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"On m'a souvent laissé de côté": les apprentis témoignent de leur souffrance

L'apprentissage reste le choix numéro un des jeunes Suisses et Suissesses. [Keystone]
Les apprentis en souffrance, souvent sous pression et parfois exploités sur leur lieu de travail / La Matinale / 6 min. / le 5 juillet 2024
Stress, harcèlement et manque de formation: la plupart des apprentis sont en souffrance, selon une enquête d'Unia, qui exige des mesures. La RTS a recueilli le témoignage de deux jeunes diplômés CFC qui veulent alerter sur les conditions de travail des apprentis.

Le système de formation professionnelle duale en Suisse est souvent vanté comme un modèle à succès. Cependant, la situation sur le terrain est moins rose, rapporte le syndicat Unia. Sur les plus de 1100 jeunes ayant participé à l'enquête, 92,4% se disent stressés au travail, fréquemment ou toujours pour 53,2% d'entre eux.

Côté salaire, 46,3% des apprentis interrogés gagnent moins de 999 francs par mois, de la première à la quatrième année de formation. Une proportion significative (39,2%) perçoit un salaire compris entre 1000 et 1499 francs.

Seulement une minorité (9,3%) gagne plus de 1500 francs et une très faible proportion (5%) reçoit moins de 500 francs par mois. Plus de la moitié (55,5%) travaille plus de 9 heures par jour, bien que cela soit illégal selon la loi suisse sur le travail.

>> Le détail des résultats de l'enquête révélées en primeur à la RTS mi-juin : Quand l'apprentissage vire au cauchemar

A ces conditions de travail déjà difficiles s'ajoutent le harcèlement sexuel, le racisme ou le mobbing. Autant de facteurs qui rendent les apprentis vulnérables, voire malades physiquement ou psychiquement. "Un apprenti m'a dit qu'il préfèrerait se faire tabasser que de vivre ce qu'il a pu vivre à cause de son apprentissage", rapporte à La Matinale de la RTS une jeune coiffeuse, se faisant le porte-voix des apprentis qui, comme elle, ont souffert pendant leur formation.

>> Revoir le reportage du 19h30 :

Plongée dans la filière de l’apprentissage. Une formation valorisée en Suisse, mais qui met parfois les jeunes sous pression
Plongée dans la filière de l’apprentissage. Une formation valorisée en Suisse, mais qui met parfois les jeunes sous pression / 19h30 / 2 min. / le 15 juin 2024

"On se sent inutile"

Plus d'un tiers des apprentis affirment ne pas être satisfaits de leur apprentissage. Plusieurs d'entre eux font état d'un manque de formation.

"On m'a souvent laissé de côté, toutes les questions que je posais sont restées sans réponse. Au lieu d'apprendre mon métier, on me faisait faire d'autres choses qui n'avaient rien à voir avec ma formation: nettoyer des camions, transporter des glacières, nettoyer des toilettes. Quand on est apprenti, on nous fait comprendre qu'on n'a pas notre mot à dire", relate Pao, qui vient de finir son apprentissage de carreleur.

"C'est très fatigant, car on doit batailler sur notre lieu de travail pour recevoir notre formation. Et on se demande comment on va faire pour les examens finaux s'ils ne nous laissent pas travailler. On perd confiance en soi parce qu'on se sent inutile. Cela laisse énormément de traces", raconte le jeune diplômé.

Des contrôles jugés insuffisants

Pour Unia, les contrôles sont insuffisants. Près de 55% des jeunes interrogés indiquent que leur entreprise n'a encore jamais été contrôlée par l'Office de la formation professionnelle.

Pourtant, l'aide existe, assure le chef du Service fribourgeois de la formation professionnelle (SFP) Christophe Nydegger, pour qui "les services de formation professionnelle sont toujours à disposition en cas de problème". "Mais peut-être qu'elle n'est pas assez connue", reconnaît le responsable.

"Nous essayons de motiver les jeunes à s'exprimer, ce qu'ils font de plus en plus. Mais cela n'empêche pas que certaines personnes n'osent peut-être pas le faire."

Des mesures urgentes exigées

Unia demande des mesures immédiates. Plus de temps libre, une meilleure protection contre les abus et la discrimination et de meilleurs salaires contribueraient à améliorer les conditions de formation et à mieux protéger la santé des jeunes professionnels. Pour cela, des contrôles sont indispensables.

L'intégration des perspectives des apprentis est cruciale pour développer des politiques de formation plus efficaces. Unia appelle donc le monde politique à mieux tenir compte des problèmes et des besoins des jeunes concernés. "J'aimerais que les prochaines générations n'aient pas à vivre ce que nous avons vécu", espère Pao.

En Suisse, plus de 200'000 personnes suivent un apprentissage.

iar avec ats

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