Les crues en Valais font enfler le débat sur la révision de la troisième correction du Rhône
Le conseiller d'Etat Franz Ruppen (UDC), chef du Département de la mobilité, du territoire et de l'environnement, a annoncé fin mai la révision du projet de troisième correction du Rhône. Selon une analyse lancée en 2022, le projet actuel est "disproportionné". L'idée est notamment de minimiser l'impact sur les terres agricoles en limitant les élargissements du cours d'eau.
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Lundi, le Walliser Bote juge que la remise en question de la troisième correction du Rhône était une très mauvaise idée. Franz Ruppen déclarait encore la semaine dernière que les problèmes venaient surtout des affluents du Rhône et pas du fleuve lui-même. Ce week-end de crue lui a donné tort. Toute réévaluation de la troisième correction entraînerait des retards considérables et mettrait en péril les mesures de sécurité nécessaires de toute urgence, conclut l'éditorialiste du journal valaisan.
Le Conseil d'Etat reste ferme
Malgré les événements du week-end, le gouvernement valaisan est resté ferme sur sa position. Frédéric Favre (PLR) a ainsi assuré dimanche dans Forum que les événements ne remettaient pas en cause le nouvel objectif du canton, qui veut "aller à l'essentiel" et ne sacrifie pas la sécurité. Selon lui, le Conseil d'Etat a choisi une "approche globale" qui tient aussi compte des cours d'eau latéraux.
Invité lundi soir dans Forum, l'actuel président du gouvernement valaisan Franz Ruppen (UDC) n'a pas dit autre chose. Pour lui, le projet de 3e correction du Rhône n'est pas du tout abandonné et permettra de répondre aux futures crues du fleuve [lire encadré].
Les crues en Valais sont dues à un "cocktail de plusieurs phénomènes", soit une neige tardive qui fond très rapidement, ainsi que des terrains saturés d'eau depuis des mois, a pour sa part expliqué le chef des Dangers naturels de l'Etat du Valais Raphaël Mayoraz dans le 19h30 dimanche. De quoi, au final, causer un effet d'entonnoir, dans un relief pentu, avec des ruisseaux qui viennent rapidement grossir le Rhône, le faisant déborder loin en aval, jusqu'à Martigny.
Mais comme le Conseil d'Etat, Raphaël Mayoraz estime que ces crues ne remettent pas en cause la décision des autorités valaisannes de repenser la troisième correction des eaux du Rhône. Le nouveau projet, assure-t-il, permet bien de tenir compte des nouvelles conditions climatiques.
Des arguments malheureusement faux
Pour Jean-Pierre Jordan, hydrologue et expert en aménagement des cours d'eau, les arguments avancés par le Canton pour revoir le projet de troisième correction du Rhône ne sont toutefois pas recevables. "Ils sont faux. Ils sont malheureusement faux. Et la crue que l'on a observée dimanche démontre, si besoin était, qu'une partie de ses arguments sont mal fondés", a-t-il jugé lundi dans La Matinale.
Les limites de l'endiguement
Dans le 19h30 de dimanche, Jean-Pierre Jordan expliquait aussi que les digues du fleuve, qui ont débordé à plusieurs endroits, ont aussi leur revers.
"On a un Rhône qui est un peu suspendu dans la plaine, avec des hauteurs de digues qui peuvent atteindre trois à quatre mètres. Et lorsque le Rhône évacue les débits à plein bord, on a des hauteurs d’eau par rapport à la plaine qui sont très importantes". Avec donc un risque d'impacts également élevé en cas de débordement.
"C'est pourquoi parmi les solutions qui sont préconisées, mais qui sont contestées, il y aurait le fait d’élargir et de donner plus d'espace au Rhône afin d'abaisser ces lignes d'eau", développe l'hydrologue.
"Urgence" dans le Chablais vaudois
De son côté, le conseiller d'Etat vaudois en charge du dossier Vassilis Venizelos rappelle dans La Matinale de la RTS que l'on parle du "chantier fluvial du siècle" qui repose sur "20 ans d'études des bureaux d'experts", mais aussi "une validation par les gouvernements valaisans et vaudois en 2016".
Pour le conseiller d'Etat écologiste à la tête du Département de la sécurité et de l'environnement, "il y a urgence pour déployer certaines mesures (...), notamment dans le Chablais", où la zone industrielle d'Aigle (VD) a dû être évacuée à titre préventif. "Nous voulons que l'enquête publique puisse se dérouler cette fin d'année pour que les travaux puissent commencer le plus rapidement possible", indique Vassilis Venizelos.
"C'est la responsabilité des autorités de prévenir et d'anticiper ces risques. Cela signifie des investissements importants, des coûts importants, mais les coûts de l'inaction sont beaucoup plus importants, avance aussi l'élu écologiste.
Pour rappel, les cantons de Vaud et du Valais s'étaient entendus pour se coordonner dans le projet de troisième correction du Rhône. Mais la révision annoncée fin mai par les autorités valaisannes a rebattu les cartes.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Sujet TV: Olivier Dessibourg
Adaptation web: Caryl Bussy/vic/rad
Franz Ruppen: "On veut accélérer le projet de correction du Rhône"
Alors qu'il déclarait fin mai dernier dans Forum que le projet de 3e correction du Rhône était disproportionné en raison de ses coûts et de ses conséquences sur la plaine du Rhône, le conseiller d'Etat valaisan Franz Ruppen ne regrette pas sa position.
"Le gouvernement valaisan est d'avis que ces intempéries s'inscrivent dans la vision que l'on défend du projet. Il était [à l'origine] dimensionné sur des dégâts s'élevant à 11 milliards, alors que ceux actuellement causés par le Rhône ne se comptent qu'en quelques dizaines de millions", a-t-il minimisé. Et "contrairement à ce que disent certains médias, on ne veut pas stopper le projet, mais l'accélérer", défend-il, soulignant que "la priorité reste la sécurité, elle prime sur tout".
Selon lui, il s'agit de prendre en compte le contexte global pour réévaluer la correction à apporter au Rhône. "Il y a plusieurs intérêts dans ce projet et il faut trouver un compromis", a-t-il ajouté, évoquant une analyse à mener tronçon par tronçon.