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Le Conseil fédéral ne veut toujours pas adhérer au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires

Le CF a refusé de revoir sa potentielle adhésion au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. [Keystone]
Le Conseil fédéral renonce une nouvelle fois à adhérer au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires / Le 12h30 / 2 min. / le 30 mars 2024
Le Conseil fédéral maintient sa position par rapport au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Mercredi, le gouvernement a confirmé qu'une adhésion n'était pas dans l'intérêt de la Suisse. Une position similaire à celle adoptée en 2018.

Berne ne doit pas adhérer au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Le Conseil fédéral a refusé mercredi de revoir sa position. Une adhésion n'est pas dans l'intérêt de la Suisse, estime la Confédération dans une analyse.

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires a été négocié et au sein de l'ONU en 2017. La Suisse a joué un rôle important dans ces négociations, avant de renoncer à le signer en 2018.

Le TIAN comporte une interdiction globale et explicite des armes nucléaires, en interdisant l'usage, la menace d'usage, la fabrication, le stockage, l'acquisition, la possession, le stationnement, la transmission et la mise à l'essai d'armes nucléaires. Entré en vigueur en 2021, il a été ratifié par 70 Etats, dont l'Irlande ou l'Autriche, mais pas par les puissances nucléaires ni la plupart de leurs alliés européens ou occidentaux.

L'utilisation d'armes nucléaires n'est pas compatible avec le droit international humanitaire, rappelle le Conseil fédéral. Il y a dix jours, la Suisse a pris clairement position en ce sens au Conseil de sécurité des Nations Unies en affirmant qu'une guerre nucléaire ne peut pas être gagnée et ne doit jamais être menée.

La question de savoir comment concrétiser l'objectif d'un monde sans armes nucléaires fait débat en Suisse également, poursuit le gouvernement. Un groupe de travail interdépartemental de l'administration a donc procédé à une nouvelle évaluation de la situation.

>> A lire: : Un traité d'interdiction des armes nucléaires entre en vigueur, sans la Suisse

Effet dissuasif

Comme en 2018, le Conseil fédéral est convaincu qu'une adhésion n'est pas dans l'intérêt de la Suisse. Surtout dans le contexte international actuel, caractérisé par le retour sur le devant de la scène des questions de politique de sécurité, du fait de la nouvelle guerre en Europe.

"Le fait que les armes nucléaires n'aient pas été utilisées jusqu'ici peut être considéré comme un argument en faveur d'un fonctionnement efficace de la dissuasion. De nombreux Etats continuent de penser que les armes nucléaires ont, en dernier recours, un effet stabilisateur indispensable, et investissent de ce fait dans leur modernisation", lit-on dans le rapport d'analyse.

Dans un même temps, la résurgence du spectre nucléaire, provoquée notamment par les déclarations et les menaces de la Russie, est devenue une préoccupation majeure pour la sécurité internationale. Cela montre que le tabou qui existe depuis 1945 sur l'utilisation d'armes nucléaires doit être renforcé, estime le rapport.

Pas dans l'intérêt suisse

Le gouvernement juge par ailleurs faible l'impact du TIAN. Un monde sans armes nucléaires ne pourra émerger qu'en coopération avec les Etats dotés de l’arme nucléaire, et pas en opposition avec ceux-ci.

"Une adhésion au TIAN pourrait notamment à la lumière de l'agression militaire de la Russie en Ukraine, affecter d'autres intérêts bilatéraux et multilatéraux de politique extérieure ainsi que le rôle de passerelle traditionnel joué par la Suisse."

L'engagement de la Suisse en faveur d'un monde sans armes nucléaires est plus pertinent dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), en vigueur depuis 1977 et signé par 191 Etats membres, dont les puissances nucléaires que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni, estime le Conseil fédéral.

>> A lire: : La Suisse ne signe pas le traité interdisant les armes nucléaires

Critiques immédiates

Une décision immédiatement critiquée par la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN). En annonçant aujourd'hui un nouveau report de sa décision de signer le TIAN, le Conseil fédéral semble vouloir ignorer le mandat qui lui a été donné par le Parlement en 2019 d'adhérer au traité, écrit l'ICAN dans un communiqué.

Le gouvernement suisse subit des pressions de la part de certains Etats dotés d'armes nucléaires et de l'Otan, qui jouent sur les préoccupations de sécurité à la lumière de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, estime encore l'ONG, qui a indiqué en novembre dernier vouloir lancer une initiative sur la question.

Le PS critique également vivement la position du Conseil fédéral, "qui va à l'encontre de la volonté du Parlement". Il exige du gouvernement "qu'il aille enfin de l'avant avec ce projet de paix", car les armes nucléaires ne sont pas compatibles avec le droit international humanitaire.

Sur la plateforme X, les Vert-e-s se montrent eux aussi critiques. Le parti écologiste rappelle que le danger des armes nucléaires n'a jamais été aussi grand depuis la Guerre froide.

ats/jtr

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