La réforme du système de financement des soins "est le bébé du lobby des caisses maladie"
EFAS (Einheitliche Finanzierung von ambulanten und stationären Leistungen ou "financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires" en français) vise à uniformiser la clé de répartition du financement des soins entre les assureurs maladie et les cantons. Cette révision de la LAMal est l'une des plus importantes du système de santé suisse depuis 30 ans.
En cas de oui le 24 novembre, toutes les prestations, qu’elles soient ambulatoires, hospitalières ou dispensées en EMS, seront financées selon la même clé de répartition: un gros quart pour le canton et le reste pour l’assurance maladie. Le Syndicat des services publics (SSP) craint toutefois que cette participation élevée aux prestations ne donne davantage de poids aux assureurs dans le système de santé.
>> Lire aussi : Le SSP lance son référendum contre une réforme "radicale" du financement des soins
"Il faut savoir que ce projet est le bébé du lobby des caisses maladie", dénonce lundi dans La Matinale Beatriz Rosende, secrétaire centrale au SSP. "C'est une réforme qui est mauvaise parce qu'elle va transférer une partie du pouvoir aux caisses maladie au détriment des cantons et nous pensons que le secteur de la santé est suffisamment important pour qu'il reste sous la responsabilité des autorités cantonales."
C'est une réforme qui est mauvaise parce qu'elle va transférer une partie du pouvoir aux caisses maladie au détriment des cantons
"Américanisation" des soins
Pour le syndicat, une plus grande influence des assureurs dans le secteur pourrait entraîner une "américanisation" des soins. "Les assureurs en Suisse jouent sur deux tableaux. D'un côté, ils sont obligés de faire de l'assurance de base et de l'autre côté, ils nous vendent des complémentaires", indique Beatriz Rosende.
Selon elle, les assureurs auraient tout intérêt à fournir des assurances de base "lacunaires", afin d'inciter la population à prendre des complémentaires, sur lesquels ils peuvent faire un bénéfice. De plus, ce système augmenterait encore les inégalités d'accès aux soins, estime la syndicaliste, de nombreuses personnes renonçant en effet à certaines prestations non comprises dans l'assurance de base.
La libéralisation du système de santé nous conduit vers davantage de privatisation et un système qui est plus favorable aux personnes qui ont de gros moyens pour se soigner
"Cela coûte tellement cher de s'assurer que l'on a tendance à prendre des franchises élevées et d'attendre le plus possible avant d'aller chez le médecin pour se soigner quand on a peu de moyens", ajoute Beatriz Rosende. "La libéralisation du système de santé nous conduit vers davantage de privatisation et un système qui est plus favorable aux personnes qui ont de gros moyens pour se soigner."
Tenir compte du revenu
Beatriz Rosende rappelle par ailleurs que la contribution individuelle au financement des soins est très élevée. Jusqu'à 60% des dépenses de santé sont financées directement par les primes et les participations directes, telles que la franchise ou la quote-part. "Ces 60% ne tiennent pas compte de notre revenu, donc cela a un poids énorme sur la classe moyenne."
Le SSP propose une plus grande participation via l'impôt. "La problématique d'EFAS est justement là: est-ce que l'on prend un système où c'est l'impôt qui finance davantage en tenant compte du revenu ou est-ce que l'on reste dans un système où ce sont les primes qui ne tiennent pas compte du revenu qui financent le système?", résume Beatriz Rosende.
Vers une augmentation des primes
Selon elle, ces primes pourraient même venir à augmenter encore si la réforme était acceptée. Les caisses maladie seraient amenées à payer davantage que les cantons, ce qui se répercuterait sur les assurés, "parce que les caisses maladie, ce sont nos primes", affirme Beatriz Rosende. "Lorsque l'on diminue la part cantonale, et donc l'impôt, on augmente la part des primes", dit-elle. "Donc c'est une augmentation des primes d'assurance maladie qui se dessine avec cette réforme".
>> Lire aussi : Les opposants à la réforme du système de financement des soins craignent des hausses de primes
Lorsque l'on diminue la part cantonale, on augmente la part des primes, donc c'est une augmentation des primes d'assurance maladie qui se dessine avec cette réforme
Le SSP redoute également une détérioration des conditions de travail et donc de la qualité des soins dans les hôpitaux et les EMS, sous la pression des assureurs. "On sent au quotidien un poids des assurances pour faire des économies", déclare Beatriz Rosende. "Quand on a 70% des frais qui sont des frais de personnel, si on fait des économies, c'est sur le personnel, les dotations et le temps à disposition pour les patients."
La syndicaliste explique que de telles coupes auraient un impact sur les performances du personnel de santé, qui est déjà épuisé. "Il faut savoir que des conditions de travail dégradées signifient des soins de mauvaise qualité", dit-elle. "C'est typiquement un secteur où l'on ne peut pas faire mieux avec moins."
>> Lire aussi : Elisabeth Baume-Schneider: "EFAS n'est pas la panacée, mais cela montre que le système est réformable"
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Emilie Délétroz