Malgré un avis très critique, 75% des Suisses utilisent les réseaux sociaux au quotidien
SixDegrees.com en 1997, MSN et Blogger en 1999, MySpace et Friendster en 2002: l’entrée dans le troisième millénaire n’est pas résumable au bug de l’an 2000, bien au contraire. Ce moment charnière de l'histoire de l'informatique a surtout vu émerger les réseaux sociaux. Et en 2004, Facebook a joué le rôle de catalyseur de cette révolution numérique balbutiante, accélérant au niveau mondial la transformation de nos pratiques de socialisation en ligne, et parfois hors ligne...
Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont omniprésents dans la vie d’une nette majorité des Suissesses et des Suisses. D’après les résultats d’un sondage de la SSR mené auprès de 57'000 personnes entre avril et mai 2023, 75% des personnes interrogées déclarent les utiliser au moins une fois par jour. Et il n’y a que 5% de la population qui avoue ne jamais se servir de ces plateformes.
Les femmes fréquentent les réseaux sociaux beaucoup plus souvent que les hommes (71% des femmes répondent y aller "plusieurs fois par jour" contre 62% des hommes).
Les jeunes sont eux aussi beaucoup plus sur les plateformes que les personnes âgées (81% des 16-39 ans répondent "plusieurs fois par jour" contre 47% des plus de 65 ans).
Enfin, 81% des francophones et 80% des italophones les utilisent au moins une fois par jour. En Suisse alémanique, cette proportion tombe à 76% et en Suisse romanche à 64%.
Le smartphone, ce cheval de Troie au fond de votre poche
Cette (r)évolution s’est nourrie de l’essor des smartphones – le premier IPhone a été commercialisé en 2007 - et de leurs applications mobiles, rendant Internet et les réseaux sociaux accessibles en tout temps et presqu'en tout lieu.
Ainsi, aujourd’hui, en Suisse, l'appareil de loin le plus utilisé pour aller sur Internet est, justement, le smartphone. Neuf personnes interrogées sur dix l'utilisent plusieurs fois par jour.
Chez les plus jeunes (16-39 ans), ce pourcentage s'élève à 96%. La moitié des personnes interrogées dans cette tranche d'âge déclarent être "presque constamment" en ligne via leur téléphone portable, les femmes encore plus que les hommes.
Dépendance désaffective
Pour Michael Latzer, professeur spécialisé dans la communication et les médias à l'Université de Zurich, "les résultats de cette enquête soulignent l'importance élevée - voire la dépendance - des Suisses à ces services numériques, utilisés en tant que routine ou rituel quotidiens".
Mais malgré cette utilisation intensive des réseaux sociaux dans la vie de tous les jours - via notamment les smartphones -, les Suissesses et les Suisses sont assez critiques à l’égard des plateformes.
Ainsi, seule une minorité estime que les médias sociaux ont enrichi leur vie (4% sont tout à fait d'accord avec cette proposition, 30% sont plutôt d’accord). Cette évaluation est également partagée par les segments les plus jeunes de la population.
De plus, 17% des personnes interrogées se considèrent comme dépendantes des médias sociaux (2% sont tout à fait d'accord avec cette proposition, 15% sont plutôt d’accord). Chez les plus jeunes (16-39 ans), la proportion monte à près d'un tiers (4% de "tout à fait d’accord", 28% de "plutôt d'accord").
S’en éloigner, protéger les enfants et rester critique
Presque tous les interrogés pensent que les gens devraient recommencer à interagir directement les uns avec les autres (92% sont plutôt ou tout à fait d'accord). Les femmes sont plus fortement d'accord avec ce point de vue que les hommes (65% sont tout à fait d'accord contre 54%) et les personnes âgées plus que les jeunes (70% contre 52%).
L'idée d'éloigner les enfants des médias sociaux le plus longtemps possible est également clairement soutenue (69% sont plutôt ou tout à fait d'accord). Chez les femmes, cette idée est plus répandue que chez les hommes (75% sont plutôt ou tout à fait d’accord contre 64%).
Enfin, une nette majorité des Suisses pensent que les gens se forgent une opinion à partir d'informations de plus en plus partiales et que les médias sociaux divisent notre société (82% et 71% sont plutôt ou tout à fait d'accord avec ces deux propositions).
Ajoutons encore que, selon Michael Latzer, les dangers des réseaux sociaux et d’Internet ont tendance à être "davantage perçus pour les autres que pour soi". C’est "l’effet à la troisième personne". Ce biais cognitif nous conduit ainsi à surestimer l'influence des messages médiatiques sur les autres tout en sous-estimant leur influence sur nous-mêmes.
Julien Furrer