Les demandes d'asile au plus haut depuis 2015, en premier lieu de personnes d'origine afghane

Depuis 2020, les chiffres de l’asile n'en finissent pas de grimper. En 2023, la Suisse a reçu 30'223 demandes d'asile, soit 5712 de plus qu'un an auparavant (+23%), selon les données du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) publiées jeudi. Du jamais vu depuis 2015, quand près de 40'000 demandes avaient été déposées. Et le SEM table sur une même fourchette pour l'année en cours.

La majorité des requêtes proviennent d'Afghans, de Turcs et d'Erythréens, mais les demandes venant de ressortissants algériens ou marocains sont en nette augmentation.

Changement de pratique en faveur des femmes afghanes

Les arrivées de personnes en provenance d'Afghanistan coïncident avec la reprise du pouvoir par les talibans, en août 2021. Sur environ 8000 requêtes, 151 étaient des demandes de regroupement familial, 341 concernaient des naissances et 1197 étaient des demandes multiples.

En outre, près de 1800 demandes émanaient de personnes qui séjournaient déjà en Suisse. Celles-ci ont déposé une nouvelle demande d'asile à la suite du changement de pratique en faveur des femmes afghanes.

Le défi des mineurs non accompagnés

"Les pays de provenance sont les mêmes depuis quelques années, confirme Lucia Della Torre, juriste au sein de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). Mais ces chiffres en constante augmentation montrent que le système d'asile doit être prêt à affronter des situations d’urgence. Le défi est de taille, particulièrement en ce qui concerne les mineurs non accompagnés..."

Si les données 2023 concernant les requérants mineurs non accompagnés (RMNA) ne sont pas encore connues, celles de 2022 laissent présager le pire: près de 10% de la totalité des demandes d’asile provenaient de mineurs arrivés seuls, la plupart fuyant l'Afghanistan. Parmi eux, une large majorité de garçons.

"Ces personnes particulièrement vulnérables nécessitent un accompagnement, un encadrement et une prise en charge spéciale, et le personnel formé n’est pas suffisant. Nous espérons que l’administration a engagé et formé suffisamment de monde pour faire face à cet afflux", poursuit Lucia Della Torre.

D’après les chiffres que nous avons pu obtenir auprès des cantons romands, l'augmentation du nombre de RMNA est particulièrement visible ces 4 dernières années. Dans les cantons du Valais, de Neuchâtel, et du Jura, ils sont 3 à 4 fois plus nombreux qu’en 2020. Ils ont été multipliés par plus de 7 dans les cantons de Vaud et Genève. À Fribourg, il y a dix fois plus de RMNA qu’il y a 4 ans. Dans ces cantons, ils étaient 150 en 2020, ils sont plus de 1000 aujourd’hui. 

Taux d'octroi en baisse

En 2023, le SEM a traité 26'667 demandes d'asile en première instance. Sur ce total, 5991 personnes ont obtenu l'asile, ce qui porte le taux d'octroi à 25,7% (contre 30,6% en 2022). Le taux de protection (octroi de l'asile ou admission provisoire après une décision d'asile de première instance) a baissé à 54,4% (59% en 2022). Le nombre de cas en suspens en première instance s'élève à 15'567, soit 3328 de plus que l'année précédente.

En 2023, 23'012 demandes de statut S ont été déposées par des réfugiés d'Ukraine. Ce statut a été accordé à 18'375 personnes et refusé à 932 autres. L'an dernier, le statut de protection a pris fin pour 13'512 bénéficiaires. A la fin de l'année, 66'083 personnes disposaient d'un statut de protection S actif.

Début novembre 2023, le Conseil fédéral a décidé que le statut de protection S dont bénéficient les personnes en quête de protection en provenance d'Ukraine ne serait pas levé avant le 4 mars 2025, à moins que la situation sur place ne change radicalement d'ici là.

>> Revoir le grand débat de Forum sur l'asile :

Cécile Denayrouse/Léandre Duggan/boi avec ats