En Suisse, ni vu ni connu, des sociétés nous évaluent. Les journalistes de l’émission On en parle ont donc mené l’enquête en interrogeant quatre d'entre elles, CRIF, Intrum, Dun & Bradstreet et Creditreform, notamment pour obtenir leur propre évaluation.
Toutes les entreprises leur ont fourni leur évaluation assez rapidement, de manière plus ou moins détaillée. Le credit score se présente à la manière de l’étiquette énergie ou du nutriscore. Ainsi, un bon payeur va plutôt se retrouver dans le vert et un mauvais payeur dans le rouge.
Chaque société a sa propre classe d’évaluation : Dun & Bradstreet note sur 100, Intrum sur 6, CRIF sur 600 et Creditreform donne une évaluation allant de A à G.
Une formule de calcul secrète
Aucune des sociétés n’a accepté de fournir le détail du calcul de leur credit score. Cependant, la note risque d’être plus basse si les expériences négatives de paiement sont nombreuses, graves et récentes. Sans compter l’âge qui peut aussi être un critère : les jeunes sont moins bien notés.
"Nous utilisons des informations comme les expériences de paiement, des données de gestion de créances, des avis de recouvrement, des registres publics aussi comme ceux des poursuites, des actes de défaut de biens, le registre du commerce ou encore des avis officiels comme les faillites. Nous les traitons de manière à ce que le fournisseur soit en position de prendre une décision", explique Raoul Egeli, président de Creditreform, interrogé par l’émission A Bon Entendeur.
De fait, les sociétés de notation se réfèrent aux informations publiques, comme le registre du commerce et des sources privées, sur la base de données fournies par des partenaires comme des vendeurs de vêtements ou des opérateurs téléphoniques. Ces partenaires privés sont nombreux : contacté par On en parle, le CRIF explique recevoir les informations d’environ 10'000 entreprises en Suisse. Un échange possible dès l’acceptation des conditions générales des commerces en question par les clientes et clients.
Il est important de comprendre que notre client octroie le crédit, c’est lui qui décide à qui il aimerait donner de l’argent et à qui il ne veut pas en donner
"Ce n’est pas nous, comme entité de renseignement, qui décidons si le profil de la personne est mauvais ou non, cela dépend fortement du secteur", précise toutefois Raoul Egeli. Les informations fournies par Creditreform peuvent ainsi conduire un commerce à refuser un crédit tandis qu’une autre entité acceptera de l’octroyer sur la base des mêmes informations. "Certains de nos clients excluent des caractéristiques, par exemple une faillite (…) Il est important de comprendre que notre client octroie le crédit, c’est lui qui décide à qui il aimerait donner de l’argent et à qui il ne veut pas en donner. Et tout est piloté en fonction de cela. Les informations sont les mêmes mais la définition est entre les mains du client."
Des conséquences au quotidien
En cas de mauvais credit score, la personne concernée risque d’en subir les conséquences au quotidien. "Je souhaitais me faire plaisir avec une nouvelle paire de lunettes", raconte par exemple Mélody Lavanchy. "A ma grande surprise, quand j’ai demandé un échelonnement de paiement parce que la somme était conséquente, le vendeur est revenu gêné en me disant qu'il était désolé, mais que c'était refusé." Et de lui demander si elle avait une dette. La jeune femme n’en a pas et pourtant, elle est affublée d’un mauvais credit score qui l’empêche d’accéder à cette option de paiement. En cause, un paiement qui s’est croisé avec un rappel lors de l’achat d’alliances et la machine du recouvrement qui s’est enclenchée dans le sillage de ce rappel, alors même que l’émetteur en a reconnu la nullité.
C'est un véritable handicap, tant les barrières dressées par un mauvais credit score sont nombreuses. Il est impossible, par exemple, de bénéficier de certains rabais d’assurance et de payer par facture en cas d’achat sur internet. Les régies peuvent également se servir du credit score pour attribuer ou non une location à quelqu’un. Idem pour les entreprises d’octroi de petits crédits et les banques. Interrogée par On en parle, la banque UBS a précisé que les credit scores étaient effectivement l’un des facteurs pouvant influencer le taux hypothécaire qui est appliqué.
Sylvain Métille, avocat à l'étude HDC et professeur en protection des données à l'Université de Lausanne, clarifie au micro de On en parle les contours légaux de la collecte et de l'utilisation des credit scores par des entreprises telles que CRIF, Intrum, et Creditreform.
Selon lui, la loi sur la protection des données autorise ces pratiques pour évaluer la solvabilité des individus, à condition de respecter des règles précises, incluant l'interdiction de traiter des données de mineurs, des informations datant de plus de dix ans ou des données sensibles.
Malgré l'impossibilité de supprimer un credit score, les individus ont le droit d'accéder à leurs données et de demander des corrections ou la suppression d'informations non conformes à la loi. Sylvain Métille conseille toutefois la prudence quant à l'envoi d'informations supplémentaires pour améliorer son score, suggérant une évaluation au cas par cas, notamment pour des enjeux importants tels que l'obtention d'un prêt hypothécaire.
Sujet et enquête radio: Marie Tschumi et Bastien von Wyss
Reportage et interview TV: Lison Méric et Linda Bourget
Adaptation web: Myriam Semaani
Comment demander son propre credit score?
Toute personne majeure peut demander gratuitement l’accès à son propre credit score auprès des entreprises de renseignements de solvabilité pour faire valoir ses droits. Voici comment procéder :
1. Décider auprès de quelles entreprises vous souhaitez demander votre score. Parmi d’autres, quatre entreprises importantes sont regroupées dans une communauté d’intérêt : Creditreform, CRIF, Intrum et Dun & Bradstreet.
2. Demandez simplement vos données par email en envoyant une copie de votre carte d’identité. Pour les quatre entreprises ci-dessus, des pages explicatives sont disponibles :
Creditreform - CRIF – Intrum - Dun & Bradstreet: customerservice.ch@dnb.com
3. La réponse devrait vous parvenir dans les 30 jours.
4. En cas d’informations erronées, il est ensuite possible de demander d’éventuelles rectifications.