Le rejet des extensions autoroutières relance le débat sur les priorités en matière de mobilité
Si les opposants aux six projets d'extension d'autoroutes ne se sont pas gênés pour laisser exploser leur joie ce dimanche, l'heure était à l'introspection dans l'autre camp.
Le refus de la population d'élargir les autoroutes, projet évalué à 5 milliards de francs, laisse Forta (voir encadré) avec des fonds inutilisés et ouvre la voie à de nouvelles discussions. A la fin de l’année dernière, ce fonds était doté de 3,67 milliards de francs et il devrait donc encore augmenter.
La Suisse politique ne manque pas d’idées. Les partis politiques, déjà en désaccord, oscillent entre des investissements renforcés dans les infrastructures routières, une réorientation vers des objectifs plus écologiques, ou même vers un remboursement à ceux qui ont alimenté ce fonds, soit les automobilistes.
"Manque de concertation"
Pour la conseillère d'Etat vaudoise en charge des transports Nuria Gorrite, il est surtout temps de se poser des questions sur les raisons de ce refus, comme elle l'explique au micro du 19h30. "Il y a des pistes pour redistribuer cet argent, mais on doit d’abord écouter les aspirations de nos populations. Ce qui ressort de ce refus, c’est un manque de concertation. Ce projet est perçu comme imposé d’en haut, sans réel dialogue."
Elle salue le fait qu'il existe en Suisse deux fonds - un pour le rail et l'autre pour les routes nationales, ainsi que le trafic d'agglomération -, créés pour "apaiser les conflits entre ces deux modes de transport". Mais les attentes ont évolué depuis leur mise en place il y a une dizaine d'années. "Aujourd’hui, tracer des traits sur une carte sans concertation et sans vérifier que cela répond aux besoins réels de la population ne fonctionne plus", insiste-t-elle.
Utiliser les bandes d'arrêt d'urgence
Selon elle, élargir les autoroutes existantes, comme à Morges, avec la bande d’arrêt d’urgence, pourrait se révéler un bon compromis. "Le projet rejeté n’apportait pas de solutions immédiates, et les gens attendent des réponses concrètes à leurs besoins de mobilité. L’élargissement ponctuel ou l’utilisation de la bande d’arrêt d’urgence en cas de surcharge sont des projets intelligents qui méritent réflexion."
Avant de conclure: "Je propose de réfléchir à une nouvelle alliance, un pacte autour des mobilités et de l’accessibilité. Il faut concentrer nos efforts sur les points les plus problématiques, notamment aux entrées et sorties des grandes agglomérations, là où les engorgements sont les plus critiques".
Sujets radio: Etienne Kocher/Coraline Pauchard/Valentin Emery
Sujet TV: Thierry Clémence/Philippe Revaz
Adaptation web: Fabien Grenon
Forta reçoit environ 2,7 milliards de francs chaque année
Créé en 2017 à la suite d’un vote populaire, le fonds routier Forta, sorte de tirelire fédérale, est inscrit dans la Constitution et finance les infrastructures routières suisses. Alimenté de différentes manières par les usagers, il joue un rôle crucial dans l’entretien des routes, le développement des projets d’agglomération et les aménagements autoroutiers.
Chaque année, Forta reçoit environ 2,7 milliards de francs. Ces recettes proviennent principalement des taxes et impôts sur les carburants, qui représentent plusieurs dizaines de centimes par litre d'essence ou de diesel, mais aussi de la vignette autoroutière et de l’impôt sur les véhicules.
En parallèle, chaque année, de l'argent issu de ce fonds est dépensé. L'an dernier, 2,9 milliards en sont sortis. Une grande partie est dédiée à l’exploitation et à l’entretien courant des autoroutes, comme la sécurité et le déneigement. Une autre portion est allouée au soutien des projets d’agglomération, tels que le prolongement des trams genevois vers Annemasse ou Ferney-Voltaire. Enfin, le reste sert à financer les programmes d’aménagements autoroutiers soumis tous les quatre ans au peuple suisse.
Le Conseil fédéral pourrait choisir d’accélérer des projets déjà planifiés, ou de laisser les réserves croître. D'autres réactions seraient possibles, il y a de la flexibilité du côté des dépenses. Par contre, pour baisser les recettes, il faudrait que le Parlement change la loi, voire même la Constitution. Ce qui amènerait un vote du peuple.