Tout a commencé avec la prise de parole de Karine Lacombe, une figure très médiatique dans l'Hexagone.
Dans une interview parue mi-avril dans Paris Match, l'infectiologue accuse son ex-collègue Patrick Pelloux (à la tête de l'association des médecins urgentistes de France) "de harcèlement sexuel et moral". L’homme dément les accusations lancées contre lui.
Dans la foulée des accusations portées par Karine Lacombe, le hashtag #MeToo Hôpital et #MeToo Médecine vont rassembler une vague de témoignages pour dénoncer un climat d'impunité persistant dans la profession.
La Romandie également concernée
Cette situation néfaste est également dénoncée en Suisse romande, où des mesures de formation et de sensibilisation existent depuis 2019 déjà.
Malgré ces dispositions, certains membres du corps médical relèvent qu'il est encore "très difficile" de témoigner pour les victimes, surtout en début de carrière.
"La personne garde son poste"
Aurélia, étudiante en dernière année de médecine à Genève et membre du collectif Clash, qui lutte contre les attitudes sexistes en milieu hospitalier, fait ce constat dans La Matinale de la RTS: "On vit des situations de harcèlement sexuel, alors qu'on est sur notre lieu d'études. En portant plainte, on s'expose à plus de risque que l'agresseur."
La jeune femme a pu s'en rendre compte lors de ses stages pratiques: "En tant qu'étudiante, en arrivant dans des services, on m'a déjà dit: Ce chef est super problématique, il y a eu des plaintes, il est connu dans le service pour faire telle chose ou avoir dit telle remarque. Parfois, ce n'est même pas caché et les autres personnes en rigolent. Des initiatives et des sanctions sont peut-être mises en place dans le service, mais la personne garde son poste."
"L'hôpital est hiérarchisé, avec beaucoup de pression et de jeu de pouvoir, notamment lorsqu'on monte les échelons. On n'hésite pas à faire comprendre à l'interne de première année qu'il ou elle n'est personne", analyse-t-elle également.
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Une femme sur trois victime
Une étude, menée en Suisse romande et publiée en 2022, montre qu'un tiers des femmes médecins ont été victimes de discrimination ou de harcèlement.
Et ce, particulièrement dans le milieu hospitalier. Certains services comme la chirurgie sont connus pour être spécialement touchés par ces problèmes.
Les personnes qui subissent ces comportements ne parlent pas parce qu'elles redoutent d'être freinées dans leur évolution au travail.
Système à réformer
De l'avis de plusieurs membres du corps médical, tout le système hospitalier devrait être revu. Vanessa Christinet, médecin depuis une vingtaine d'années dans le parapublic à Lausanne, a interpellé le Département vaudois de la santé. Selon elle, les mesures actuelles de sensibilisation ou de formation des cadres ne suffisent pas à protéger les victimes.
"Il y a encore des problèmes de harcèlement moral et sexuel. Pourtant, personne n'ose parler. Pourquoi l'omerta est-elle si forte dans ce milieu? C'est probablement lié au fait que c'est un petit milieu, où tout le monde se connaît, où l'on peut vite être mis sur la touche", soutient-elle. La médecin relève, elle aussi, que "les enjeux de pouvoir, extrêmement puissants, font que l'on doit se plier à des injonctions".
La RTS constate également qu'il n'a pas été facile de récolter des témoignages. Certaines de nos interlocutrices ont finalement renoncé à parler par peur d'être reconnues. D'autres ont déclaré qu'elles avaient l'impression que le risque était trop grand et les bénéfices incertains. Malgré les prises de parole dans les équipes et les dénonciations ces dernières années, les choses n'évoluent pas ou beaucoup trop lentement, selon elles.
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Tolérance zéro
En France, le gouvernement ne veut pas rester les bras croisés. Le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux a annoncé une réunion ces prochains jours pour apporter "une réponse globale et ferme" au problème.
En Suisse, le dossier est bien plus complexe, car chaque canton mène sa propre politique hospitalière.
Le Département vaudois de la santé indique à la RTS qu'il n'a pas eu connaissance, pour l'instant, de nouvelles revendications dans le sillage de ce mouvement #MeToo Hôpital.
Le CHUV et les HUG rappellent tous deux que les Directions générales vaudoises et genevoises prônent la tolérance zéro à l'égard de ce type de comportements.
Sophie Iselin/ami