Léonore Porchet: "Cette réforme de la LPP est pensée par les assureurs, pour les assureurs"
La réforme proposée par le Parlement et soutenue par le Conseil fédéral vise à assurer les finances et les rentes de la prévoyance professionnelle pour les prochaines décennies. Pour cela, elle prévoit un abaissement du taux de conversion sur la part obligatoire du capital cotisé par les assurées et les assurés, qui aboutira à une baisse des rentes du 2e pilier une fois la retraite arrivée.
Le projet instaure plusieurs mesures de compensation, dont les principales sont censées permettre aux actifs et aux actives les plus précaires de cotiser davantage afin de limiter la baisse de leur rente future.
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Une réforme "mal équilibrée"
Invitée mardi dans La Matinale, la conseillère nationale écologiste Léonore Porchet a présenté les griefs de son camp politique contre cette réforme. Également vice-présidente du syndicat Travail.Suisse, la Vaudoise est farouchement opposée à ce projet qu'elle juge inégalitaire, inopportun et pensé avant tout dans l'intérêt des caisses de pension, et pas de la population.
"On n'a pas besoin en urgence d'une mauvaise réforme", fustige-t-elle. "Il y a 1400 caisses de pension en Suisse et, à ce jour, moins de 50 ont des problèmes financiers." Ainsi, selon elle, "tout le monde y perd et les compensations sont obscures et insuffisantes" (lire encadré).
On a un vrai problème de vision de solidarité, du soin de nos aînés pour qu'ils vivent dans la dignité
Pour comprendre le rejet catégorique des mesures compensatoires proposées, y compris celles auxquelles la gauche serait plutôt favorable, la Vaudoise évoque l'histoire de la réforme. "C'est d'abord le Conseil fédéral qui a demandé aux partenaires sociaux d'abaisser le taux de conversion, avec le mandat très clair de ne pas baisser les rentes. Il y a alors eu un marathon de négociations et je peux vous dire que ce n'était pas facile", raconte-t-elle.
"On est arrivés à un compromis qui permettait de baisser le taux de conversion tout en introduisant un système de solidarité qui permettait de garantir qu'il n'y aurait pas de perte de rentes, en particulier pour les petites rentes et la classe moyenne", poursuit-elle. "Ce projet a été proposé par les patrons, les syndicats et le Conseil fédéral et il a même été adopté en première lecture en commission parlementaire. Et puis, tout à coup, on n'en a plus voulu et c'est un projet fait par les assureurs, pour les assureurs qui sort et qui est proposé à la population."
La LPP n'est pas une loi naturelle, c'est une vieille loi pensée pour une carrière linéaire: 40 ans chez le même employeur, et madame reste à la maison
Cet historique lui permet aussi de balayer l'argument selon lequel cela prendrait trop de temps de ficeler un nouveau projet en cas de "non" le 22 septembre. "Ce compromis existe toujours, il est tout à fait possible d'y revenir!"
Interpellée sur le fait qu'un système de solidarité s'opposerait au principe de capitalisation individuelle du 2e pilier, Léonore Porchet rappelle que la LPP n'est pas une loi naturelle. "C'est une vieille loi pensée pour une carrière linéaire: 40 ans chez le même employeur et madame reste à la maison. C'est ça, la pensée de base de la LPP. Et elle peut être pensée autrement."
Miser plutôt sur l'AVS
En tant que membre des Vert-e-s, syndicaliste mais aussi militante féministe, la Vaudoise de 35 ans défend plutôt une refonte complète du système de retraite avec un renforcement du 1er pilier. "Il faut rappeler que ce système des trois piliers rapporte des milliards aux assureurs. Depuis que la LPP a été créée, elle leur rapporte 1400 francs par année par assuré en frais de gestion, alors qu'on est à 25 francs pour l'AVS. Évidemment qu'ils ne veulent pas perdre cet argent et que nous, on préférerait que la l'AVS soit renforcée."
Elle dénonce enfin la droite du Parlement "si prompte à augmenter les cotisations de tout le monde avec la LPP" mais qui trouve en revanche "insupportable de les augmenter un tout petit peu" pour financer la 13e rente AVS, privilégiant une hausse de la TVA "qui pénalise tout le monde".
"On a un vrai problème de vision de solidarité, du soin de nos aînés pour qu'ils vivent dans la dignité, de reconnaître le travail des carrières, et de soutien des petits salaires et de la classe moyenne dans ce pays", conclut-elle.
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Propos recueillis par Pietro Bugnon
Texte web: Pierrik Jordan
Des mesures de compensations insuffisantes
Pour Léonore Porchet, les problèmes des mesures compensatoires proposées par le texte résident dans le rapport coûts/bénéfices. "Avec ce projet, on nous propose de cotiser plus pour des rentes moins bonnes", résume-t-elle.
Concernant l'augmentation de la part de salaire assurée par l'adaptation de la déduction de coordination, la Vaudoise souligne que cela mènera certaines personnes à payer "trois ou quatre fois plus de cotisations sociales", donc voir leur salaire réel diminuer durant leur carrière tandis que leurs rentes pourraient rester parfois inférieures à 1000 francs. "Je ne vois pas où cette réforme avantage les bas revenus (...) au final, on aura une baisse de niveau de vie pendant le travail et à la retraite.
Quant à l'abaissement du niveau minimal de salaire pour cotiser (de 22'050 à 19'845 francs par an) et la suppression de deux paliers d'âge pour rééquilibrer les cotisations et réduire le coût du travail des seniors pour les entreprises, Léonore Porchet estime que ce sont de bonnes mesures. "Mais on n'a pas besoin de baisser les rentes de tout le monde."
Enfin, si la réforme ne porte que sur le minimum obligatoire et ne concerne donc directement qu'une petite partie - environ 15% à 30% - des travailleurs et des travailleuses, le taux de conversion de base entre dans le calcul des autres prestations minimales de toutes les caisses. Un abaissement de ce taux pourrait donc toucher plus largement les assurances minimales de la population suisse.
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