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Le Parlement veut expulser les requérants érythréens déboutés vers un pays tiers

La Suisse devrait conclure un accord de transit avec un pays tiers pour y expulser les requérants d'asile érythréens déboutés
La Suisse devrait conclure un accord de transit avec un pays tiers pour y expulser les requérants d'asile érythréens déboutés / 19h30 / 1 min. / le 10 juin 2024
Le Parlement souhaite qu'un accord de transit soit conclu avec un pays tiers pour pouvoir y expulser les requérants d'asile érythréens déboutés. Après le Conseil des Etats, le National a soutenu lundi une motion PLR en ce sens par 120 voix contre 75.

Actuellement et depuis des années, les requérants d'asile érythréens déboutés ne peuvent pas faire l'objet de renvois forcés, les autorités érythréennes refusant les rapatriements sous contrainte de leurs ressortissants.

Cette situation est jugée "inadmissible" et tend à décrédibiliser le système d'asile suisse, selon le conseiller national Christian Wasserfallen (PLR/BE), qui s'est exprimé au nom de la commission. Il estime qu'il faut tout mettre en œuvre afin que la situation, à défaut d'être complètement débloquée, puisse au moins "évoluer dans la bonne direction".

La motion de la sénatrice Petra Gössi (PLR/SZ) demande que la Suisse conclue un accord de transit avec un pays tiers pour y envoyer de force temporairement les requérants d'asile érythréens déboutés. Le Conseil fédéral est donc chargé d'identifier un pays tiers qui serait disposé à conclure un tel accord, comme la Suisse a tenté de le faire avec le Sénégal en 2002.

>> Relire au sujet de cette motion : Une commission demande un accord avec un pays tiers pour expulser des requérants érythréens déboutés

La motion ne mentionne aucun pays, même si des Etats comme le Rwanda (accord avec la Grande-Bretagne) et l'Albanie (avec l'Italie) sont régulièrement cités dans ce débat. Le texte ne vise pas à délocaliser la procédure d'asile, qui se déroulerait entièrement en Suisse, a précisé Christian Wasserfallen. Seuls seraient concernés les ressortissants érythréens dont la demande d'asile a été rejetée, a-t-il assuré.

Une mesure sans effet

La gauche et quelques élus du Centre se sont opposés sans succès à la motion. Ils ont critiqué une proposition inefficace: l'Erythrée n'acceptant pas le renvoi forcé de ses ressortissantes et ressortissants, le recours à un Etat tiers n'y changera rien, ont-ils appuyé.

Les coûts seront élevés, a aussi fait valoir Marc Jost (PEV/BE). La Suisse devra payer les expulsions vers ce pays tiers.

Le Conseil fédéral a déroulé le même argumentaire: dans le cas d'un accord de transit, il est probable que la représentation érythréenne dans le pays tiers refuserait la demande de document d'identité, a prévenu le conseiller fédéral Beat Jans. Les requérants érythréens expulsés devraient par conséquent être réadmis en Suisse.

Des ONG dénoncent la décision

Le nombre de ressortissants érythréens forcés de quitter la Suisse a légèrement diminué (278 à fin décembre 2023). Le nombre de demandes d'asile primaires recule, lui, depuis plusieurs années (8542 en 2015, contre 426 en 2022).

Ces arguments n'ont pas fait le poids face à la volonté de la droite. Une motion similaire du Conseil des Etats, qui visait une expulsion vers un pays tiers sans accord de transit, avait échoué de peu au National l'an dernier.

Les ONG actives dans le domaine de la migration, comme Migrant Solidarity Network et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), ont dénoncé dans des communiqués une décision "inhumaine" et "disproportionnée", au vu du nombre de personnes concernées et des conditions que ces expulsions entraîneraient, "dans un pays où les personnes n'ont jamais vécu auparavant, ne parlent pas la langue et ne connaissent personne".

ats/iar

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