Pierre-Yves Maillard: "Aller dire publiquement le contraire de ce que je pense, j’en suis incapable"
Il suffit de taper "Pierre-Yves Maillard" dans un moteur de recherche pour que les formules élogieuses pleuvent: "le cador de la politique suisse en 2024", "l'homme de toutes les batailles" ou encore "le Boss".
Pierre-Yves Maillard est-il vraiment "l'homme le plus puissant de 2024"? Faux, répond l'intéressé. Comme il aime souvent à le rappeler, l'homme fort du PS est loin d'être tout seul pour mener ses batailles.
Qu'en est-il de la victoire éclatante de l'initiative pour une 13e rente AVS, qu'il a défendue en tant que président de l'Union syndicale suisse (USS)?
On sous-estime le boulot nécessaire pour porter un projet politique de ce type
"Ce genre de résultat est l'oeuvre d’un travail collectif", estime le socialiste. "On sous-estime le boulot nécessaire pour porter un projet politique de ce type". Il y a les grandes figures, certes, mais rien ne serait possible sans un nombre considérable "de militants, de gens qui vont récolter des signatures le samedi", insiste "PYM", comme on le surnomme.
Le 3 mars dernier, le moment est historique et le Vaudois exulte. Pour les syndicats, c'est une première: le peuple a accepté une de leurs initiatives.
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"J’ai toujours été convaincu que la démocratie directe doit être aussi un instrument de changement dans l’intérêt des causes sociales, de justice, de solidarité. Pour autant qu’on choisisse les bons thèmes et des textes abordables", analyse-t-il.
Par le passé, "on a souvent utilisé l’initiative pour lancer un débat". Une stratégie pas forcément payante, regrette ce pilier de la politique. Certains projets ont été "poussés parfois un peu loin par rapport à la faisabilité politique", juge-t-il.
"Je suis un joueur de foot"
Pierre-Yves Maillard, sans conteste, est devenu une figure forte de la politique suisse. On va parfois jusqu'à le comparer à Christoph Blocher. "Il n’y a pas de comparaison", estime pourtant le socialiste. "Je… nous ne fonctionnons pas comme cela. Il y a une glorification personnelle (..) entre lui et sa base qui m’est complètement étrangère.»
PYM, lui, se voit comme "un joueur de foot" qui "sait qu’il ne fait rien sans l’équipe". Ce passionné du ballon rond aurait d'ailleurs pu devenir commentateur sportif dans un autre vie.
Il aurait pu aussi intégrer le Conseil fédéral, mais le destin en a voulu autrement. En 2011, c'est un certain Alain Berset qui lui grille la priorité pour reprendre le siège laissé vacant par Micheline Calmy-Rey.
J’étais candidat à l’époque en sachant à peu près qu’Alain Berset allait gagner
"Je n'ai jamais pris cette non-élection comme un problème", assure le conseiller aux Etats. "J’étais candidat à l’époque en sachant à peu près certainement qu’Alain Berset allait gagner", lâche-t-il. "Quand je raconte ça, personne ne me croit, mais c’est la simple vérité".
Ce grand partisan de la caisse unique aurait d'ailleurs été dans une position inconfortable. Même au gouvernement, il "n’aurait pas combattu [le] projet de caisse unique", assure-t-il.
"Aller dire publiquement le contraire exact de ce que je pense, j’en suis incapable. C’est une des raisons qui explique ma non-élection".
Conseiller fédéral, non merci
En 2023, une nouvelle occasion se présente pour lui de faire partie des sept Sages. Alain Berset se retire et il est pressenti pour lui succéder.
"J’ai eu des signaux qui m’indiquaient qu’on m’intégrerait volontiers dans ce collège, même à droite", révèle-t-il. Mais cette fois-ci, c'est lui qui décline.
Quand on lui demande ce qu'il aimerait qu'on retienne de lui, la réponse est tout aussi étonnante: "On ne retiendra pas grand-chose" et "pas longtemps", dit-il. En syndicaliste convaincu, il espère tout de même qu'on se souviendra de son "engagement collectif" pour faire bouger les choses.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Doreen Enssle