Lorsque le proche aidé demande beaucoup d'attention, l'enfant aidant peut subir un état de fatigue. Ce rôle pèse sur la santé mentale des enfants et jeunes aidants et peut être difficile pour les parents aussi. "Ce sont mes enfants qui doivent s'occuper de moi, alors que c'est moi qui devrais m'occuper de mes enfants", se désole Marianna Ranieri dans La Matinale de la RTS.
Cette Jurassienne de 43 ans est atteinte de sclérose en plaques. Les tâches du quotidien la fatiguent énormément et sa mobilité est réduite. Ses trois enfants l'aident donc en faisant la cuisine, le ménage ou encore en portant les commissions. "C'est pour elle qu'on le fait. C'est quand même important", expliquent ses enfants, qui ont entre 8 et 12 ans.
Marianna Ranieri et son mari s'inquiètent cependant parfois de voir leurs enfants grandir trop vite. Tous les jours, ils s'assurent que leur vie puisse par moment ressembler à celle de n'importe quel enfant.
La maladie ou le handicap d'un parent peuvent en effet avoir un impact significatif sur le bien-être des jeunes aidants, qui se retrouvent avec des responsabilités qui n'incombent habituellement pas aux enfants. "Si l'enfant n'est pas soutenu et si on laisse la situation se péjorer, ça amène de la fatigue, de l'isolement et des émotions qui ne sont pas exprimées", explique Muriel Vial, cofondatrice de l'Association enfants aidants, ayant elle-même vécu avec un parent vulnérable psychiquement.
Si l'enfant n'est pas soutenu et si on laisse la situation se péjorer, ça amène de la fatigue, de l'isolement et des émotions qui ne sont pas exprimées
Son association, qui propose un parrainage aux enfants aidants, est composée de professionnels ayant un vécu similaire. "On amène notre expérience auprès de ces jeunes qui sont difficilement identifiables", dit-elle. Ces situations sont en effet parfois difficiles à repérer, car les tâches des enfants aidants sont souvent invisibles.
"C'est plus au niveau du soutien émotionnel qui ne se voit pas par rapport à d'autres tâches plus concrètes", indique Muriel Vial. "C'est de l'aide qu'on dit 'par effacement'. L'enfant va se montrer plus discret, il va faire l'enfant parfait, il va tout faire pour tenir le système familial qui tangue un peu trop".
A l'inverse, certains enfants peuvent se montrer turbulents, notamment à l'école. "On va peut-être lui dire qu'il n'est pas motivé, qu'il ne travaille pas, en ne sachant pas du tout sa réalité à la maison", précise Muriel Vial.
Alors qu'il existe près de 50'000 enfants et jeunes aidants en Suisse, leur rôle est en effet encore très méconnu. A l'occasion de la journée dédiée aux proches aidants le 30 octobre, le Service cantonal de l'action sociale a édité des ressources pédagogiques pour le corps enseignant. Elles permettent de sensibiliser les plus jeunes à la thématique, de transmettre des informations utiles et d'atteindre une partie du public-cible.
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Rôle peu reconnu
Si le rôle des jeunes proches aidants est méconnu, celui des adultes aussi manque de reconnaissance. Aucun statut légal n'existe en Suisse. La Confédération n'a mis en place qu'une seule mesure pour soutenir les proches aidants: trois jours de congé payé par année pour chaque proche aidé. Elle ne propose pas d'aide directe, mais elle soutient les organisations sur le terrain.
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Beaucoup de familles se tournent donc vers l'associatif. Pour soutenir les proches aidants, la Croix-Rouge a d'ailleurs lancé il y a trois ans un programme pour des interventions à court ou moyen terme.
"Ça soulage. Sans ça, ça demanderait plus d'organisation et de sacrifices aussi", affirme dans le 19h30 Anthony Scarpula, qui s'occupe de son papa presque tous les jours depuis son AVC il y a deux ans. Ayant lui-même deux enfants, il ne pourrait pas gérer cette aide tout seul.
La difficulté est encore plus grande dans le cas des enfants aidants, qui doivent parfois apprendre tous seuls à s'occuper de leurs parents. "On n'a pas de formation, mais on apprend. C'est un peu de la survie", affirme Muriel Vial . "On connait son parent par cœur, donc on apprend à connaître les manifestations de la maladie, quand il va moins bien, quand il faut tirer la sonnette d'alarme, s'il y a quelqu'un, évidemment, qui est là pour l'entendre".
Face à cette charge, Muriel Vial rappelle l'importance de prendre soin de soi. "Parce que quand notre attention est portée sur un parent pendant de nombreuses années, on n'apprend pas à écouter ses propres besoins", dit-elle.
Sujet radio et propos recueillis par Deborah Sohlbank, Mehmet Gultas et Renaud Malik
Sujet TV: Adriana Stimoli
Adaptation web: Emilie Délétroz avec ats
Journée célébrée dans dix cantons
Célébrée chaque 30 octobre, la Journée des proches aidants a lieu dans dix cantons ou demi-cantons de Suisse: Bâle-Ville, Berne, Fribourg, Genève, Grisons, Jura, Neuchâtel, Valais, Vaud et Tessin. Ils expriment leur reconnaissance et leur soutien aux proches aidants et encouragent aussi les proches de ces personnes à les soutenir à travers des gestes simples, écrit le canton de Vaud.
Des idées se trouvent sur le site de la journée des personnes proches aidantes, telles que le partage d'une balade, une séance de cinéma ou un bon repas. Le 30 octobre, des stands ont permis par ailleurs d'informer le public dans différents centres commerciaux vaudois ainsi qu'à l'Hôpital intercantonal de la Broye à Estavayer-le-Lac (FR), détaille le communiqué.
En Valais, la palette d'activités proposées cette année aux proches aidants est vaste, relève pour sa part le canton. Une balade pour se changer les idées et échanger avec des personnes qui vivent un quotidien similaire, un massage pour se détendre ou une visite guidée de la ville de St-Maurice étaient notamment au programme.
Les proches aidants sont également invités à découvrir les prestations proposées par les établissements médico-sociaux (EMS). Elles favorisent le maintien à domicile et permettent notamment de soulager l'entourage de la personne aidée.
A Neuchâtel, la population était invitée à assister au spectacle d'improvisation "Je t'aide, moi non plus !", qui a été donné au Temple du Bas. La représentation "proposera au public de porter un regard bienveillant sur le parcours des personnes proches aidantes qui accompagnent régulièrement un membre de leur entourage atteint dans sa santé ou son autonomie", a précisé le canton.