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Plus d'une personne sur six en Suisse est victime de racisme, en particulier au travail

Noir ou blanc en Suisse, ce n'est pas pareil.
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Une personne sur six est victime de discrimination raciale en Suisse, selon une étude de la Confédération / Le 12h30 / 2 min. / le 1 février 2024
Plus d'un million de personnes en Suisse déclarent avoir subi des discriminations raciales ces cinq dernières années, selon un état des lieux du Service de lutte contre le racisme de la Confédération (SLR). Il alerte sur la menace que cela fait peser sur la cohésion sociale.

Selon ce rapport publié jeudi, basé sur des enquêtes menées en 2022, une personne sur six (17%) dit avoir été victime de discrimination. Et la tendance est nettement à la hausse: en 2010, cette proportion était de 10%. Les jeunes entre 15 et 24 ans sont les plus touchés, soit près d'un tiers des cas déclarés.

Quant aux personnes issues de la migration, près d'un tiers d'entre elles ont déclaré avoir subi du racisme. Le SLR rappelle que la discrimination ne concerne pas seulement les personnes étrangères ou d'origine étrangère, mais aussi les personnes noires, musulmanes et juives sans passé migratoire, ainsi que les différents types de cultures nomades ou semi-nomades (Yéniches, Manouches/Sintés ou Roms).

Le travail, principal lieu concerné

Les données fournissent peu d'informations sur le profil des auteurs de discriminations raciales. Mais il existe pour les gens poursuivis en justice ou dénoncés à la police: ce sont majoritairement des hommes suisses entre 35 et 59 ans.

Par ailleurs, c'est dans le monde du travail que les victimes sont le plus touchées par ces discriminations raciales. Selon les chiffres de la Confédération, 69% des cas sont liés au monde professionnel. Principalement lors de deux grandes situations: lors du travail quotidien et durant la recherche d'emploi.

Par exemple, une étude publiée en 2023 par l'Université de Neuchâtel, basée sur des candidatures fictives, a montré que les demandeurs d'emploi noirs doivent envoyer 30% de candidature en plus que les candidats blancs pour décrocher un entretien d'embauche.

"Ça se traduit par certains messages, qui disent par exemple 'on a préféré engager quelqu'un de chez nous'. C'est pas extrêmement fréquent, mais c'est arrivé aussi", explique Robin Stünzi, coordinateur scientifique du programme de l'Unine "NCCR on the move", vendredi dans La Matinale.

Ce racisme visible et affirmé est plutôt l'exception. Selon le chercheur, le racisme structurel - qui n'est pas dit explicitement, mais plutôt ancré, voire inconscient - est bien plus fréquent. Cela se traduit par des "préférences" formulées par certaines entreprises en matière de nationalité, explique aussi Robin Gordon, directeur de l'agence de recrutement Interiman. "Mais on voit aussi que ces exigences baissent avec la pénurie croissante de personnel", poursuit-il.

>> Écouter les précisions dans La Matinale de vendredi: :

Un rassemblement contre l'initiative et le contre-projet sur le renvoi des personnes étrangères, samedi 6 novembre 2010, à Genève. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]Keystone - Salvatore Di Nolfi
Le racisme touche particulièrement le monde du travail en Suisse / La Matinale / 2 min. / le 2 février 2024

Pointe de l'iceberg

Dans les lieux concernés par le racisme, l'espace public arrive en seconde position (30%), suivi de l'école (27%).

Pour le Service fédéral de lutte contre le racisme, ce dernier "menace la cohésion sociale". "Pour mieux protéger l'ensemble de ses citoyens et citoyennes, la société a donc besoin de mesures institutionnelles", notamment dans les entreprises et les écoles, écrit-il dans un communiqué. Elle pointe aussi une "protection lacunaire en droit civil" qui rend plus difficile les démarches juridiques contre la discrimination, trop peu connues, trop compliquées ou trop chères.

>> Lire aussi : La Suisse doit "combler ses lacunes" en matière de protection des droits humains

Par ailleurs, la hausse du nombre de cas traités par les centres de conseil et leur complexité accrue soulignent la nécessité de garantir le financement d’offres de conseil adaptées. D'autant que ces chiffres pourraient bien n'être que la pointe émergée de l'iceberg, car beaucoup de cas de discriminations ne sont tout simplement jamais signalés.

Mathias Délétroz/jop

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Nouvelle plateforme en ligne


Le SLR a également lancé jeudi un nouveau site internet sur le racisme et la discrimination raciale en Suisse. A l'aide de textes, graphiques et illustrations disponibles en ligne, la plateforme vise à rendre le phénomène et ses enjeux plus compréhensibles.

On y lit par exemple que le racisme désigne des pratiques qui consistent à classer et hiérarchiser les êtres humains en fonction de leurs caractéristiques physiques ou de leur appartenance ethnique, nationale ou religieuse réelle ou supposée.

La ministre de l'Intérieur Elisabeth Baume-Schneider souligne dans la préface de l'étude que le Covid-19 ou les violences au Proche-Orient montrent à quel point les crises peuvent entraîner en Suisse l'exclusion et des agressions à l'égard de minorités, religieuses notamment.