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La Suisse et le défi du recensement des crimes de haine 

Le recensement des crimes de haine est lacunaire en Suisse, surtout envers les personnes LGBTQI+ (vidéo)
Le recensement des crimes de haine est lacunaire en Suisse, surtout envers les personnes LGBTQI+ (vidéo) / La Matinale / 7 min. / le 8 mai 2024
Les comportements tels que l’agression d’une personne parce qu'elle est noire ou juive, ou l’insulte d’une personne en la traitant de "grosse lesbienne", sont considérés comme des crimes de haine. La Convention des droits de l’homme stipule que ces actes doivent être condamnés. Cependant, pour pouvoir les condamner, il est nécessaire de les recenser. Sur ce point, la Suisse accuse un certain retard.

Un crime de haine est généralement un acte criminel motivé par des préjugés fondés sur l’ethnicité, la religion, l’orientation sexuelle ou d’autres motifs similaires. Cela inclut des actes commis contre une personne en raison de son apparence réelle ou perçue par un groupe social.

Selon une étude effectuée par la police de Bâle-Ville, il apparaît qu'en Suisse moins de la moitié des forces de police cantonales maintiennent des statistiques sur les crimes de haine. En comparaison, les pays anglo-saxons ont commencé à le faire dès les années 90, et l’Allemagne suit cette pratique depuis près de deux décennies.

Le crime de haine n'est pas inscrit dans le Code pénal

La Suisse se trouve à la traîne en matière de recensement car chaque corps de police a sa propre approche. Mais selon Silvia Staubli, collaboratrice scientifique à la police cantonale de Bâle-Ville et autrice de l’étude, le fédéralisme n'explique pas tout.

Mercredi dans La Matinale de la RTS, elle explique que le crime de haine en soi n’est pas inscrit dans le Code pénal: "il apparaît quand un motif de préjugé est associé à un délit. C’est probablement cet aspect qui constitue un obstacle à son recensement. La difficulté à le reconnaître complique sa saisie".

La communauté LGBTIQ est la principale victime

La communauté LGBTIQ est principalement touchée par ces crimes. D’après la "Helpline LGBTIQ", en 2022, une annonce a été enregistrée en moyenne tous les trois jours, un chiffre qui est d’ailleurs en constante hausse. Mais seulement 10 à 20% des victimes font le choix de se tourner vers la police.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles ces victimes hésitent à signaler ces incidents. Car il n’est pas toujours évident pour tout le monde qu’une simple insulte peut constituer un crime de haine. Il est important de noter que c’est l’intention qui compte, pas la cible. Par exemple, si quelqu’un vous traite de "sale pédé" même si vous n’êtes pas homosexuel, cela reste un crime de haine.

La complexité du mégenrage

De plus, selon Gaé Colussi, responsable pour la Suisse romande chez PinkCross, un grand nombre de personnes qui ont contacté la Helpline ont eu une mauvaise expérience avec la police. "Il existe des problèmes liés au mégenrage, en particulier pour les personnes transgenres ou non binaires. La police est confrontée à la complexité de gérer à la fois la partie officielle liée à un document d’identité qui doit être présenté, et un prénom ou des pronoms d'usage qui n'y correspondent pas".

Cependant, Gaé Colussi note une amélioration de la situation. Les polices cantonales se forment de plus en plus à ces questions.

La police de Berne se met au recensement

L’amélioration des rapports pourrait également entraîner une amélioration de la collecte de données. Bien que l’on puisse penser que cela représente une charge administrative supplémentaire pour les forces de l’ordre, ce n’est pas nécessairement le cas.

La police cantonale bernoise a commencé à recenser les crimes de haine depuis l’année dernière. Selon Martin Schindler, chef de la police judiciaire du canton de Berne, les saisies se font de manière électronique, avec des cases à remplir en fonction de la situation, ce qui ne change pas énormément le travail du personnel. Cependant, le défi se situe dans le traitement et l’évaluation individuelle des motifs de chaque cas.

Pour l'instant, étant donné que chaque corps de police a sa propre méthode, il est impossible d’obtenir une vue d’ensemble de l’ampleur du phénomène en Suisse. Mais un changement se profile à l’horizon, car l’Office fédéral de la statistique, qui compile chaque année les données sur la criminalité, travaille sur une manière d’inclure les crimes de haine.

Sujet radio: Célia Bertholet 

Adaptation web: Miroslav Mares

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Plainte de Marius Diserens

Cela fait 4 ans que la loi suisse condamne le crime de haine ou la discrimination en raison de l'orientation sexuelle. Mais les dénonciations officielles restent difficiles, comme en témoigne dans La Matinale Marius Diserens. Ce conseiller communal nyonnais vient de déposer plainte devant le Ministère public vaudois pour discrimination homophobe.

C'est la deuxième fois qu'il dépose plainte.

>> Le témoignage de Marius Diserens dans La Matinale :

Marius Diserens, conseiller communal à Nyon. [Keystone]Keystone
Les dénonciations pour crimes de haine restent difficiles: témoignage de Marius Diserens, conseiller communal à Nyon / La Matinale / 1 min. / le 8 mai 2024

Marius Diserens est sans nouvelle de sa première plainte, datée de 2022 pour des insultes cette fois-ci sur X, anciennement Twitter. "Je trouve extrêmement choquant quand on se donne la peine d'aller porter plainte, un exercice très difficile, qu'on doive encore faire les démarches pour suivre le dossier".

Contactée par la RTS, la police cantonale vaudoise dit avoir avoir mené des investigations sans parvenir à identifier l'auteur des tweets. Elle a donc renoncé à transmettre un rapport au Ministère public, mais sans en informer l'élu nyonnais. La police admet que son processus de communication doit être amélioré.