"Regrettable" et "inquiétant": ce sont les mots de nombreux élus à propos du choix de Compenswiss. Suite à un appel d'offre, l'organe basé à Genève et gérant les plus de 40 milliards d'avoir de l'AVS, AI et des allocations pour perte de gains, a en effet préféré à UBS une institution américaine, State Street, pour administrer ce fonds.
La décision, révélée la semaine dernière par la Tribune de Genève, a été prise fin 2023 et la transition est en cours. Les raisons invoquées? Le prix et les meilleures compétences techniques de State Street, dont le siège principal est à Boston.
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En tant que banque dépositaire, l'établissement remplira un rôle essentiellement administratif pour l'ensemble du fonds. Il tiendra notamment à jour le livret des comptes. Il ne prendra toutefois pas de décisions stratégiques. L'argent, placé en Suisse, restera techniquement chez UBS, qui conserve son mandat de banque sous-dépositaire.
Une perte de savoir-faire dénoncée
Reste que pour des parlementaires de tous les bords politiques, ce choix est malheureux sur le plan symbolique, et va induire une perte de savoir-faire. Pascal Broulis, conseiller aux Etats PLR vaudois, ne cache pas sa déception: "Je suis effaré et je trouve ça dommage de confier cet argent du fonds de compensation AVS à une entreprise américaine", glisse-t-il dans La Matinale de la RTS.
Il poursuit: "Il n'y a pas de risque matériel, mais quand vous perdez des postes de travail en Suisse sur une ingénierie financière, il y a une perte de savoir-faire. Je trouve dommage qu'on n'ait pas une entreprise suisse bancaire ou financière qui ait le mandat pour le fonds." Le PLR vaudois Olivier Feller s'étonne que la banque choisie, State Street, qui a une succursale en Suisse, ne soit même pas membre de l'Association suisse des banquiers.
L'UDC Céline Amaudruz redoute quant à elle un dégât d'image pour la place bancaire suisse, qui apparaît selon elle désormais comme incapable d'assumer la responsabilité d'un tel fonds.
La concurrence en question
Philippe Nantermod, conseiller national PLR valaisan, reconnaît aussi qu'il s'agit d'une perte de savoir-faire. Mais selon lui, il est normal que la libre concurrence s'applique. "Le rôle de Compenswiss n'est pas de former le personnel des banques suisses. Il faut plutôt s'inquiéter de l'incapacité, a priori, des fournisseurs de prestations en Suisse de concurrencer les Américains sur ce marché."
Pour Samuel Bendahan, co-chef de groupe du Parti socialiste aux Chambres fédérales, il s'agit d'une conséquence indirecte de la disparition de Credit Suisse. UBS risque désormais de ne plus faire l'effort d'être concurrentielle.
"Il y a des domaines dans lesquels on a absolument besoin d'une grande banque internationale. On en avait deux, et même plus avant. Et puis maintenant, on n'a plus que l'UBS. Vous n'avez plus qu'une seule organisation qui a un monopole."
"Elle pourrait offrir des conditions de moins en moins bonnes, en tout cas aux acteurs qui sont coincés ou qui sont liés à un territoire. Elle pourrait aussi délaisser certaines prestations de service, parce qu'elle n'a plus d'intérêt à les avoir. Quand vous avez de la concurrence, peut-être que les banques ont intérêt à proposer tous les services qui existent pour garder les gens chez elles."
En plein débat politique sur le financement de la 13ème rentes AVS, des élus de gauche comme de droite ne comptent pas en rester là. Ils prévoient déjà d'adresser prochainement une salve de questions au Conseil fédéral et des interventions en commission.
Céline Fontannaz/asch