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Les comparateurs d'assurance-maladie en ligne manquent de fiabilité

Hausse des primes des caisses maladie. [Depositphotos - pogonici]
Les sites privés de comparaison de caisse-maladie sont souvent peu transparents et peu fiables / La Matinale / 4 min. / le 19 novembre 2024
Les comparateurs en ligne d'assurance-maladie proposés par des sites privés sont largement mis en avant sur les moteurs de recherche, comme Google. Ces classements sont toutefois peu transparents et ne montrent pas automatiquement l'intégralité des offres existantes. Il est donc nécessaire de creuser pour trouver la meilleure offre.

Une fois le comparateur trouvé, il est nécessaire d'activer une option très discrète pour effectuer une comparaison complète, souvent au travers d’un menu déroulant ou de paramètres avancés. Le modèle standard, qui apparaît automatiquement,  affiche seulement les assurances qui ont accepté d'y figurer. Ce manque de transparence peut bien souvent dissimuler une offre avantageuse pour l'assuré.

Sur Comparis.ch — l'un des plus grands sites du genre —, seules une douzaine d’assurances sont mises en avant dans le classement de base, soit par de la publicité directe, soit par un lien qui permet directement de demander une offre.

Intérêt commercial

Pour Felix Schneuwly, spécialiste du domaine chez Comparis, il ne s'agit pas d'une tromperie pour les internautes. "On a toujours fait comme ça et les gens sont habitués. Ils savent ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas sur le site", développe-t-il dans La Matinale de mardi. Il ajoute que les internautes choisissent ce comparateur pour trouver facilement et rapidement une offre.

En réalité, la plupart des comparateurs privés sont aussi des sites de courtage et touchent des commissions pour tout nouveau contrat passé via leur site.

Comparis aurait ainsi réalisé ces dernières années des chiffres d'affaires annuels autour de la LAMAL compris entre 6 et 10 millions de francs.

Volonté de certains assureurs

Certaines assurances préfèrent renoncer à cette exposition sur les comparateurs, ce qui peut paraître contradictoire avec la logique de concurrence. L'une de leur motivation peut être d’éviter une croissance trop rapide de leur nombre d’assurés dans la LAMAL. Plusieurs petites caisses boudent depuis longtemps la mise en avant proposée par les comparateurs privés.

Concordia, la caisse qui a enregistré le plus grand nombre de nouveaux assurés LAMAL l’an dernier selon Comparis, y a aussi partiellement renoncé. Ses offres étaient mises en avant sur Comparis de 2021 à 2023, mais l’assureur a décidé d'y renoncer en 2024.

Concordia se dit "très attentive à la croissance de sa clientèle" et explique ce choix par trois raisons de fond: le maintien de sa bonne santé financière, le risque de surcharge de son service-client et le gain suffisant de nouveaux assurés grâce à ses propres services commerciaux.

Risques encourus

Concordia est en revanche bien mise en avant dans la version de base d’autres comparateurs, comme Bonus.ch. Avec des offres pour tous les cantons romands, sauf Fribourg. Concordia dit avoir "renoncé à cette mise en ligne supplémentaire" en raison de la très grande demande dans ce canton.

Entre marketing et discrétion, la marge de manœuvre des assureurs est importante. L'Office fédéral de la santé publique indique (OFSP) que la gestion de la publicité est l'une des seules mesures qui permettent à une caisse d'influer sur son effectif d'assurés. Toujours selon l’OFSP, "un mouvement de changement trop important peut parfois représenter un risque, en particulier pour les petits assureurs".

Selon Christophe Kaempf, porte-parole de la faîtière des caisses maladie Santé Suisse, "chaque caisse a normalement un intérêt à croître, mais une croissance trop élevée peut comporter des risques".

Ce fut par exemple le cas "de KPT qui avait eu une très très forte augmentation de plusieurs centaines de milliers d'assurés qui étaient arrivés d'une année sur l'autre", illustre-t-il. "Ses concurrents l'avaient soutenue en lui prêtant du personnel pour pouvoir absorber cette masse de nouveaux assurés."

Changements coûteux

Selon le cabinet d'audit Deloitte, en moyenne, environ 8% des assurés ont changé d'assurance maladie obligatoire chaque année entre 2013 et 2024.

Ces transferts engendrent aussi des coûts: 139 millions de francs identifiables en 2023, selon l'OFSP, dont plus de la moitié pour de la publicité et 46,5 millions de francs pour des commissions versées à des tiers (y compris des comparateurs).

Le comparateur de la RTS en partenariat avec la FRC ainsi que le site Priminfo.ch proposent un comparateur exhaustif et transparent.

Une caisse maladie, qu'elle le veuille ou non, n'a pas le droit de refuser une demande d'adhésion pour l’assurance obligatoire. Les changements pour l’année prochaine restent possibles jusqu’à la fin du mois de novembre 2024.

Julien Bangerter/juma

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