Le non à l'élargissement des autoroutes se place en tête, selon le deuxième sondage SSR
Les quatre objets soumis au peuple dans dix jours font face à des vents contraires, montre mercredi le deuxième sondage de l'institut gfs.bern réalisé pour le compte de la SSR. Pour deux d'entre eux, le non s'est renforcé au point de prendre l'ascendant. C'est le cas pour les projets d'extension des routes nationales (51% de non, +6 points par rapport à la première enquête publiée à la mi-octobre) ainsi que pour l'assouplissement des conditions de résiliation du bail par le propriétaire (53% de non, +7 points).
L'autre révision du droit du bail – celle qui concerne le durcissement des conditions de sous-location – est elle aussi menacée. Elle n'est plus soutenue que par un Suisse sur deux (-9 points par rapport au sondage publié à la mi-octobre). Avec 54% de oui contre 37% de non, le financement uniforme des prestations de santé ambulatoires et stationnaires (EFAS), quant à lui, bénéficie toujours d'une avance confortable. Une large part de l'électorat reste indécise face à cette réforme vaste et complexe.
>> Voir aussi les résultats du premier sondage : L'élargissement des autoroutes séduit une courte majorité de la population, selon le premier sondage SSR
Le développement des routes nationales à la peine
Sans surprise, l'élargissement des autoroutes donne lieu à un affrontement entre le PLR et l'UDC, traditionnellement favorables au développement du trafic routier, et le camp rose-vert, qui privilégie les transports publics. Entre ces deux pôles, la majorité des sympathisants vert'libéraux virent du côté gauche, tandis que les électeurs du Centre mettent plus souvent le clignotant à droite. L'opposition à l'extension des routes nationales convainc plus de la moitié des indépendants.
Fait notable, le non gagne du terrain dans l'électorat de tous les partis, y compris chez les plus farouches partisans de la voiture: +7 points pour le non au sein du PLR et +5 points chez les proches de l'UDC. Cette évolution négative est exceptionnelle pour un projet issu des autorités, relève gfs.bern. L'étape d'aménagement 2023 des routes nationales – qui prévoit l'élargissement de six tronçons autoroutiers, dont l'axe Nyon (VD)-Le Vengeron (GE) en Suisse romande – est en effet soutenue par le Parlement et le Conseil fédéral.
Destinés à fluidifier le trafic et à réduire les embouteillages, ces projets sont devisés à 4,9 milliards de francs, financés par le fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération. Les Romands ne semblent pas convaincus, une majorité d'entre eux ayant l'intention de voter non (55%, +11 points), selon le sondage. La moitié des électeurs alémaniques y sont aussi opposés (+4 points), tandis que les Tessinois ne soutiennent plus cet objet que du bout des lèvres (50% de oui, -7 points).
>> Pour en savoir plus : Faut-il élargir le réseau autoroutier suisse? La population tranchera
Le non gagne les villes mais aussi les campagnes
Composé d'une large alliance d'organisations environnementales soutenues par la gauche, le comité référendaire dénonce un projet démesuré, trop coûteux, inefficace et incompatible avec les objectifs climatiques de la Suisse. Ces arguments font mouche auprès de l'électorat féminin, qui favorise le non à 60% (+8 points). Le message passe moins bien chez les hommes, qui, malgré un fléchissement, restent nettement plus nombreux à soutenir l'élargissement des autoroutes qu'à s'y opposer (56% de oui, 43% de non).
Le non a gagné le coeur des habitants des zones rurales (52% de non, +12 points) comme celui des citadins (54% de non, +5 points). Il n'y a plus aujourd'hui que les zones intermédiaires, entre villes et campagnes, pour défendre le développement autoroutier (56% de oui, stable). A l'inverse de la tendance générale, une courte majorité des seniors se prononcent désormais en faveur de l'objet (51% de oui), mais cette évolution est contrebalancée par la forte poussée du rejet dans les autres classes d'âge.
Pour gfs.bern, l'issue du scrutin reste très incertaine, même si la tendance actuelle de l'opinion penche plutôt vers un rejet de l'objet. Pour renverser la vapeur, il faudrait une forte mobilisation de l'électorat de centre-droite, des hommes et des territoires intermédiaires, note l'institut de recherche. Or, pour l'heure, c'est plutôt la gauche qui semble réussir à motiver ses troupes.
Des fronts de plus en plus polarisés sur le droit du bail
Au fil de la campagne, les fronts se sont durcis en ce qui concerne les deux révisions du droit de bail, combattues par les défenseurs des locataires. Les sympathisants de gauche sont aujourd'hui très fermement opposés aux deux projets. Ils sont rejoints par les électeurs du Parti vert'libéral. De l'autre côté de l'échiquier politique, les partisans du PLR et, dans une moindre mesure, ceux de l'UDC ont accentué leur soutien aux deux réformes. L'électorat du Centre continue, lui, d'appuyer les deux objets, même si la part du oui recule de manière significative.
>> Le détail des deux révisions du droit du bail : Faut-il donner un coup de pouce aux propriétaires en matière de bail?
Des deux révisions du droit du bail, le durcissement des conditions de sous-location est le projet qui a le plus de chance de l'emporter devant le peuple le 24 novembre. Malgré de nets reflux, le oui est toujours bien ancré en Suisse alémanique (52%, -7 points) et au Tessin (57%, -12 points). En Suisse romande, en revanche, le renversement de tendance est extrêmement marqué: les opposants sont crédités de 53% des intentions de vote, en hausse de 22 points par rapport au premier sondage.
Le soutien à la réforme de la sous-location bat de l'aile dans toutes les classes d'âge. Si le oui reste en tête chez les personnes de 40 à 64 ans et chez les seniors, la majorité des plus jeunes se prononcent désormais contre le projet. Il en va de même des citadines et citadins, qui sont plus de la moitié à rejeter la proposition du Parlement (53% de non, +17 points). Cependant, dans les campagnes et les zones intermédiaires, près de six personnes sur dix sont toujours favorables au projet.
Plus contesté, l'assouplissement des conditions de résiliation pour besoin propre est pour l'heure rejeté par une majorité des personnes interrogées. Sur cet objet, la fronde a conquis la Suisse romande (59% de non, +12 points) et s'est même propagée en terres alémaniques (52% de non, +6). Seule la Suisse italienne résiste encore aux arguments des défenseurs des locataires, qui craignent un affaiblissement de la protection contre les résiliations abusives. Mais l'avance du oui y a aussi fondu (51% de oui, -9 points).
Près de deux tiers des jeunes citoyennes et citoyens se disent opposés à la réforme proposée par le Parlement. Dans les autres classes d'âge, le oui et le non sont au coude-à-coude, aucun n'obtenant une majorité. Encore une fois, ce sont les habitants des villes qui forment le gros des troupes des opposants (58% de non, +6 points), tandis que dans les régions rurales et les zones intermédiaires, les intentions de vote favorables au projet, en recul, dépassent péniblement les 50%.
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EFAS: l'électorat de droite et du centre soutient la réforme
Il a fallu quatorze ans au Parlement pour s'accorder sur le financement uniforme des prestations (EFAS), une réforme complexe du système de santé censée réduire les mauvaises incitations et donc limiter la hausse des coûts, tout en améliorant la qualité des soins. Craignant au contraire une augmentation des coûts, une baisse de la qualité des soins ainsi qu'un pouvoir accru donné aux assureurs, les syndicats ont attaqué ce projet par référendum, soutenus par le PS et une partie des Verts.
Même si ces derniers ont réussi à gagner quelques points durant la campagne, la bataille des arguments tourne à l'avantage des partisans de la réforme. L'électorat traditionnel de la droite et du centre est très majoritairement convaincu par le projet, tandis que les socialistes ne réussissent pas à faire le plein. Les Verts, pour leur part, ont laissé la liberté de vote à leurs sympathisants, ce qui se ressent dans les intentions de vote (41% de oui, 46% de non). A noter que les indécis sont encore fort nombreux, surtout à gauche.
>> Pour en savoir plus : Le peuple fera-t-il confiance au financement uniforme des soins?
Les critiques portent davantage chez les Romands et les femmes
Dans les régions germanophones et italophones du pays, près de six personnes interrogées sur dix se déclarent en faveur du projet EFAS, en légère baisse par rapport au premier sondage. Côté francophone, la tendance en défaveur de la réforme est plus marquée, le oui passant de 47% à 38%. Pourtant, aucun camp ne réussit à prendre clairement le dessus en Suisse romande, puisque le non ne rassemble "que" 44% (+15 points). Près d'un Romand sur cinq est d'ailleurs toujours indécis.
Le fossé entre les genres s'est creusé au fil de la campagne. Alors que l'écart était faible il y a un mois, les femmes (47% de oui et 42% de non) sont devenues nettement plus critiques envers le projet EFAS que les hommes (60% de oui et 32% de non), sans toutefois renverser les équilibres. Du reste, le non ne dépasse la majorité dans aucun des sous-groupes étudiés par gfs.bern (hors affiliations partisanes), hormis celui des personnes faisant preuve de méfiance envers le gouvernement (50% de non, +15 points).
Didier Kottelat
Méthode
Deuxième session de l’enquête Trend SRG-SSR sur les votations du 24 novembre 2024, réalisée par l’Institut de recherche gfs.bern entre le 28 octobre et le 7 novembre 2024 auprès de 10'358 titulaires du droit de vote. La plage d’erreur statistique est de +/- 2,8 points de pourcentage.