La Suisse condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour une affaire d'amiante
C'est un combat de 18 ans que vient de remporter l'avocat Martin Hablützel. La CEDH oblige la Suisse à verser 20'800 euros à la famille d'un Glaronnais empoisonné par de l'amiante.
"Ce jugement a une très grande importance, bien au-delà de la question spécifique de l’amiante. Désormais, toutes les personnes qui souffrent de conséquences à long terme ont la possibilité de faire valoir leurs revendications devant les tribunaux, même si ces conséquences n’ont été reconnues que 20, 30, 40 ou 50 ans après la cause initiale", explique l'avocat mercredi dans le 19h30 de la RTS.
Enfant, nous construisions des cabanes avec des plaques d'Eternit
Quand la procédure pénale pour lésion corporelle grave a été engagée, Marcel Jann était encore en vie. Son exposition à l'amiante remontait à son enfance quand il habitait près de l'usine d'Eternit située à Niederurnen. Elle transformait des fibres minérales d’amiante en panneaux de ciment.
Lorsqu’il était enfant, dans le jardin à l’arrière de sa maison, sans connaître le danger, il construisait des cabanes avec des plaques d’Eternit cassées et sciées. "La fenêtre de la chambre était peut-être à 50 mètres de la salle de production la plus proche, où ils travaillaient la nuit et traitaient de l’amiante. Aujourd’hui, c’est évidemment fou quand j’y pense", expliquait-il de son vivant dans une interview d'archives.
Un espoir pour les autres victimes
Regula Jann-Zwicker a enterré son mari en 2006, des suites d’un cancer de la plèvre: une des conséquences les plus évidentes aujourd’hui d'une exposition mortelle à ces particules. Elle n'a jamais baissé les bras, même après avoir été déboutée par le Tribunal cantonal de Glaris, puis le Tribunal fédéral quelques années après.
"J'espère vraiment que les efforts de mon mari, toutes les années qu'il a vécues et tout ce qui se passe encore aujourd'hui, que tout cela portera ses fruits. Et que les personnes qui tombent malades obtiendront gain de cause".
Avec cet arrêt, la Cour européenne des droits de l'Homme estime que la famille Jann n'a pas eu de procès équitable. Même en doublant le délai de prescription de 10 à 20 ans, il est impossible de chiffrer combien de temps après la contamination la maladie risque de se déclarer.
Strasbourg n'impose rien à la Suisse, mais la voie est ouverte pour une nouvelle modification de la législation..
L'Office fédéral de la Justice peut aussi décider de contester la décision européenne et renvoyer l'affaire devant la Grande chambre.
Sujet TV: Annabelle Durand/10 vor 10
Adaptation web: Miroslav Mares