La rentrée scolaire, une période où les enlèvements d'enfants par un parent sont en hausse
Tous les enfants de Suisse romande ont repris le chemin de l'école depuis au moins trois semaines... tous ou presque. Certains d'entre eux manquent à l'appel. Partis en vacances pendant l'été avec leur père ou leur mère dans un autre pays, ils ne sont tout simplement jamais revenus.
La fin de l'été est typique: il s'agit du moment où l'autre parent, resté en Suisse, réalise que son enfant ne reviendra pas. Il faut alors quelques semaines pour que les cas soient signalés et les procédures lancées, ce qui permet d'expliquer le pic actuel.
Car l'Office fédéral de la justice indique avoir reçu quinze signalements en août, trois fois plus qu'avant l'été. Les cas concernent des enfants de sept ans et demi en moyenne, et souvent des familles binationales, établies dans les grandes villes, comme Genève ou Zurich.
Un moment sensible
Pour l'avocat genevois Josef Alkatout, spécialiste en droit de la famille, l'été est un moment particulièrement sensible. "Le parent ravisseur profite de cette période pour se rendre dans son pays d'origine. Souvent, c'est à ce moment que les enlèvements ont lieu. Ça passe un peu inaperçu, parce que c'est normal. Tous les ans, ils partent dans le pays d'origine pour les grandes vacances d'été. Cela laisse un peu de temps aux parents ravisseurs de s'organiser sur place, d'organisation la scolarisation de l'enfant."
Selon les statistiques de l’Office fédéral de la justice, ces parents ravisseurs sont des mères dans 80% des cas, qui avertissent l'ex-conjoint au moyen d'une lettre, d'un email ou d'un SMS, voire rien du tout.
Ces rapts se remarquent un peu plus à la rentrée, mais ils augmentent continuellement. L'année dernière, un nouveau record a été établi en Suisse avec 80 enfants enlevés à l'étranger.
Parcours du combattant pour récupérer son enfant
Pour le parent resté en Suisse, récupérer son enfant peut être très compliqué. Tout dépend du pays dans lequel l'enfant est retenu. Dans le cas d'un Etat ayant ratifié la Convention de la Haye sur l'enlèvement international d'enfants, la Suisse peut intervenir et l'autre pays doit coopérer.
La RTS a pu s'entretenir avec une maman dont la fille avait été enlevée en Bulgarie. Elle a pu compter sur l'aide de la Confédération pour la retrouver et la ramener en Suisse en l’espace de quelques mois.
Cela peut prendre des mois si les personnes essaient de se cacher
Ce type de procédure peut varier énormément selon le pays, mais aussi selon la complexité et la spécificité des cas, relève Joëlle Schickel-Küng, cheffe de l'Autorité centrale fédérale en matière d'enlèvement international d'enfants.
"La procédure peut durer de deux mois à deux ans, et ce, malgré le fait que la Convention prévoit qu'il faut mettre en place des procédures rapides. Parfois, nous avons des dossiers qui prennent du temps rien que pour obtenir une confirmation du lieu où les personnes se trouvent. Ça peut prendre des mois si elles essaient de se cacher", explique-t-elle, précisant que des imprévus peuvent entrer en ligne de compte, ou la mise en place d'une médiation.
Près d’une centaine de pays n'ont pas signé le traité de la Haye, à l'image du Kenya, où les enfants d'un papa que la RTS a pu rencontrer sont retenus depuis cinq ans. Pour ce dernier, la situation est beaucoup plus complexe, il ne peut compter que sur ses avocats et le Service social international suisse (SSI), une organisation spécialisée, qui propose des médiations familiales et dispose de son propre réseau de partenaires.
Statu quo pour le Conseil fédéral
Dans cette situation, les autorités suisses ne peuvent pas intervenir, car la loi ne le permet pas. En dépit de plusieurs interventions parlementaires sur la question, le Conseil fédéral a rendu un rapport fin août disant que la loi actuelle était satisfaisante.
La Confédération estime toutefois que les consulats et ambassades suisses à l'étranger doivent jouer un rôle de soutien et de conseil pour les parents qui cherchent leur enfant.
Peut-on prévenir un enlèvement?
Le rapport du Conseil fédéral souligne aussi l'importance de la prévention. Mais selon Elodie Antony, responsable des services transnationaux au SSI, un enlèvement est toujours une surprise et un choc. Il peut néanmoins y avoir des signes avant-coureurs.
"On essaie de voir au niveau familial s'il y a un conflit et à quel degré il se situe; on se demande s'il y a une menace que l'autre parent enlève l'enfant dans un autre pays; et s'il y a eu des modifications du comportement", détaille-t-elle.
Le SSI analyse également les aspects juridico-administratifs. "Nous allons évaluer s'il y a par exemple eu des démarches en vue d'un départ, l'établissement d'un passeport. On considère aussi qu'il peut y avoir un risque quand une décision de justice est attendue, comme la garde de l'enfant ou l'autorité parentale."
Dans ce type de cas, il est possible de demander des mesures superprovisionnelles à un tribunal, lequel peut ordonner le dépôt des passeports et inscrire le parent et les enfants au système d'information Schengen. Ainsi, ils seront contrôlés à toutes les frontières s'ils essaient de quitter le pays.
Charlotte Frossard
Adaptation web: jfe
Quand parle-t-on d'enlèvement?
On parle d’enlèvement lorsqu'un enfant est déplacé à l’étranger sans l'accord du parent détenteur ou co-détenteur du droit de garde par son autre parent ou un proche, voire qu'il y est retenu à l’initiative exclusive de cette personne, détaille l'Office fédéral de la justice. Cette situation existe également dans les cas où un parent empêche ou entrave l’exercice du droit de visite.
Informations pratiques et ressources
L'Office fédéral de la justice met aussi à disposition des parents concernés une brochure contenant des informations pratiques.