliquée, dès les semis de l'automne dernier avec beaucoup de pluie et peu de périodes où on a pu faire les soins aux cultures dans des conditions vraiment optimales", souligne-t-il.
Rendements inférieurs de 20 à 30%
Certains parlent de rendements inférieurs de 20 à 30%, mais c'est encore trop tôt pour articuler des chiffres exacts, poursuit-il. "Il faut clairement distinguer les moyennes des situations particulières sur chaque exploitation. Les premiers chiffres confirment effectivement des rendements plus faibles que la moyenne des dernières années, mais c'est trop tôt pour avoir une vue d'ensemble.
Heureusement, en Suisse, on travaille avec des variétés qui sont sélectionnées et donc adaptées à nos conditions de production. Elles sont aussi plus résistantes ou tolérantes à la plupart des maladies
Parmi les céréales les plus touchées, on retrouve l'orge avec des rendements très faibles cette année. "Ensuite, il y a le blé panifiable, donc destiné à la consommation humaine, qui enregistre une baisse, mais une baisse moins marquée." Quant au colza, il semble plus ou moins épargné. "Le principal problème qu'on a eu, c'est au niveau de la floraison des céréales. On a eu très peu d'ensoleillement et de chaleur. La conséquence, c'est une fécondation qui s'est très mal passée donc peu de grains dans les épis", précise-t-il.
Le sol humide a pu également favoriser le développement de champignons par endroit. "Heureusement, en Suisse, on travaille avec des variétés qui sont sélectionnées et donc adaptées à nos conditions de production. Elles sont aussi plus résistantes ou tolérantes à la plupart des maladies, ce qui est une très bonne base de production", se réjouit-il.
Disparités entre les régions
S'il est encore trop tôt pour avoir une vue d'ensemble, des disparités devraient apparaître entre les régions, selon Pierre-Yves Perrin. "On peut imaginer cette année de très grandes différences régionales, et même locales, en fonction de l'altitude, en fonction de la période de floraison des différentes céréales qui sont plus ou moins précoces , en fonction des précipitations aussi. Et tout ça influence clairement les rendements."
La difficulté, c'est de gérer les extrêmes. Cette année est très humide après deux années très sèches en 2022 et 2023
Au vu du dérèglement climatique, le secteur est en plein bouleversement. Mais il ne se laisse pas abattre, assure le directeur de la Fédération suisse des producteurs de céréales, et tente de s'adapter, comme il l'a toujours fait.
"La difficulté, c'est de gérer les extrêmes. Cette année est très humide après deux années très sèches en 2022 et 2023. Je crois que la première mesure est de continuer à prendre soin de nos sols comme on le fait depuis longtemps, des sols qui doivent permettre de retenir l'eau les années sèches et des sols qui doivent permettre à l'eau de s'infiltrer durant les années plus humides."
Ensuite, il faut continuer à favoriser des variétés de cultures adaptées aux conditions de production suisses. "Et en troisième lieu, on pourrait réfléchir à des projets d'irrigation pour combler le manque de précipitation les années sèches." Toutefois, poursuit-il, en Suisse, on a la chance d'avoir des exploitations diversifiées avec de nombreuses branches de production, "ce qui permet aussi de répartir un peu les risques."
Nouveau coup dur pour les paysans
Cette année météorologique difficile est un nouveau coup dur pour le monde paysan suisse déjà en crise. Tout le monde a encore en tête leur mouvement de colère de ce début d'année pour obtenir des prix plus élevés, de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. "Alors clairement, ça n'améliore pas la situation de l'agriculture."
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Si la marge de manoeuvre de la FSPC reste limitée contre les aléas climatiques, son directeur assure qu'elle continue de travailler au niveau des conditions cadres. "On est arrivé à avoir dans la filière des céréales une augmentation des prix d'environ 15% depuis 2021", se réjouit-il. "Mais c'est clair que les prix sans les rendements ne permettent malheureusement pas d'avoir une bonne situation. On a entendu les revendications des agriculteurs, le travail se poursuit à ce niveau-là."
Propos recueillis par Aleksandra Planinic
Texte web: Fabien Grenon