La responsabilité de la vaccination Covid vient tout juste de changer de main. Jusqu'à présent, c'est la Confédération qui tenait les rênes: elle commandait les vaccins et prenait en charge une partie des coûts.
Mais depuis le 1er juillet, les vaccins contre le Covid-19 sont soumis à la loi du marché. Autrement dit, ce sont les cabinets médicaux et les pharmacies qui doivent commander directement les doses pour leur patientèle. Et sur les étals, les produits manquent à l'appel, comme l'évoquait également 20 Minutes.
Des vaccins à la poubelle
Les professionnels de la santé ne peuvent pas compter sur le stock de vaccins existant. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) explique qu'il n'y a plus de base légale pour l'utilisation des doses achetées par la Confédération.
Il a donc demandé aux médecins et aux pharmacies de détruire les doses qui étaient encore en leur possession. Les produits restants seront stockés dans une réserve d'urgence de la Confédération. Ils pourront être utilisés en cas d'importante épidémie de Covid s'ils ne sont pas périmés.
Les prestataires de soins doivent donc commander de nouveaux vaccins. Pour l'heure, ils ne peuvent pas passer par leurs canaux habituels. Les grossistes ne disposent pas des vaccins actuels dans leurs assortiments. Plusieurs professionnels de la santé contactés par la RTS disent avoir manqué de temps pour s'approvisionner, car ils n'auraient été avertis qu'en mai-juin que c'était désormais de leur responsabilité.
Une demande dure à estimer
Chaque dose de vaccin coûte environ 80 francs, en excluant le geste médical d'injection et la marge pour la structure de soin. Ces frais sont uniquement remboursés pour les personnes à risques. Celles et ceux qui veulent se vacciner pour protéger les autres doivent payer de leur poche. De fait, les cabinets médicaux et les pharmacies ont de la peine à estimer le nombre de patientes et patients qui seront prêts à payer.
Et ils sont face à un dilemme, que Monique Lehky Hagen, présidente de la Société médicale du Valais, résume comme suit: "Soit nous commandons trop de vaccins et nous devrons assumer les pertes financières, soit on en commande peu et on nous le reprochera. C'est mission impossible." Pour mieux appréhender les mois à venir, cette médecin a lancé un sondage auprès de sa patientèle.
Plusieurs médecins et pharmaciens ont confié à la RTS en vouloir à l'OFSP de n'avoir pas accompagné cette transition, en s'engageant par exemple à compenser les pertes. "L'OFSP a fui ses responsabilités en ne préparant pas de transition entre la fin de la prise en charge par la Confédération et l'arrivée des vaccins qui ciblent les nouveaux variants en septembre", estime Christophe Berger, président de la Société Vaudoise de Pharmacie.
Médecine à deux vitesses?
L'OFSP réplique que ce transfert de responsabilité a été préparé depuis longtemps, avec des ateliers organisés en mars 2023 déjà. Selon l'office, ce sont les cantons qui ont demandé que le vaccin contre le Covid puisse être obtenu comme les autres vaccins. Quant au prix, il serait dans la fourchette de ceux à l'étranger.
En outre, l'OFSP souligne que le vaccin est remboursé pour les personnes vulnérables et payant pour les autres, comme pour la grippe. A titre de comparaison, le vaccin contre la grippe coûte entre 30 et 40 francs, soit deux à trois fois moins que les prix actuels des doses contre le Covid.
Sujet radio: Anouk Pernet
Adaptation web: Raphaël Dubois
"Pas de quoi paniquer", rassurent les médecins
Si les cas de Covid ont doublé depuis juin en Suisse, les variants actuels sont peu dangereux. "L'immunité dans la population par rapport aux variants qui circulent est relativement bonne", a déclaré l'ancien chef des soins intensifs des hôpitaux universitaires de Genève Jérôme Pugin dans l'émission Forum. "Il n'y a pas d'urgence à vacciner tout le monde."
Un message que partage Dominique Bünzli, président de la Société neuchâteloise de médecine. Il conseille de suivre les indications des autorités sanitaires, qui recommandent la vaccination uniquement pour les personnes à risque.
Les nouveaux vaccins, qui ciblent les variants actuels, seront disponibles à l'automne. Là aussi, seules les personnes à risque pourront être remboursées par l'assurance de base. Dominique Bünzli souhaite que les recommandations évoluent et incluent l'entourage des personnes vulnérables et le personnel soignant, comme c'est le cas pour la vaccination contre la grippe.
Pour rappel, la vaccination n'empêche pas la contagion, mais elle permet d'éviter les formes graves et de diminuer le risque de développer un Covid long.