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Quand l'apprentissage vire au cauchemar

Plongée dans la filière de l’apprentissage. Une formation valorisée en Suisse, mais qui met parfois les jeunes sous pression
Plongée dans la filière de l’apprentissage. Une formation valorisée en Suisse, mais qui met parfois les jeunes sous pression / 19h30 / 2 min. / le 15 juin 2024
Un travail à plein temps, des cours et des examens en plus, une pression professionnelle parfois lourde, le tout quand on sort à peine de l'école obligatoire: les nombreux jeunes apprentis se plaignent de stress et d'épuisement au travail, selon une enquête du syndicat Unia. Reportage.

Le système suisse de l'apprentissage est reconnu comme étant l'un des plus efficaces au monde. Il serait même la recette du succès économique du pays. "Notre système dit dual est envié dans le monde entier", se félicitait le conseiller fédéral Guy Parmelin, en charge de la Formation.

Mais pour les apprentis, tout n'est pas rose. Pour la première fois, une enquête menée par le syndicat Unia s'est penché sur la qualité de la formation telle qu'elle est ressentie par les jeunes.

Stressés et fatigués

Félicia Fasel, secrétaire nationale pour la jeunesse chez Unia, commente les résultats de l'enquête en primeur dans le 19h30 de la RTS.

"La plupart des apprentis, 90%, sont stressés sur leur place de travail. Et plus de la moitié d'entre eux, 53,2%, sont stressés 'souvent' à 'toujours' sur leur place de travail en entreprise et sur leur place de formation", évoque-t-elle.

"Cela a des conséquences sur leur vie à la maison: environ deux tiers d'entre eux se disent 'souvent' à 'toujours' épuisés en dehors du travail. Et si on fait les tests de corrélation, on voit que c'est fortement lié au stress", décrit la secrétaire syndicale.

Le syndicat a également cherché à comprendre d'où vient ce stress. "Les discriminations et le temps de travail ont un rôle assez prédominants" dans les origines de ce stress, indique Félicia Fasel.

Un tiers des apprentis insatisfaits

Un tiers des apprentis ne seraient en outre pas satisfaits de leur formation. En cause, le manque de vacances pour ces jeunes qui passent de 13 à 5 semaines par an, mais aussi des journées de plus de 9h par jour, des expériences de racisme, de mobbing ou de harcèlement sexuel.

L'enquête d'Unia présente près de 1500 témoignages recueillis dans toute la Suisse. Parmi eux, une apprentie coiffeuse en 3e année explique: "Il y a beaucoup de pression, des horaires très très durs. […] Notre journée dure neuf heures et malheureusement, ce n'est jamais vraiment que neuf heures. Bien souvent, on dépasse les neuf heures sans congé après, ou sans être payé plus."

Elle raconte des conditions difficiles: son patron la rabaisse et dénigre son travail. Son salaire mensuel est de 550 francs. Et on lui demande encore de drôles de services: aller faire les commissions de son patron, emmener la mère de ce dernier quelque part en voiture, faire tout ce qu'il n'a pas le temps de faire, jusqu'au ménage. Difficile de se défendre quand on est encore adolescente.

"Il a une emprise et j'ai tout sauf envie de le décevoir, parce que c'est lui qui dessine mon avenir dans cette formation", témoigne la jeune apprentie.

Un quart jette l'éponge

Selon l'Office fédéral de la statistique, près d'un apprenti sur quatre jette l'éponge. Des apprentis en bas de la hiérarchie sociale, parfois considérés comme des larbins.

Et le risque de décrochage est conséquent à l'adolescence - période charnière où la vulnérabilité est grande, et où une mauvaise expérience peut tout faire basculer.

Sujet TV: Daniel Bachman et Feriel Mestiri

Adaptation web: Julien Furrer

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