"J'ai tendance à employer le terme de "disruption"", déclare Thomas Rothacher. C'est ainsi que le chef adjoint de l'armement de l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse) qualifie le déploiement massif de drones dans le cadre de la guerre en Ukraine et la manière dont ils bouleversent le système d'approvisionnement traditionnel des forces armées.
Bien sûr, les drones ne sont pas une nouveauté pour les militaires, poursuit Thomas Rothacher. Les premiers essais de systèmes de détection de drones ont déjà eu lieu en 2016, mais les experts ont été surpris par le volume et l'impact des missions de drones en Ukraine. Kiev veut construire et déployer chaque année environ un million de drones.
De son côté, Armasuisse a récemment constitué un groupe de travail. Sa mission est d'identifier les moyens permettant à l'armée suisse de disposer d'un nombre suffisant de drones en cas de conflit. Il s'agit d'un défi majeur, car les cycles de développement courts et les innovations rapides des drones sont diamétralement opposés au processus d'acquisition traditionnel d'armement, plutôt lent.
"De grands entrepôts avec des drones en stock n'ont pas de sens", déclare Thomas Rothacher. Pour lui, la solution réside dans la mise en réseau d'entreprises flexibles, capables de fabriquer, d'adapter, de compléter et de modifier rapidement des drones. En la matière, la Suisse est très bien positionnée.
La Suisse, pays des drones
Par rapport à la population, il n'y a guère d'autres pays qui disposent d'autant d'expertise en matière de drones. D'innombrables start-up de l'ETH, de l'EPFL et des universités sont opérationnelles avec des drones hautement spécialisés et des logiciels de contrôle sophistiqués. Certains de ces objets volants sont du reste visibles dans la salle d'exposition du Centre suisse des drones et de la robotique à Thoune.
Le chef adjoint de l'armement est convaincu que l'écosystème des drones doit absolument rester en Suisse. En cas de conflit, il serait ainsi possible de produire ses propres drones de manière flexible ou de reprogrammer des drones commerciaux afin de les adapter à ses propres besoins.
Le problème des puces électroniques
Néanmoins, un problème central demeure: aucun drone ne vole sans puces électroniques - et aucune des nombreuses entreprises suisses spécialisées dans la fabrication de drones n'est capable de produire ce genre de puces. Selon Thomas Rothacher, une des solutions serait une stratégie dite de consigne: il s'agirait d'échanger des produits suisses contre des puces électroniques. Mais cette stratégie ne garantit pas que les circuits électroniques convoités soient effectivement disponibles. C'est pourquoi il envisage également de stocker des puces à longue durée de vie et librement programmables. Actuellement, le problème n'est pas complètement résolu et des interrogations subsistent.
Dans tous les cas, Armasuisse souhaite aller plus vite en matière de drones. Dès l'an prochain, les troupes devraient effectuer des tests avec de petits drones - des appareils que l'on peut se procurer pour seulement quelques centaines de francs et que l'on peut facilement adapter à ses propres besoins.
Reto Widmer (SRF)