Le rapprochement entre Chine, Russie et Iran préoccupe le Service de renseignement de la Confédération
"Mus par une volonté de restreindre l'influence des Etats-Unis, la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord luttent contre les conceptions occidentales de l'ordre mondial", écrit le Service de renseignement de la Confédération (SRC) dans son rapport "La Sécurité de la Suisse 2024", publié mardi.
Et de noter que le monde se trouve dans une "période de transition dangereuse et instable" qui conduira à un réagencement des relations de pouvoir. Cette lutte de pouvoir au niveau mondial de même que la guerre contre l'Ukraine ont aggravé la menace hybride, y compris pour la Suisse.
La Russie est la principale inquiétude
La Confédération se trouve notamment exposée aux activités d'influence russes mais aussi aux tentatives de Moscou de contourner les sanctions par le biais d'entreprises privées dans des Etats tiers. Le contrôle suisse des exportations de biens à double usage soumis à autorisation constitue ainsi un défi de taille, note le SRC.
Les services de renseignements russes constituent aussi la principale menace pour la Suisse en matière d'espionnage, un domaine où la menace reste élevée. Les espions chinois représentent également un risque.
Bon nombre de services de renseignement du monde entier possèdent des antennes clandestines en Suisse, qui sont exploitées au sein des représentations diplomatiques, précise le SRC.
La menace terroriste en hausse
Le service dirigé par Christian Dussey relève également que la menace terroriste en Suisse reste élevée et s'est même accentuée en 2024. Depuis le début de l'année, le SRC enregistre une dynamique qui va en s'intensifiant parmi les acteurs djihadistes au niveau international.
En Suisse, la menace est surtout le fait d'individus isolés, inspirés par le djihadisme. Dans ce domaine, le SRC constate une augmentation de la radicalisation de mineurs, qui intervient en ligne en peu de temps. Elle peut conduire à la réalisation d'un attentat terroriste.
Les réseaux sociaux étant facilement accessibles aux mineurs, Tiktok, Instagram et Telegram ainsi que les prédicateurs d'obédience salafiste actifs en ligne jouent un rôle central dans le processus de radicalisation, explique le SRC.
Selon Christian Dussey, il s'agit de profils difficiles à détecter, comme il l'explique au micro de Forum. "On a procédé cette année à onze arrestations de mineurs, ce qui est considérable." Pour en arriver là, il a fallu une coopération entre beaucoup d'acteurs, "que ça soit dans les écoles, les services sociaux ou les organisations sportives." Avant d'ajouter: "Et dans cette perspective, le service de renseignement est la dernière ligne de défense."
Christian Dussey pointe également la quantité et la qualité des instruments technologiques utilisés par les criminels. C'est un défi compliqué selon lui tant les malfaiteurs ont toujours une longueur d’avance. "Si je prends des hackers, des terroristes ou des services d'espionnage de pays autoritaires, il n'y a pas de limites légales comme il y a chez nous. Et cette capacité à intégrer dans leurs opérations ce développement technologique est beaucoup plus rapide que la nôtre. L'écart devient toujours plus important et il faudra prendre cela en considération sérieusement."
La menace issue de l'extrémisme violent de droite et de gauche s'est quant à elle stabilisée à un niveau élevé en Suisse. Les intérêts juifs et israéliens restent exposés.
Le personnel du SRC insuffisant?
Le personnel du SRC a augmenté de 100 postes entre 2019 et 2023. Mais Christian Dussey a plaidé une nouvelle fois pour un renforcement de son service qui le plus petit en Europe et dont la taille est légèrement inférieure à celle de la police de Lausanne.
"Nous avons un tout petit service par rapport à l'ampleur des tâches auxquelles il doit faire face", abonde dans ce sens dans Forum le conseiller national UDC Jean-Luc Addor, membre de la commission de politique de sécurité. "Depuis des années, ce service est sous-doté", poursuit le Valaisan. Sans compter que ce service est en pleine transformation. "Il est donc important de savoir exactement à quoi le personnel supplémentaire pourrait être engagé."
Fait rare, le conseiller national vert Fabien Fivaz, également membre de la commission de politique de sécurité, se dit d'accord avec son collègue UDC. "Le problème est que le service a démontré son incapacité ces dernières années à gérer ces moyens supplémentaires. Il a été épinglé à plusieurs reprises par les autorités de surveillance. Là où je rejoins mon collègue, c'est que si nous voulons augmenter autant le personnel que la dotation de ce service, il doit nous prouver que ces moyens vont véritablement servir à la sécurité."
Mais si le Neuchâtelois plaide pour une augmentation des effectifs, il insiste sur le fait que le budget et les postes doivent être pris ailleurs: au Département de la défense. "Il s'agit d'un département qui n'est aujourd'hui pas du tout ou presque pas du tout touché par les mesures d'économies de la Confédération, alors que l'ensemble des autres services le sont", souligne Fabien Fivaz.
Et sur ce point, les deux conseillers nationaux ne s'accordent pas. Car pour Jean-Luc Addor, "il est malsain d'opposer le service de renseignement à l'armée". "Nous avons besoin des deux", plaide-t-il, soulignant que c'est une stratégie traditionnelle de la gauche d'essayer d'affaiblir l'armée.
ats/ther
Des cyberattaques motivées par l'appât du gain
Le SRC estime enfin qu'il est "extrêmement improbable" que des acteurs étatiques visent la Suisse en lançant des cyberattaques directes contre des infrastructures critiques.
Dans le domaine cyber, les acteurs criminels motivés par appât du gain représentent la menace la plus concrète.