La presse romande tacle la droite et le Parlement après le refus de la réforme de la LPP
"A trop jouer avec les allumettes, on finit par se brûler les doigts", constate La Liberté. Et le quotidien fribourgeois de rappeler que l'origine du projet était un compromis élaboré par les partenaires sociaux. Il prévoyait une contribution de solidarité financée par les hauts revenus, dont la droite n'a pas voulu. En "détricotant le dossier", cette dernière a "signé son arrêt de mort en votation".
Cette "faute originelle" est aussi soulignée par 24 heures et la Tribune de Genève. "L’arrogance de la droite s’est retournée contre elle. À vouloir être plus royaliste que le roi, elle se retrouve désormais réduite à faire le laquais de la gauche. Réduite à quémander un nouveau compromis".
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"A un certain moment, la révision de la LPP ressemblait à un petit miracle", rappelle Le Temps. "Quand les partenaires sociaux se sont mis d'accord et que le Conseil fédéral a transmis un compromis solide au parlement, l'assurance mal-aimée avait une réelle chance de moderniser ses atours. Puis les élus se sont mis au travail, perdant les syndicats et une partie du patronat en route".
Méfiance face au 2e pilier
Le niveau du refus montre que la droite n'a pas été désavouée que par les électeurs de gauche, mais aussi par sa propre base, souligne Arcinfo. Et d'ajouter que les résultats démontrent surtout que le Parlement semble "de plus en plus déconnecté de la population", surtout sur les questions sociales.
Pour les journaux alémaniques de Tamedia, le rejet massif de la révision de la prévoyance professionnelle témoigne d'une méfiance fondamentale à l'égard du deuxième pilier.
Le projet, complexe, ne permettait pas à de nombreux assurés d'évaluer les conséquences de la réforme pour leur propre prévoyance. Et la remarque de la ministre de la santé et des affaires sociales Elisabeth Baume-Schneider, qui invitait les salariés à se renseigner auprès de leur caisse de pension, a fait long feu. Ceux qui l'ont fait se sont généralement vu répondre qu'il n'était pas possible d'obtenir des informations précises, souligne la rédaction Tamedia.
En outre, la réforme n'aurait que partiellement tenu sa promesse d'améliorer la situation des femmes et n'aurait pas résolu le problème de la baisse des rentes.
Nécessité d'une réforme
Plusieurs journaux soulignent toutefois la nécessité d'une réforme. "Synonyme de dignité et de liberté individuelle", le 2e pilier mérite tout autant que l'AVS que l'on s'en préoccupe. "Personne en Suisse n'a intérêt au statu quo, soit une loi dessinée pour un monde du travail qui n'existe plus", écrit Le Temps. Et d'exhorter les parties à se remettre au travail.
Si elle relève aussi la nécessité d'agir dans la prévoyance, non dans l'immédiat mais à long terme, La Liberté constate que le deuxième pilier sera sans doute "figé pour longtemps". Et de prédire que le débat va probablement se porter sur le relèvement de l'âge de la retraite plutôt que sur la LPP et il "promet d'être explosif".
La NZZ estime quant à elle que la Suisse devrait s'épargner à l'avenir une nouvelle tentative de baisse du taux de conversion du capital de la prévoyance professionnelle. Une telle mesure n'est pas à même de réunir une majorité.
rad avec ats
Matthieu Leimgruber: "Les syndicats et la gauche se sont détachés des caisses de pensions"
Pour l'historien Matthieu Leimgruber, interrogé lundi dans La Matinale de la RTS, l'acceptation de la 13e rente AVS en mars et le refus de la réforme de la LPP dimanche vont de pair.
Selon le professeur à l'Université de Zurich, la politique de la prévoyance vieillesse est à un tournant. La gauche a montré qu'elle favorisait le 1er pilier: "Le but politique de la LPP à sa mise en place au début des années 80 était d'arrimer les syndicats aux caisses de pension, pour éviter qu'ils proposent une extension de l'AVS. Cette tactique politique a fonctionné jusqu'au début du XXIᵉ siècle, quand une première révision de la LPP a baissé le taux de conversion. Les rentes dans la LPP se sont détériorées d'environ 30% en une vingtaine d'années. Les syndicats et la gauche se sont alors détachés des caisses de pensions. Il y a eu une perte de confiance. Ils se sont reportés sur l'AVS", a-t-il analysé.
Et d'après le chercheur, "même la droite semble abandonner la LPP". Le spécialiste des assurances sociales se pose donc la question de l'avenir du système de retraite. Et de rappeler que ce débat dure depuis longtemps à Berne: "Cent ans après l'acceptation de l'article constitutionnel pour l'AVS en 1925, on est toujours dans une discussion sur le futur des retraites."
Même l'électorat de droite a dit non
Selon un sondage commandé par Tamedia réalisé à la sortie des urnes, même l'électorat de droite a dit non à la réforme de la LPP.
Le non est particulièrement marqué parmi les électeurs de l'UDC. Comment expliquer que l'électorat de droite n'ait pas suivi les consignes des partis?