En 2024, quatre projets des autorités fédérales sur six ont été refusés. Dimanche encore, le peuple a dit non à trois de leurs quatre propositions: les élargissements d'autoroutes et les deux réformes du droit du bail ont échoué dans les urnes. En septembre déjà, le peuple disait non à la révision du deuxième pilier de la prévoyance retraite.
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Au total, 67% des propositions du Parlement et du Conseil fédéral ont été balayées cette année. Ce chiffre n'inclut pas les initiatives populaires. Habituellement, le taux d'échec se situe plutôt aux alentours de 30%.
L'année 2024 est donc un millésime exceptionnellement mauvais pour les autorités fédérales. Il faut remonter jusqu'en 2004 pour retrouver une année aussi médiocre. Le peuple avait alors refusé sept propositions dans les urnes.
Et à 20 ans d'écart, on retrouve des similitudes dans les sujets traités: autoroutes, droit du bail ou encore prévoyance vieillesse. Un autre Parlement, un autre Conseil fédéral, mais les mêmes difficultés à convaincre le peuple sur ces sujets.
Manque de confiance
Les thèmes soumis à votation expliquent en partie ce mauvais score. Le peuple accepte par exemple difficilement les réformes de la prévoyance retraite. Il ne s'agit cependant pas de la seule voie d'interprétation.
L'institut de sondage gfs.bern mesure une chute de la confiance de la population dans le gouvernement après la crise du Covid. Et pour la première fois ce mois-ci, la part des personnes méfiantes envers le gouvernement a dépassé celle des personnes confiantes.
Ce changement de rapport entre le peuple et les autorités peut expliquer en partie les tendances de cette campagne de votation. Alors qu'habituellement les projets du Conseil fédéral et du Parlement gagnent des adhérents au cours de la campagne, cette fois, l'inverse s'est produit.
Rechercher le compromis
Une autre piste pourrait expliquer ce désaveu de la population. Selon le politologue de l'Université de Lausanne Sean Müller, les divisions au sein même du Parlement sont un reflet de l'opinion populaire. Invité dans l'émission Forum, il affirme que lorsque l'on compare le pourcentage de soutien à un projet de la part du Conseil national avec le pourcentage de soutien du peuple, "on voit un alignement".
"Quand c'est serré au Parlement, c'est aussi serré dans les urnes", constate-t-il. "Au contraire, quand le Parlement arrive à faire un compromis qui inclut une grande majorité, il y a du soutien."
Augmentation de la polarisation
Sean Müller observe une certaine difficulté chez certains parlementaires à trouver un compromis. "On constate une plus grande polarisation. La gauche et la droite se radicalisent", déclare-t-il. Or, si les partis ne parviennent pas à s'entendre, il faut s'attendre à davantage de réformes bloquées ces prochaines années, estime-t-il.
Selon lui, le Parlement doit écouter les besoins des personnes qui ont refusé les réformes, puis modifier celles-ci. "On a vu ça avec la loi sur le CO2: elle a été refusée, puis remaniée", souligne-t-il. "Donc le Parlement doit montrer qu'il est capable d'apprendre, d'écouter et de modifier des projets pour les faire passer."
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Philéas Authier/edel