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Le soutien à la 13e rente AVS recule mais reste majoritaire, selon le deuxième sondage SSR

Le sort de l'initiative pour une 13e rente AVS s'annonce très serré, selon un sondage SSR (vidéo)
Le sort de l'initiative pour une 13e rente AVS s'annonce très serré, selon un sondage SSR (vidéo) / La Matinale / 6 min. / le 21 février 2024
L'initiative pour une 13e rente AVS perd du terrain dans l'opinion, mais elle continue d'être soutenue par plus de la moitié de la population, montre le deuxième sondage SSR publié mercredi. Plombée par plus de 60% d'avis défavorables, l'initiative sur la retraite à 66 ans devrait quant à elle être rejetée le 3 mars.

La Suisse va-t-elle accorder une 13e rente de vieillesse à ses 2,5 millions de retraités? Le suspense promet d'être total le 3 mars prochain. Une dizaine de jours avant le vote, les partisans de l'initiative "Mieux vivre à la retraite" restent majoritaires, selon le deuxième sondage de l'institut gfs.bern pour le compte de la SSR. L'écart avec les opposants a toutefois rétréci depuis la première enquête et n'est plus que de 10 points (53% de oui contre 43% de non).

Le sort semble scellé, en revanche, pour l'initiative "Pour une prévoyance vieillesse sûre et pérenne". Le texte des Jeunes libéraux-radicaux, qui demande de relever l'âge de la retraite à 66 ans d'ici 2033 et de l'indexer sur l'espérance de vie, n'est plus soutenu que par 35% des Suissesses et des Suisses, soit une baisse de six points depuis le mois passé. A l'inverse, le camp du non s'est étoffé et représente désormais près de deux tiers de la population (+10 points).

13e rente AVS: la gauche mobilisée face au réveil de la droite

La campagne extrêmement active des opposants à la 13e rente AVS - qui regroupent le Conseil fédéral, l'ensemble des formations de droite et du centre ainsi que les milieux économiques - semble porter ses fruits. La majorité des électeurs de tous les partis de droite et du centre sont aujourd'hui opposés à l'initiative. Lors du premier sondage, plus de la moitié des sympathisants de l'UDC et du Centre soutenaient encore l'idée d'accorder un supplément de rente aux personnes à la retraite.

Du côté de l'UDC, le rejet du texte reste toutefois timide (51% de non contre 46% de oui). Les particularités socio-démographiques de son électorat - une moyenne d'âge élevée et un niveau d'éducation généralement plus bas que dans les autres partis - expliquent en grande partie l'attrait de la 13e rente. Signe de cette tension entre la base et les instances dirigeantes: la section genevoise de l'UDC a pris fait et cause pour le oui, tandis que l'UDC du Valais romand laisse la liberté de vote.

Pas d'ambivalence à gauche, en revanche. Les électrices et électeurs traditionnels du PS (83% de oui) et des Verts (72% de oui) font bloc derrière la proposition des syndicats. Une très large majorité de l'électorat indépendant, qui ne se retrouve dans le programme d'aucun des grands partis, reste lui aussi favorable au versement d'une 13e rente de vieillesse. Cependant, dans ce groupe, la ferveur autour du texte s'est quelque peu amenuisée depuis la première enquête (70% de oui, - 12 points).

Vers un fossé générationnel, économique et interrégional

Même si les deux camps s'en défendent, le débat sur la 13e rente de vieillesse est parfois présenté comme un combat entre les générations: celle des personnes actives, qui financent en grande partie l'AVS, contre celle des retraités, qui ont cotisé toute leur vie et bénéficient aujourd'hui de leur pension. Moins convaincus par le projet, les plus jeunes ont désormais basculé majoritairement dans le camp du non. Six retraités sur dix ainsi que plus de la moitié des actifs de 40 à 64 ans continuent, eux, de soutenir l'initiative.

La question générationnelle n'est pas la seule à jouer un rôle dans le vote. La question socio-économique semble tout aussi importante. Toutes les classes de revenu au-dessous de 9000 francs par mois plébiscitent la 13e rente, vue comme un coup de pouce financier aux retraités bienvenu voire nécessaire compte tenu de l'inflation. A l'inverse, la majorité des personnes issues des ménages les plus aisés rejettent l'initiative, elles qui comptent moins sur l'AVS pour assurer leurs vieux jours.

Enfin, le deuxième sondage SSR met aussi en évidence un troisième fossé, interrégional cette fois-ci. En Suisse romande (69% de oui) et au Tessin (79% de oui), les intentions de vote sont en effet très largement favorables à la 13e rente AVS. En Suisse alémanique, la situation est beaucoup plus serrée. Près de la moitié de la population (48%, -8 points) se dit convaincue par l'initiative, tandis que l'autre moitié (49%, +8 points) s'oppose à l'initiative.

La 13e rente va-t-elle échouer à la majorité des cantons?

Les cantons romands, le Tessin et la Suisse du nord-ouest sont bien placés pour accepter le texte, tandis que la tendance au non l'emporte dans une bonne partie de la Suisse alémanique, note gfs.bern. Restent cinq cantons "pivots" particulièrement indécis (SH, GL, LU, GR et ZH), soulignent les auteurs de l'étude, qui fondent leur analyse sur les résultats du sondage et les données de précédents scrutins.

Pour que l'initiative soit acceptée, en plus de la majorité du peuple, il faudrait qu'au moins deux de ces cinq cantons basculent dans le camp du oui, rappelle gfs.bern. La possibilité d'un rejet de l'initiative à la majorité des cantons n'est donc pas un scénario exclu. Voilà qui promet un dimanche de votations particulièrement haletant dans une dizaine de jours !

>> Lire aussi : Les principaux enjeux de la grande bataille pour ou contre la 13e rente AVS

L'électorat PLR seul contre tous sur la retraite à 66 ans

L'issue du deuxième objet soumis au peuple le 3 mars devrait créer moins d'émoi. L'initiative sur les rentes devrait en effet être largement repoussée par le peuple. Même dans le camp libéral-radical, le principe d'un relèvement de l'âge de la retraite tel que prôné par l'initiative ne fait pas recette. Malgré l'appui des organisations patronales et économiques, seule la moitié de l'électorat PLR soutient le texte lancé par la jeunesse du parti.

Le non à la retraite à 66 ans l'emporte chez les sympathisants de toutes les autres formations, y compris les indépendants. Le rejet de gauche, particulièrement marqué, n'est pas une surprise. C'est plutôt l'ampleur du non au sein de l'électorat du Centre et de l'UDC qui étonne. Les instances dirigeantes du premier parti de Suisse sont pourtant favorables à ce texte dont l'objectif est de garantir durablement les rentes face au vieillissement de la population.

Les seniors sur la même longueur d'onde que les jeunes

Symbole des difficultés de la campagne des initiants, aucune catégorie de la population ne défend majoritairement le relèvement de l'âge de la retraite. Au niveau des régions linguistiques, la Suisse alémanique est la plus acquise à l'idée, mais elle rejette néanmoins l'initiative à 60%. Les hommes se rangent plus souvent derrière le texte que les femmes, mais ils sont tout de même six sur dix à dire non. Même les retraités, pourtant favorables à l'initiative lors de la première enquête en janvier, ont aujourd'hui retourné leur veste.

>> Lire aussi : Idée impopulaire ou visionnaire? Les Suisses votent sur la retraite à 66 ans

>> L'analyse de Pierre Nebel :

Votations fédérales : soutien en baisse pour une 13e rente AVS. L’analyse de Pierre Nebel.
Votations fédérales : soutien en baisse pour une 13e rente AVS. L’analyse de Pierre Nebel. / 19h30 / 1 min. / le 21 février 2024

Didier Kottelat

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Méthode

Deuxième session de l’enquête Trend SRG-SSR sur les votations du 3 mars 2024, réalisée par l’Institut de recherche gfs.bern entre le 7 et le 14 février 2024 auprès de 19'105 titulaires du droit de vote. La plage d’erreur statistique est de +/- 2,8 points de pourcentage.