Plusieurs acteurs du secteur soulignent des différences législatives entre cantons qui compliquent les pratiques. "D’un canton à l’autre, parfois d’une commune à l’autre, les statuts changent, notamment du point de vue de l’AVS", explique Ingo Heidbrink dans La Matinale de la RTS.
"Elles sont parfois salariées, parfois indépendantes. On ne voit ça dans aucune autre profession", poursuit le propriétaire de huit établissements érotiques dans plusieurs cantons alémaniques, dans lesquels travaillent globalement 240 femmes.
La mobilité étant très courante dans le travail du sexe, beaucoup se retrouvent donc confrontées à différentes règles cantonales. "Une travailleuse du sexe qui vient du canton de Vaud et va exercer sur le canton de Genève doit s’annoncer au préalable à la brigade des moeurs de Genève alors qu’elle est déjà enregistrée dans le canton de Vaud", indique un gestionnaire de salon érotique romand.
Forfait journalier
Si cette mobilité est souhaitée par les personnes qui exercent la prostitution - dont la grande majorité vient de l’étranger - et de leurs patrons, la traçabilité des personnes et de leurs revenus est quasiment impossible. Certains évoquent donc l'idée de l'introduction d'un forfait journalier pour les travailleurs du sexe résidant à l’étranger.
Cela représenterait par ailleurs une grande rentrée d'argent pour l'Etat, souligne Ingo Heidbrink. "Si une fille vient en Suisse, qu’elle travaille pendant un mois et qu’elle repart, l’Etat n’encaisse rien", explique-t-il. "Par contre, avec un forfait journalier, l’Etat pourrait percevoir une taxe".
Le canton de Berne a déjà ouvert la voie à une telle pratique et le Tessin lui a emboité le pas. Il s’agit d’un forfait fiscal de 20 francs par jour. Ce montant est raisonnable si l'on considère que chez Ingo Heidbrink, certaines travailleuses du sexe gagnent - bien qu'il s'agisse de cas extrêmes - jusqu’à 30’000 voire 40’000 francs en un mois.
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Au Tessin, ce forfait journalier rapporte plus de 1,2 million de francs par année dans les caisses publiques. Et la tendance est à la hause, selon les services des impôts, qui parlent d'une excellente opération.
Assurance sociale
Les travailleuses directement concernées sont, elles, plus réticentes. Interrogées à ce sujet, trois femmes aux profils et origines différentes disent ne pas aimer parler d’argent et surtout pas s'il s'agit d'en verser à l'Etat, qui plus est dans un pays qui n’est pas le leur.
"Une grande partie des travailleuses du sexe sont des pendulaires de la migration. Elles viennent jusqu’à 90 jours par an et ne gagnent pas de quoi mettre de côté", explique Rebecca Angelini, porte-parole de ProCore, un réseau national qui défend les intérêts des travailleuses du sexe. "Comme de nombreux working poors, elles ont d’autres urgences", ajoute-t-elle.
C’est plutôt en matière de prévoyance que Rebecca Angelini voit un potentiel d’amélioration. "Dans le domaine des assurances sociales, nous serions favorables à une harmonisation et une simplification des procédures, au moins pour assurer une protection aux travailleuses du sexe dans toute la Suisse", dit-elle.
Pour Ingo Heidbrink, la meilleure solution serait donc "un forfait journalier, valable dans toute la Suisse et qui comprenne impôts, assurances sociales et caisse maladie".
Sujet radio: Nicole della Pietra
Adaptation web: Emilie Délétroz