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Pékin "prend note" de l'invitation de la Suisse au sommet sur l'Ukraine

Ignazio Cassis lors de sa visite officielle en Chine. [Keystone - AP Photo/Andy Wong]
Pékin serait ouvert à participer au sommet sur la paix concernant l’Ukraine / Forum / 2 min. / le 7 février 2024
Au terme d'une visite de deux jours dans la capitale chinoise, le conseiller fédéral en charge des affaires étrangères Ignazio Cassis s'est montré optimiste. La Chine serait ouverte à participer à la "conférence globale sur la paix". Dans les faits, Pékin n'a pris aucun engagement.

Ignazio Cassis a été reçu et écouté poliment. Aucune annonce surprise à l'issue de son séjour. Le ministre des Affaires étrangères a néanmoins déclaré "attendre la réponse de la Chine avec impatience".

Depuis le début du conflit, Pékin est en retrait sur le dossier ukrainien. Officiellement neutre, la Chine soutient dans les faits son grand partenaire, la Russie. Or cette dernière a sèchement balayé l'idée d'un sommet sur l'Ukraine organisé en Suisse. Le ministre chinois des Affaires étrangères l'a rappelé: sans une participation de Moscou, un tel sommet ne fait aucun sens.

En tentant de mobiliser malgré tout un maximum de pays partenaires de la Russie, le Conseil fédéral espère créer une dynamique positive. Un mastodonte comme la Chine pourrait convaincre Vladimir Poutine du bienfondé d'une conférence de haut niveau sur la paix. Avec l'aide de Pékin, Berne espère amener tout le monde à la table des négociations.

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Regard tourné vers la mer de Chine

Encore faut-il que tous les acteurs concernés jouent le jeu. Or, ce conflit lointain aux confins de l'Europe n'est pas une priorité pour la Chine, souligne Jean-Pierre Cabestan dans La Matinale.

Expert des relations internationales de la Chine, le chercheur au CNRS considère cette crise comme une opportunité pour Pékin: "C'est une diversion. La guerre mobilise les Américains et les Européens sur un autre théâtre; le théâtre européen. La Chine en profite pour continuer à avancer ses pions en mer de Chine du Sud, dans le détroit de Taïwan ou face au Japon. D'une certaine manière, ce conflit l'arrange."

Sans oublier l'état d'extrême dépendance dans laquelle se retrouve aujourd'hui Moscou vis-à-vis de Pékin. En proie aux sanctions occidentales, la Russie a brûlé la plupart de ses ponts vers l'Europe. Elle n'a d'autre choix que de se tourner vers l'est - un atout pour le Parti communiste chinois.

Ignazio Cassis a rencontré le vice-président chinois Han Zheng  à Pékin le 6 février 2024. [KEYSTONE - XINHUA / YUE YUEWEI]
Ignazio Cassis a rencontré le vice-président chinois Han Zheng à Pékin le 6 février 2024. [KEYSTONE - XINHUA / YUE YUEWEI]

Election présidentielle américaine

Dans ce contexte, ce dernier peut attendre, d'autant plus que l'échéance présidentielle américaine à venir n'encourage pas les décisions stratégiques dans l'intervalle.

"C'est un facteur qui va inciter la Chine à temporiser, parce que si Donald Trump revient à la Maison Blanche, la situation va évidemment changer sur le terrain", explique Jean-Pierre Cabestan. Dans un tel scénario, les "Américains exerceraient une pression beaucoup plus forte sur Volodymyr Zelensky pour qu'il trouve une issue au conflit". Cela "incite la Chine à rester peu active sur la question ukrainienne ", selon l'expert.

La Chine incitée à temporiser

La perspective d'une fragilisation diplomatique de Kiev est donc susceptible d'encourager Pékin à patienter. Le temps joue en sa faveur: les divisions au sein de l'Union européenne pourraient s'accroître ces prochains mois et la crise pourrait aussi tendre les relations entre Bruxelles et Washington. Moscou tirerait alors son épingle du jeu, renforcée pour des négociations.

Des pourparlers auxquels la Chine serait partie prenante: elle n'a jamais caché sa volonté de participer activement à la reconstruction de l'Ukraine, une aubaine économique et diplomatique.

"Il faudra de nombreux petits pas"

Face à ces incertitudes, la tenue du "sommet global pour la paix" reste hautement incertaine. Ignazio Cassis l'admet volontiers: "Le chemin sera long et difficile. Mais on n'avance pas assis sur un siège, on avance en marchant. Il faudra de nombreux petits pas et il faut s'y mettre maintenant."

Rien n'indique, pour l'heure, que la Chine soit prête à prendre le chemin vers la Suisse. Alors que Berne a fait de la guerre en Ukraine l'un des enjeux centraux de cette visite officielle, le long compte-rendu de Pékin n'évoque à aucun moment le sujet.

Michael Peuker

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