La Suisse dans le viseur de la propagande russe à l'approche de la conférence du Bürgenstock
A quelques semaines de la tenue de l'événement, l'émission "Les poupées de l'héritier Toutti", diffusée sur la première chaîne de Russie, s'en prend ouvertement à la présidente de la Confédération. La présentatrice Maria Boutina, une ancienne espionne russe aux Etats-Unis aujourd’hui députée à la Douma, y dresse un portrait de Viola Amherd enchaînant les propos diffamants, voire insultants et s'attaquant parfois à sa vie privée.
Dans cette émission, "on retrouve toute la propagande russe, la propagande anti-occidentale et la violence d'Etat", réagit dans l'émission Forum le conseiller national Vert genevois, Nicolas Walder, également membre de la commission de politique extérieure. "Aujourd'hui, ce ne sont plus des chaînes d'information, mais des chaînes de propagande".
Décrédibilisation de Viola Amherd
L'émission s'est ainsi attaquée à la personne de Viola Amherd. A travers des gros plans sur sa montre et ses boucles d'oreilles, l'émission semble suggérer que la conseillère fédérale aime l'argent. De même, Maria Boutina et ses invités ont mis en cause le choix du F-35, un avion d'attaque très cher par rapport à ses concurrents, pour une armée suisse à vocation défensive, insinuant que Viola Amherd était peut-être corrompue.
La présentatrice laisse également entendre que la Valaisanne est arrivée à son poste de présidente de la Confédération et de ministre de la Défense par hasard. "Avez-vous déjà vu un président qui ne veut pas être président et qui de surcroît aurait voulu être ministre de la Justice?", interroge Maria Boutina dans l'émission. "Mais il se trouve que cette femme, Viola Amherd, n’était pas présidente, mais s’est tout d’un coup retrouvée ministre de la Défense".
Discréditer le Bürgenstock
Ces affirmations démontrent une méconnaissance du système politique suisse, mais visent également à décrédibiliser Viola Amherd auprès de la population russe pour laquelle un président, à l'image de Vladimir Poutine, est tout-puissant. Et à travers la présidente de la Confédération, la Russie dénigre aussi et surtout la Suisse, où se tiendra mi-juin la conférence du Bürgenstock pour la paix en Ukraine.
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La Russie voit en effet d'un mauvais oeil cette réunion à laquelle elle ne participera pas et qui n'apportera, selon elle, aucune solution. Pour Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, "l'objectif des organisateurs de ces forums n'est pas de parvenir à la paix, mais de constituer une coalition anti-russe par la tromperie, la fraude et la manipulation".
Perte de neutralité
Le Kremlin dénonce aussi une perte de neutralité de la Suisse, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov affirmant même qu'elle serait passée "de neutre à ouvertement hostile". Il est reproché à Berne d'avoir repris les sanctions contre la Russie et d'avoir gelé des avoirs russes.
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Les Chambres fédérales cherchent également à établir une base légale pour allouer ces avoirs ou leur produit à la reconstruction de l’Ukraine. Le traditionnel rôle de plateforme de discussion joué par la Suisse s’est donc envolé aux yeux de la Russie.
"Ils insistent sur le fait que la Suisse n'est plus neutre, mais je crois que derrière tout ça, il y a vraiment la haine de l'Occident", analyse Nicolas Walder. "Cela montre aussi un peu la faiblesse et la fuite en avant de cet Etat qui n'est aujourd'hui plus un Etat de droit et qui ne sait plus très bien comment faire face à l'Occident, qui a aujourd'hui plus de succès que la Russie, en tout cas au niveau de l'image et de l'influence internationale".
Sujet radio: Jean-Didier Revoin
Sujet TV: Karima Benamrouche
Adaptation web: Emilie Délétroz