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La Suisse enterre son CO2 en Islande via un projet pilote de l'EPFZ

Le CO2 suisse envoyé dans le sous-sol islandais
Le CO2 suisse envoyé dans le sous-sol islandais / Mise au point / 11 min. / le 8 septembre 2024
La Suisse tente pour la première fois d’exporter du CO2 à l’étranger, dans le cadre d’un projet pilote de l'EPFZ. Environ 300 tonnes de gaz carbonique ont été enfouies en Islande. Une équipe de l'émission Mise au point a pu suivre le transport d’un des premiers containers à CO2.

La Suisse s’est engagée à atteindre le zéro CO2 d’ici 2050. Mais certaines industries n’arriveront pas à éliminer toutes leurs émissions. L’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) a ainsi lancé un projet pilote pour tester la capture et l’exportation du gaz carbonique.

Le gaz est capté avec un filtre dans la cheminée de l’usine de biogaz de Berne avant d’être liquéfié, refroidi, puis transporté par camion jusqu’à Bâle. Les containers, contenant chacun 20 tonnes de CO2, sont alors placés sur un train. Ils entament un périple de plus de 2600 kilomètres, en direction de l’Islande. Pour atteindre le zéro carbone d’ici 2050, il faudrait 500’000 camions comme celui-ci chaque année.

Un bilan concluant selon l'EPFZ

Selon Marco Mazzotti, professeur à l'EPFZ, le bilan écologique de ces transports serait plutôt bon. "Nos études le montrent, la chaîne de transport entre la Suisse et l’Islande est efficace à environ 80%", souligne le professeur dimanche dans l'émission Mise au Point. "On ne perd que l’équivalent de 20% du CO2 transporté à cause des moyens de transport, comme les camions et les bateaux, qui ne sont pas encore décarbonisés", précise-t-il.

Après avoir été transbordé sur un bateau à Rotterdam, les fûts de CO2 arrivent en Islande environ 13 jours après leur départ de Suisse. Quinze containers contenant chacun 20 tonnes de CO2 chacun ont déjà atteint l’île.

Une destination qui ne doit rien au hasard

L’Islande ambitionne d’ouvrir d’immenses réservoirs sous-terrain pour y enfouir du dioxyde de carbone venant de toute l’Europe. Ce pays volcanique est en effet composé à 90% de roches basaltiques, des roches qui se prêtent particulièrement bien à l’enfouissement du CO2.

Sur place, le gaz liquide est pris en charge par la société islandaise Carbfix. "On dissout le CO2 dans de l’eau de mer, puis on injecte le mélange à 400 mètres de profondeur dans la roche basaltique", explique Salka Kolbeinsdóttir, géologue chez Carbfix. Une fois dans le sous-sol, le gaz doit se solidifier et être ainsi emprisonné dans la roche.

"Nous ne faisons rien d’autre qu’imiter le processus naturel. Dans la nature, la minéralisation du CO2 nécessite des centaines d’années. Avec notre processus, on l’accélère", précise Salka Kolbeinsdóttir. Le processus devrait prendre environ deux ans, selon la géologue.

Les écologistes islandais sceptiques

Sur l’île, tout le monde ne voit pas ces injections de CO2 d’un bon œil. Pour la militante écologiste Helena Mjöll Jóhannsdóttir, la présidente de l’association de défense de l’environnement du sud-ouest, les risques sont trop grands. Elle et son organisation estiment que chaque pays devrait éliminer lui-même son gaz carbonique.

"Nous ne voulons pas que l’Islande devienne la poubelle de l’Europe", déclare Helena Mjöll Jóhannsdóttir dans Mise au point. "On l’a vu dans le cadre d’un autre projet d’enfouissement de CO2 un peu plus au sud: ça a provoqué de petits tremblements de terre, donc ça pourrait se reproduire", estime-t-elle.

Les responsables du projet affirment eux qu’aucun effet sismique n’a été observé jusqu’à maintenant et que le CO2 ne remonte pas à la surface. Pour la Suisse et l’Islande, ces essais doivent permettre de décider si elles veulent ou non instaurer une collaboration fixe pour l’élimination du CO2 à grande échelle. Pour ce faire, un accord devrait être signé entre les deux pays.

Sujet TV: Jean-Marc Heuberger

Adaptation web: Julie Liardet

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Zéro CO2 d'ici 2050?

"Aujourd’hui, en Suisse, on émet environ 40 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. Selon les plans de la Confédération, d’ici 2050, on devait réussir à réduire ces émissions de trois quarts. Il nous restera donc environ 10 millions de tonnes d’émissions dites irréductibles, qu’il nous faudra capturer et traiter", explique le professeur de l'EPFZ Marco Mazotti dans l'émission Mise au point.

Selon Marco Mazzotti, la Suisse sera obligée d’exporter son gaz carbonique, car elle n'a pas trouvé de site d’enfouissement suffisant dans le sous-sol helvétique.